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porel du saint-siège, il exigea des représentants de ce prince de reconnaître comme appartenant à l'Église romaine toutes les diverses possessions spécifiées jadis par Otton IV et par Frédéric II dans les engagements que l'un et l'autre, en parvenant à l'Empire, avaient souscrits envers Innocent III. Otton, prévôt de l'église de Saint-Gui de Spire et chancelier de Rodolfe, prêtant serment au nom de son maître, confirma ces engagements. Il jura en outre que celui-ci non seulement s'abstiendrait de toute entreprise sur les États de l'Église, mais qu'il n'exercerait aucun pouvoir et n'accepterait aucune dignité dans ces États et particulièrement à Rome, à moins d'une autorisation expresse de la cour pontificale; qu'il n'attaquerait jamais les vassaux du saint-siège et nommément le roi de Sicile; qu'enfin, dans aucun cas, le royaume de Sicile ne serait réuni à l'Empire. Les archevêques de Mayence, de Cologne, de Trèves et d'autres prélats allemands s'associèrent par un acte écrit à ces déclarations; et ce qui prouve qu'en cette circonstance Grégoire était surtout guidé par des idées de paix, c'est que ces mêmes prélats s'engagèrent, dans cet acte, à faire en sorte que toute trace des anciennes divisions fùt effacée entre le saint-siège et l'Empire et que ces deux puissances fussent désormais unies dans l'intérêt commun de la catholicité 1.

Les ambassadeurs de Michel Paléologue n'arrivèrent qu'à la veille de la quatrième session. Tous les prélats du concile se portèrent à leur rencontre, et on les conduisit au palais pontifical, où Grégoire et les cardinaux leur donnèrent le baiser de paix. Là ils remirent au pape une lettre de l'empereur, une autre de son fils aîné, Andronic, et une troisième. émanée du clergé de Constantinople. Ces lettres témoignaient d'un égal zèle pour l'union des deux Églises 2. Celle de Michel Paléologue, en particulier, contenait une longue profes

1. Voy. dans Raynald. anno 1274, no 5-12, le texte de ces divers engagements.

2. Raynald. anno 1274, no 14 et ss.

sion de foi conforme en tout aux doctrines de l'Église romaine. Il demandait seulement qu'on laissât l'Église grecque dire le symbole et pratiquer les rites selon le mode adopté par elle avant qu'elle se fût séparée de Rome. Ces lettres, dont le pape prit d'abord connaissance, ayant été lues ensuite en présence du concile, le grand logothète prêta, au nom de l'empereur, le serment par lequel ce monarque abjurait le schisme, adhérait sans réserve au dogme catholique et reconnaissait la primauté du saint-siège 1. Grégoire, ému jusqu'aux larmes, entonna un Te Deum pour remercier le ciel d'un aussi grand événement; après quoi, le Credo fut chanté en latin par les Pères du concile et en grec par les députés de l'empereur. Le passage du Credo relatif à la procession du Saint-Esprit, « qui ex Patre Filioque procedit, point sur lequel les Grecs étaient principalement en désaccord avec Rome 2, fut chanté deux fois dans l'une et l'autre langue; et l'on put croire désormais terminé le schisme qui, depuis plusieurs siècles, divisait la chrétienté.

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Grégoire n'avait pas moins à cœur la réforme de l'Église. Des divers mémoires qui lui avaient été envoyés à ce sujet, on n'en possède que deux, l'un de Bruno, évêque d'Olmutz, et l'autre de Humbert de Romans qui avait été général des Frères prêcheurs. Le premier ne s'occupait guère que des dommages causés aux églises d'Allemagne par la longue vacance de l'Empire 3. Le second était plus étendu 1. Par une

1. Raynald. anno 1274, no 18.

2. On sait que, dans le symbole de l'Église grecque, le Saint-Esprit procède seulement du Père, et non, comme dans celui de l'Église romaine, du Père et du Fils.

3. Voir cet écrit dans Raynald. anno 1273, no 14-18.

4. Le mémoire d'Humbert de Romans se trouve dans Brown, Append. ad fascicul. rer. expetend., p. 185-229, Lond. 1690. On possède deux textes de ce mémoire; l'un publié par Brown, qui n'indique pas la source d'où il l'a tiré, et l'autre emprunté par Mabillon à un manuscrit de la bibliothèque du Vatican et qu'a reproduit Martène (ampl. coll. t. VII, p. 174-198). Ce manuscrit, que M. De Loye, élève de l'École française de Rome, a bien voulu revoir à notre intention, n'est, il est vrai, qu'une suite d'extraits du mémoire dont il s'agit. Mais ces deux textes, précédés des mêmes considérants, rédigés sur

réserve qui tenait sans doute à sa qualité de religieux, l'auteur n'y disait que quelques mots du clergé régulier. En revanche, ses critiques sur le clergé séculier étaient nombreuses. Il n'épargnait pas plus les prêtres que les simples clercs; mais c'était surtout aux évêques qu'il adressait ses censures les plus vives. Il ne craignait pas d'affirmer que les prélats qui manquaient à leurs devoirs étaient en majorité dans l'Église. Il leur reprochait leur orgueil, leur avidité, leur faste qui égalait chez quelques-uns, disait-il, celui des princes et des rois. Il ajoutait que beaucoup parmi eux étaient notoirement coupables d'incontinence et, rappelant les rigueurs dont avait été frappé autrefois le roi de France Philippe Auguste qui vivait dans l'adultère, il demandait qu'à plus forte raison l'on sévit contre ceux des évêques qui poussaient le déréglement jusqu'à entretenir comme concubines des abbesses ou des religieuses. Si l'on ne remédie à ces désordres, écrivait-il, il est à craindre que Dieu ne se venge un jour sur l'Église ellemême, et qu'il n'arrive d'elle ce qui est advenu des Juifs, qui, d'abord glorifiés par le Seigneur, ont été plus tard confondus et dispersés. A l'égard de l'Église romaine, ses critiques étaient plus retenues. Il osait représenter néanmoins qu'elle imposait aux fidèles un joug trop pesant, et que, si les Grecs avaient refusé si longtemps de s'unir à elle, c'était qu'ils re

un plan identique, avec des chapitres en nombre égal et intitulés de même, tout en différant nécessairement entre eux par l'étendue et aussi par les termes, se ressemblent par le fond. Sur la vie et les œuvres d'Humbert de Romans, voir Quétif et Echard, Script. ord. prædic. t. I, p. 146 et ss. Cf. Hist. liltér. t. XIX, p. 335-347.

1. «Non est rex neque princeps secularis de cujus familia major vanitas invenitur. >>

2. « Quid ergo est faciendum de prælato qui non solum mulieribus maritatis abutitur, sed etiam monialibus et abbatissis evidenter? » Ce passage, ajouté par Brown à la suite du mémoire d'Humbert de Romans comme en faisant partie, n'a pas son analogue dans le texte de Martène. Mais nous ne croyons pas que ce soit une raison pour le rejeter, l'auteur de ce passage faisant évidemment allusion à l'évêque de Liège, sur qui Grégoire X, dans une de ses lettres (voy. ci-après), s'exprime en termes beaucoup plus vifs. 3. «Timendum est ne Deus, propter hujusmodi et alia scelera nimis grandia et multa et quæ diu duraverunt, confundat vel confundi permittat statum ecclesiasticum.. sicut factum est de Judæis. »

doutaient ses exactions, ses nonces, ses légats et le trop grand nombre de ses décrets et de ses châtiments. Il rappelait les scandales qu'avaient donnés au monde, depuis plusieurs années, les fréquentes vacances du saint-siège, parlait des dilapidations qu'après la mort de Clément IV avaient commises les cardinaux, et demandait qu'en vue des futures élections il fût prescrit aux membres du sacré collège de ne rien distraire pour eux-mêmes des revenus apostoliques et de n'accepter ni dons, ni services, tant que durerait la vacance, sous peine de perdre leur droit de vote dans la désignation du pape. Tout en exprimant ces blâmes au sujet de l'Église de Rome, il reconnaissait qu'elle était maîtresse et souveraine de toutes les églises; mais il ajoutait que, par cela même qu'on était tenu de lui obéir, elle devait commencer par corriger les abus dont elle offrait l'exemple 1.

Ces représentations émanées d'un homme dévoué au saintsiège ne furent sans doute pas étrangères à deux mesures que prit d'abord Grégoire. Il avait mandé à Lyon Henri de Gueldres, évêque de Liège, qui, par ses désordres et ses débauches, avait excité l'indignation de tous les fidèles de son diocèse 2. Il le contraignit, en présence des Pères assemblés, à rendre son anneau épiscopal et à se démettre de ses fonctions 3. La seconde mesure, d'un intérêt plus général et à laquelle les cardinaux tentèrent vainement de s'opposer, était relative aux vacances du saint-siège. Il décida par une constitution que, dix jours au plus après la mort du pape et sans attendre ceux de leurs collègues qui pourraient être absents,

1. «Quia nemo inferior audet ponere os in ecclesiam Romanam, tanto magis deceret ut ipse dominus papa et domini cardinales attenderent diligenter corrigenda in ecclesia romana et inciperent ab illis. >>

2. Voir une lettre qu'à la fin de 1273, ou au commencement de 1274, le pape adressait à ce prélat simoniaque et débauché, lettre dans laquelle il est dit qu'outre ses relations avec une religieuse et d'autres femmes, il entretenait alors publiquement comme concubine une abbesse de l'ordre de saint Benoit, et qu'avant comme après sa promotion à l'épiscopat, il avait eu plusieurs fils et filles. Mansi, Conc. t. XXIV, p. 27. Cf. Potthast, Reg. pontif. no 20777. 3. Grégoire obligea également l'abbé de S. Paul de Rome, pour inconduite notoire, à résigner son abbaye. Labb. Conc. t. XI, p. 958.

les membres du sacré collège se réuniraient dans l'une des chambres du palais où le décès aurait eu lieu, avec défense d'en sortir et de recevoir ni écrit, ni message, sous peine d'excommunication; que cette chambre, étroitement fermée, n'aurait d'autre issue qu'une fenêtre par où leur serait servie la nourriture; que, si au bout de huit jours il n'y avait pas eu d'élection, cette nourriture, bornée d'abord au strict nécessaire, serait réduite au pain, au vin et à l'eau ; qu'enfin, tant que les cardinaux seraient en conclave, ils ne pourraient toucher quoi que ce fùt ni du trésor pontifical, ni des revenus de l'Église romaine. Il décida en outre que les seigneurs ou les magistrats de la ville où se ferait l'élection seraient chargés de veiller à l'observation de ces diverses prescriptions. Cette constitution, que Grégoire publia dans la cinquième session, fut ensuite notifiée par lettres à toute la chréétienté. On eût pu croire, d'après cela, que le pontife aurait entrepris résolument l'œuvre de réforme qu'il avait annoncée. Mais, soit qu'il sentit secrètement son impuissance, soit plutôt qu'il considérât qu'une œuvre aussi difficile avait besoin d'être longuement préparée, il remit à des temps ultérieurs l'exécution de ses projets. Il déclara toutefois, dans la dernière session, qu'il était déterminé à opérer ces réformes, et, reprochant aux prélats de déshonorer la religion par leur conduite, il leur signifia que, le moment venu, il saurait agir avec sévérité contre ceux qui, par leur pernicieux exemple, étaient la cause de la perdition du monde 3.

Un fait étranger à ces grands objets, mais qui devait avoir sa place un jour dans l'histoire de la papauté, se passa dans cette assemblée. Les ambassadeurs de Philippe le Hardi y firent cession au saint-siège du Comtat Venaissin, dont la pos

1. On sait que ce nom de conclave servit dès lors à désigner soit la chambre où avait lieu l'élection, soit l'assemblée des cardinaux qui s'y trouvaient enfermés.

2. Voir dans Raynald. anno 1274, n° 24-27, le texte de cette constitution. 3. Quod prælati faciebant ruere totum mundum. » Raynald. ibid. no 33. Cf. Hist. litter. t. XXI, p. 359.

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