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session, depuis la fin de la guerre des Albigeois, avait été en litige entre la couronne de France et l'Église romaine'. Le concile terminé, Grégoire, au lieu de reprendre la route de l'Italie, demeura à Lyon jusqu'au printemps de l'année suivante, pour veiller de plus près aux préparatifs de l'expédition de Terre sainte. Par une circulaire qu'il ne tarda pas à envoyer aux évêques des différents diocèses, il leur ordonna d'exciter les fidèles à y prendre part, et les Frères mineurs reçurent l'injonction de prêcher la croisade par toute la chrétienté 2. Déjà Philippe le Hardi et Rodolfe avaient pris la croix. Le pape, croyant qu'il importait au succès de l'expédition d'en confier le commandement à Rodolfe, voulut revêtir ce prince de toute l'autorité due au chef de l'Empire. Il lui adressa une lettre par laquelle, lui donnant pour la première fois la qualification de roi des Romains, il l'avertissait de se préparer à venir prochai nement à Rome recevoir la couronne impériale3. Il manda en même temps à tous les princes ecclésiastiques et séculiers de l'Allemagne et, en particulier, au roi de Bohème, qui persistait dans son opposition, de rendre obéissance au souverain agréé par le saint-siège. Son intention était que les droits de ce prince fussent reconnus en Italie, aussi bien qu'en Allemagne ; et comme Charles d'Anjou, en recevant de Clément IV le vicariat impérial de Toscane, avait promis de s'en démettre dès que la désignation d'un roi des Romains aurait été approuvée par la cour pontificale, il lui envoya l'évêque de Périgueux pour lui rappeler ses engagements 5. Au contraire de ses devanciers qui avaient cherché à affaiblir l'Empire, Grégoire voulait lui restituer une puissance

1. Raynald. anno 1273, no 51. Cf. ibid. Mansi, note 1. Pour ce qui concerne le comtat Venaissin depuis le traité d'avril 1229, voir Hist. gén. du Languedoc, éd. Molinier, t. VII, p. 90-93, 489; t. IX, p. 8, 40, 41.

2. 17 septembre 1274. Raynald. ibid. no 40-42. Cf. Potthast, Reg. pontif. n° 20920. Voir aussi ibid. no 20925 une lettre du 20 septembre adressée aux prélats de la chrétienté pour la levée de la décime.

3. 26 septembre 1274. Theiner, Cod. dipl. dom. temp. t. I, p. 186.

4. Même date. Theiner, ibid. p. 187.

5. Raynald. ibid. n° 60.

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Raynald. anno 1274, n° 57.

dont il croyait que l'Église romaine n'avait plus à redouter les effets, et il se flattait de rétablir entre les deux pouvoirs cette union qui, de tout temps, avait été le vœu des esprits désintéressés. Dans une lettre qu'au mois de février 1275 il adressait à Rodolfe « Le sacerdoce et l'Empire, écrivait-il, ont été également institués pour le bien du monde, et ils se doivent un mutuel secours; c'est à l'Empire qu'appartient plus spécialement la mission de protéger le saint-siège, et le saintsiège doit, de son côté, aider l'Empire auquel il demande les moyens de sa sécurité. » Donnant à cette doctrine une portée plus générale: «S'il est du devoir de ceux qui dirigent les États de sauvegarder les droits et l'indépendance de l'Église, ajoutait-il, il est aussi du devoir de ceux qui ont le gouvernement ecclésiastique de tout faire pour que les rois et les princes possèdent la plénitude de leur autorité1. » On ne pouvait répudier plus ouvertement les maximes ambitieuses des Grégoire IX et des Innocent IV, qui s'étaient dits les maîtres de l'Empire et les dominateurs des rois.

Bien qu'à l'issue du consistoire où il s'était prononcé en faveur de Rodolfe, le pontife eût écrit au roi de Castille et l'eût exhorté à se désister de ses prétentions à l'Empire 2, ce prince n'avait pas laissé de les maintenir et, se liguant avec le roi de Bohème, avait même envoyé des troupes dans la Haute Italie pour y faire prévaloir ses droits. Sur les représentations de Grégoire, il parut disposé à se soumettre, et il obtint du pape une entrevue à Beaucaire, où, dans des pourparlers qui durèrent plusieurs mois, il s'efforça vainement de

1. « Curare debent gubernantes Imperia et regna gerentes, ut ecclesias et personas ecclesiasticas foveant, libertates et jura tueantur ipsarum; sed nec minus qui ecclesiarum gubernacula gerunt... omni debent ope satagere ut reges ceterique catholici principes debite polleant integritate potentie, status sui plenitudine integrentur. » 15 février 1275. Theiner, ibid. p. 188, 189. 2. 11 juin 1274. Raynald. eod. anno, no 45. Cf. une autre lettre du pape au même, du 19 décembre. Raynald. ibid. no 50-52.

3. Potthast, Reg. pontif. nos 20963, 20967.

4. Annal. Placent. Gibell. (Pertz, ss. t. XVIII, p. 561). Le pape, qui avait quitté Lyon à la fin d'avril 1275, arriva au milieu de mai à Beaucaire, où il séjourna jusqu'au commencement de septembre.

LA COUR DE ROME.

T. II.

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l'amener à casser l'élection de Rodolfe. De retour en Espagne, au lieu de se soumettre comme il l'avait promis, il revêtit publiquement les insignes impériaux. Grégoire l'ayant menacé des peines ecclésiastiques', cette menace et plus encore sans doute la concession que le pape lui fit d'une décime sur le clergé de son royaume en vue de la guerre contre les Maures 2 décidèrent enfin Alfonse à renoncer à l'Empire. De Beaucaire, Grégoire, qui avait alors résolu de regagner Rome, s'était acheminé vers Lausanne. Il y rencontra Rodolfe, avec lequel il avait désiré se concerter au sujet de la croisade, et qui, le 20 octobre .1275, renouvela solennellement dans l'église cathédrale les serments prêtés à Lyon par son chancelier 3. De Lausanne, le pontife se dirigea vers l'Italie, occupé uniquement des apprêts de la croisade et attendant de se trouver à Rome pour y appeler Rodolfe et lui conférer la couronne impériale, quand, arrivé à Arezzo, il tomba malade et mourut le 6 janvier 1276.

1. 13 et 28 septembre 1275. Raynald. eod. anno, no 15. Theiner, Cod. dipl. dom. temp. t. I, p. 193.

2. 14 octobre 1275. Raynald. eod. anno, no 16.

3. Annal. Placent. Gibell. Theiner, Cod. dipl. dom. temp. t. I, p. 194, 195. 4. Dans la lettre à Rodolfe du 15 février 1275, Grégoire avait d'abord fivé la date du couronnement à Rome à la Toussaint de cette année. Dans l'entrevue de Lausanne, il recula cette date à la Purification de l'année suivante. Voir une lettre du pape du 24 novembre 1275, dans Theiner, ibid. p. 196.

III

INNOCENT V, ADRIEN V, JEAN XXI,

NICOLAS III, MARTIN IV, HONORIUS IV, NICOLAS IV.

1276-1292.

La mort de Grégoire arrêta les préparatifs de l'expédition qui avait été décidée contre les Infidèles. Si l'on excepte les affaires d'Allemagne heureusement terminées, on peut dire que son pontificat n'avait été qu'une espérance. Rien de ce qu'avait fait Grégoire n'était destiné à subsister. Non seulement la croisade, dont il avait commencé les apprêts, ne devait pas aboutir; mais l'Italie, qu'il avait cru pacifier, continua, comme auparavant, d'être agitée par les factions. L'union des Églises grecque et romaine, dont s'était réjouie sa piété, n'était elle-même qu'une apparence qui n'allait pas tarder à s'évanouir. Quant au dessein qu'il avait conçu de réformer l'Église, il devait être également abandonné de ses successeurs; et, entre toutes les louables entreprises auxquelles il avait l'intention de consacrer ses soins, ce fut sans doute celle dont l'inexécution affligea le plus les hommes sincères. La dernière vacance du saint-siège avait achevé d'ouvrir les yeux sur la nécessité de cette réforme; mais, plus que jamais, on semblait comprendre que c'était dans la cour de Rome qu'il

importait d'abord d'apporter des changements. L'ancien général des dominicains, Humbert de Romans, dans le mémoire qu'il avait adressé à Grégoire, n'avait fait qu'indiquer cette pensée. Le moine Roger Bacon, dans une page de ses écrits, laquelle n'était pas destinée, il est vrai, à être communiquée au saint-siège, développait la même pensée en des termes qui, pour paraître empreints de quelque exagération, n'en étaient pas moins un indice des opinions que nourrissait à cet égard plus d'un contemporain.

«La cour de Rome, disait-il, est la première cause des désordres que nous voyons aujourd'hui dans le monde. Cette cour, dont la loi divine devrait être l'unique inspiratrice, s'est corrompue en s'appropriant les lois des souverains séculiers. En prenant leurs lois, elle a pris aussi leurs mœurs. L'orgueil, l'envie, la cupidité, l'incontinence, tous les appétits pervers se montrent dans son sein; et, comme si ces maux ne suffisaient pas, on a vu le monde privé de son pasteur pendant plusieurs années par l'effet des ambitions jalouses et des rivalités qui la dominent, ainsi que le savent tous ceux qui veulent connaitre la vérité. Lorsque la tête de l'Église est à ce point corrompue, que ne doivent pas être les membres ? Qui ne sait de quelle manière les évêques s'acquittent de leurs devoirs? Délaissant le soin des âmes, ils ne s'occupent que de querelles, de procès, et n'ont de goût que pour l'argent. A l'égard des ordres religieux, et je n'en excepte aucun, tous, même les plus récemment institués, sont aujourd'hui déchus. Quand le clergé s'abandonne ouvertement à de semblables désordres, doit-on s'étonner que son exemple soit suivi par les princes et les peuples? » Après avoir tracé ces critiques véhémentes, Bacon se demandait quels remèdes pouvaient être apportés à cette triste situation. «< Tous les hommes éclairés s'accordent à déclarer qu'il faut une prompte réforme dans l'Église; ils ne diffèrent que sur les moyens. Les uns attendent cette réforme de l'initiative d'un pape dont Dieu guidera les pieuses résolutions; les autres croient qu'aux efforts d'un saint pontife doivent se joindre ceux d'un grand

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