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et achever, au delà comme en deçà des Alpes, les préparatifs de cette expédition. De son côté, Jean de Brienne devait parcourir la France, l'Espagne, l'Angleterre, y entraîner les princes à la croisade ou en obtenir tout au moins des secours en hommes et en argent.

Ce congrès, qui, par le petit nombre de ceux qui s'y étaient présentés, avait trompé les espérances du pontife, les trompa plus encore par ses résultats. Quand le roi de Jérusalem arriva en France, Philippe Auguste venait de mourir 1. Ce n'était guère au début d'un règne que son successeur, Louis VIII, pouvait s'engager dans une aussi lointaine entreprise. Les grands de son royaume ne se montrèrent pas non plus disposés à prêter leur concours. Jean de Brienne ne fut pas plus heureux en Angleterre. Dans toutes les contrées qu'il traversa, il ne rencontra que de l'indifférence ou des refus. En vain Honorius, à l'issue du congrès, avait-il écrit à tous les souverains de la chrétienté 3. Les prélats mêmes qu'il avait chargés de prêcher la croisade ne s'acquittèrent de leur mission qu'avec tiédeur. La perte de Damiette, loin de ranimer le zèle, semblait avoir eu pour effet de le refroidir davantage. Le pape croyait du moins pouvoir compter sur Frédéric. Le monarque devait encore cette fois trahir son attente. Retourné dans l'Italie méridionale, Frédéric employa la plus grande partie de son activité à réduire les Sarrazins, qu'il transféra à Lucéra, en Capitanate, afin de les tenir plus étroitement sous sa main, en même temps que, par des mesures vigoureuses, il achevait de rétablir son autorité dans le reste du royaume 4. Il ne laissait pas toutefois de se disposer à la guerre contre les Infidèles. Dans une lettre qu'au mois de mars 1224 il adressait au pontife, il annonçait

1. 14 juillet 1223.

2. «< Pauci vel nulli sunt qui, per omnes provincias illas quas dictus rex dicitur peragrasse, velint se ad crucis ministerium præparare. » Lettre de Frédéric au pape, 5 mars 1224, Hist. dipl. t. II. p. 409-413.

3. Voir Potthast, Reg. pontif. 26 mars et 11 avril 1223, nos 6969, 6994.

4. Hist. dipl. Introd. p. 381 et ss.

des empereurs, t. II, p. 24-29.

Cherrier, Hist. de la lutte des papes et

qu'indépendamment de cent galères prêtes à appareiller, il faisait construire cinquante vaisseaux de transport. «< Dieu nous est témoin, écrivait-il, que nous travaillons sans relâche à assurer le succès de la guerre sainte, et que nous n'avons rien de plus à cœur que le triomphe de la croix 1. » Néanmoins la date que le congrès avait fixée pour son départ approcha, sans qu'il eût terminé ses apprêts. Ces lenteurs étaient calculées. Méditant de nouvelles entreprises dont l'exécution exigeait la prolongation de son séjour en Italie, il allégua, pour différer son expédition, son mariage non encore célébré avec Yolande, mariage par lequel, avant de se rendre en Palestine, il voulait, disait-il, assurer ses droits au trône de Jérusalem, et, sur ce prétexte, il envoya vers le chef de l'Église solliciter un sursis2.

Honorius venait alors de quitter Rome, fuyant une seconde fois devant le parti populaire 3. Les envoyés de l'empereur trouvèrent le pape à Rieti. Quelque regret qu'il éprouvât du peu de zèle de Frédéric, il se laissa persuader et consentit à un dernier sursis. A la vérité, le prompt départ de l'empereur n'était plus aussi nécessaire que lorsque les croisés étaient en péril à Damiette. Mais, afin de rendre impossibles de nouveaux retards, il voulut lier Frédéric par des engagements plus solennels que ceux qu'il avait pris jusqu'ici. Il manda au monarque de se trouver le 22 juillet 1225 à San Germano, où deux cardinaux, désignés à cet effet, étaient chargés d'aller recevoir son serment. Là, dans la principale église, et en présence d'un grand nombre d'ecclésiastiques, de nobles et de bourgeois, Frédéric, debout devant le maîtreautel et la main droite étendue sur le livre des Évangiles, jura à haute voix de partir le 15 août 1227 pour la Terre ́ sainte, avec cinquante galères et cent navires de transport. Il promit en outre d'y entretenir pendant deux ans mille chevaliers équipés, de déposer d'avance cent mille onces.

1. Lettre mentionnée ci-dessus du 5 mars 1224.

2. Zeller, Hist. d'Allem. t. V, p. 207.

3. Fin avril 1225. Voir Gregorovius, Storia di Rom a, t. V, p. 157-159.

d'or pour les frais de l'expédition, et déclara que, si par sa faute la croisade ne pouvait avoir lieu, il se soumettrait volontairement à l'anathème 1.

3

Tout en déployant ces constants et inutiles efforts au sujet de la Terre sainte, Honorius avait reporté son attention vers le midi de la France où les hérétiques avaient continué leurs progrès. Après avoir perdu successivement toutes les places. qu'il occupait, réduit bientôt à l'extrémité, Amaury s'était vu contraint, au mois de janvier 1224, de signer une trève avec le jeune Raimond 2, que ses victoires et la mort récente de son père avaient rendu maître du comté de Toulouse. S'éloignant dès lors et pour jamais de ces provinces dont le chassait la défaite, Amaury était allé trouver le nouveau roi de France, Louis VIII, et lui avait cédé ses droits sur les domaines que la croisade et l'Église avaient donnés à sa famille. De son côté, Raimond VII, désireux de conserver l'héritage paternel reconquis par ses armes, avait envoyé des députés à Honorius et sollicité sa réconciliation avec l'Église, s'engageant à maintenir ses sujets dans l'obéissance du saint-siège. Le pontife avait paru d'abord se rendre à ces sollicitations, et il suspendit même les indulgences accordées pour la guerre contre les Albigeois 5. Quelques évêques réunis à Montpellier, entrant dans des voies plus équitables que celles qui avaient été suivies jusqu'alors par l'Église, appuyèrent auprès du pape les démarches de Raimond . Mais, cir6. convenu par les menées d'Amaury, entraîné peut-être aussi par quelques-uns des membres du sacré collège, Honorius changea de sentiments et envoya en Languedoc Romain, cardinal de Saint-Ange, avec la mission « d'y relever la religion

1. Lettre de Frédéric au pape, datée de San Germano, 28 juillet 1225, Hist. dipl. t. II, p. 500, 501.

2. D. Vaissette, Hist. du Languedoc, éd. Molinier, t. VIII, Preuves, n° 148.

3. Raimond VI mourut en août 1222.

4. D. Vaissette, ibid., t. VIII, Preuves, n° 152.

5. lbid., t. VI, p. 579 et ss.

6. Ibid., t. VI, p. 582-587.

de son triste état de décadence » et de tout faire pour que Raimond se soumît au saint-siège 1.

Le comte de Toulouse connut bientôt quelle était la soumission qu'on exigeait de lui. Un concile, auquel assistaient plus de cent évêques de France avec les abbés et les députés des chapitres, se rassembla, le 29 novembre 1225, à Bourges, sous la présidence du légat. Raimond, qui s'y était présenté, demanda << humblement » son absolution, réitéra sa déclaration de vouloir maintenir ses sujets dans l'unité de l'Église, se dit même « prêt à subir un examen sur la foi, » et alla jusqu'à supplier le légat de visiter avec lui ses domaines et de s'y enquérir de la religion des habitants. Ce fut en vain. Le cardinal, qui avait les instructions du saint-siège, ne consentit à absoudre lè comte que s'il renonçait pour lui et ses descendants à son héritage. Raimond, ayant refusé de se rendre à cette exigence, se vit menacé d'une nouvelle guerre. Le pape, averti par son légat, sollicita Louis VIII dans les termes les plus pressants d'extirper « la peste toujours renaissante de l'hérésie » et de s'emparer par les armes des terres dont Amaury lui avait fait l'abandon3. Louis, qui s'était d'abord flatté d'obtenir ces domaines par la soumision volontaire de Raimond, se voyant déçu dans son attente, céda avec empressement aux désirs du pontife et réunit un parlement à Paris, où l'on décida la croisade . Le cardinal Romain y excommunia, au nom du pape, Raimond et ses alliés, le proclama hérétique condamné, et confirma la possession de ses domaines au roi de France, qui, avec ses barons et ses évêques, prit la croix de la main du légat; et la guerre sainte fut de nouveau prêchée contre les Albigeois 5.

Cette croisade, on doit le dire, ne fut pas entreprise avec

1. Fév. 1225. Raynald. anno 1225, no 28, 29. Pour tout ce qui précède, voir Schmidt, Hist. des Albig. t. I, p. 276-278.

2. Rog. de Wendov. anno 1226.

3. Baluz. Miscell. t. II, p. 255 et ss. Raynald. anno 1225, no 30-33.

4. 28 janv. 1226. Cf. une lettre du pape au légat, février-mars 1226, dans D. Bouquet, Rec. t. XIX, p. 771.

5. Schmidt, Hist. des Albig., p. 279, 280.

cette ardeur qu'on avait vue au temps d'Innocent III, ni même avec celle, déjà sensiblement diminuée, qui s'était encore manifestée dans les premières années du pontificat d'Honorius. Les vassaux de Louis VIII ne prirent les armes, pour la plupart, que parce que leurs devoirs féodaux les y obligeaient. La crainte du roi, assure un chroniqueur, jointe à un sentiment de condescendance pour les volontés du saintsiège, fut le principal motif qui les détermina1. Beaucoup trouvaient injuste cette guerre faite à un prince qui ne demandait qu'à prouver à l'Église la sincérité de son obéissance et de sa foi. Une armée nombreuse se réunit à Bourges, au mois de mai 1226, d'où elle partit, sous la conduite du roi, pour se diriger sur le midi. Son approche suffit à répandre la terreur dans ces malheureuses provinces, si souvent et si cruellement éprouvées. Un certain nombre de seigneurs et plusieurs villes, telles que Béziers, Nîmes, Castres, se hâtèrent d'envoyer vers Louis des députés pour faire leur soumission. Avignon, après avoir tenté de résister, se rendit également. Albi, Carcassonne, se soumirent à leur tour2. En quelques mois, le pays presque entier était tombé au pouvoir de Louis, lorsque ce prince mourut subitement, le 8 novembre, des suites d'une épidémie qui avait atteint une partie de son armée. Cette mort ranima un moment l'ardeur de la défense; mais elle ne fit que retarder un dénouement devenu inévitable. La royauté en France ne devait pas abandonner les droits qu'elle tenait de la cession d'Amaury et qui lui avaient été confirmés par le saint-siège; et, bien qu'Honorius dût mourir lui-même avant que Raymond se fût résigné à déposer les armes, il put dès lors considérer comme assurées la destruction de l'indépendance de ces provinces et leur fusion avec la France catholique du Nord.

Dans son empressement à remplir les vœux du pontife,

1. « Plus metu regis, vel favore legati, quam zelo justitiæ inducti. » Rog. de Wendov.

2. Rog. de Wendov.

Schmidt, Hist. des Albig. t. I, p. 281.

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