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du royaume de Sicile, il la résignerait à la première sommation du pape, et que, dans le cas contraire, il ne pourrait la conserver que pendant trois années. Sur le reste, les conditions étaient, à très peu de chose près, les mêmes que celles qui avaient été stipulées par Urbain. C'étaient les mêmes précautions pour que le futur roi de Sicile et ses successeurs ne pussent étendre leur domination dans les autres parties de la péninsule ou en Allemagne. Indépendamment des cinquante mille livres sterling que Charles devait payer après son avénement, le cens demeurait fixé, non plus à dix mille, mais à huit mille onces d'or. Les pénalités les plus sévères, pénalités déjà insérées par Urbain dans le précédent traité, garantissaient le paiement régulier de ce cens. Si le roi tardait plus de deux mois à s'acquitter, il encourait l'excommunication; et, s'il laissait passer encore deux autres mois sans se libérer, ses États tombaient sous l'interdit. Tel était l'égarement où les luttes politiques avaient entraîné la cour de Rome, que, pour un intérêt financier, elle privait ainsi tout un peuple du service divin et de l'usage des sacrements. Enfin, si huit mois s'écoulaient sans que le cens fùt acquitté, le roi perdait par ce seul fait ses droits à la couronne, et le royaume de Sicile retournait à l'Église romaine1.

Charles consentit à toutes ces conditions. Dès l'année précédente, il avait commencé les apprêts d'une expédition que Louis IX, toujours hésitant entre ses scrupules et les sollicitations du saint-siège, avait moins approuvée que tolérée 2. Les efforts des prédicateurs de la croisade et plus encore la perspective de possessions à obtenir dans un royaume qui était réputé l'un des plus riches de l'Occident, avaient attiré dans cette expédition une partie de la chevalerie française 3. Laissant le gros de l'armée se rassembler à Lyon, Charles

1. D'Achery, Spicil. t. III, p. 650-658.

2. Ces dispositions de Louis IX ressortent à la fois des dernières lettres d'Urbain et des premières de Clément sur les affaires de Sicile.

3. Guil. de Nang. Chron. anno 1265.

4. La chronique de Parme évalue ces forces à 60.000 hommes, chiffre cer

s'embarqua à Marseille, accompagné de quelques troupes d'élite, et, malgré une croisière sicilienne qui gardait les côtes d'Italie, aborda, le 21 mai 1265, sur le territoire romain, non loin de l'embouchure du Tibre. Il se dirigea aussitôt vers Rome, où il fit son entrée au milieu des acclamations de ses partisans et escorté du clergé et de la noblesse 1. Moins d'un mois après, il prenait possession de la dignité sénatoriale dans le cloître du monastère de Sainte-Marie au Capitole ; et, le 28 juin, quatre cardinaux, envoyés de Pérouse, lui conféraient au nom du pape, dans l'église Saint-Jean de Latran, l'investiture du royaume de Sicile 3.

La seule présence de Charles d'Anjou en Italie avait suffi pour relever le parti guelfe par toute la péninsule. Déjà même des défections se produisaient parmi les barons siciliens; et Manfred, qui s'était avancé sur les terres de l'Église afin de surprendre son ennemi, dut regagner ses États pour y raffermir la fidélité de ses vassaux et y concentrer ses forces1. Cependant la grande armée qui devait rejoindre Charles tardait, faute d'argent, à s'ébranler. Sur les instances de ce prince, le pape, tout en pressant par de nouvelles menaces la levée des décimes qui ne s'opérait qu'avec difficulté, engagea à des banquiers italiens les domaines de l'Église pour des sommes considérables et écrivit lettres sur lettres à Louis IX, qu'il

tainement exagéré. Au dire de Barth. Scriba, 1. VI, anno 1265, on comptait 5.000 chevaux, 600 arbalétriers et 20.000 hommes de pied. Cf. Annal. veter. Mutinens.

1. Sabas Malaspina, 1. II, c. 17, 18.

2. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 420.

3. Voir une lettre du pape à ces cardinaux, datée du 21 juin 1265, Martene, Thes. anecd. t. II, p. 223. L'acte dressé à cette occasion fut ratifié par des lettres du pape datées de Pérouse le 4 novembre 1265. Raynald. eod. anno, no 13-20.

4. Cherrier, Hist. de la lutte des papes et des empereurs, t. III, p. 175.

5. « Payez la décime sans murmurer, écrivait le pape au clergé; payez aussi et sans réclamation le centième pour Jérusalem et Constantinople; autrement vous vous exposeriez à être traités en rebelles. » 13 juillet 1265, Martene, Thes. anecd. t. II, p. 158, 159. Cf. ibid., p. 178 (5 août); p. 243 (17 novembre.)

6. Lettre du pape à Charles d'Anjou, 31 décembre 1265, Martene, ibid., t: II, p. 260. Voy. dans Cherrier, ouvr. cité, t. III, p. 176, note 2, un relevé,

conjurait, « dans l'intérêt du salut de son âme, » de procurer à son frère les ressources dont il avait besoin 1. Enfin l'armée put se mettre en marche. Elle descendit en Lombardie par les passages des Alpes que lui avait ouverts le duc de Savoie, et, se dirigeant, non sans se garder des Gibelins, par Milan, Ferrare, Bologne et la Romagne, atteignit Rome au commencement du mois de janvier 1266.

Charles venait alors de recevoir en grande pompe, dans l'église Saint-Pierre, la couronne de Sicile des mains du cardinal-évêque d'Albano, auquel s'étaient joints plusieurs autres cardinaux délégués par le pontife 2. Quatorze jours après, le 20 janvier, l'armée tout entière sortit de Rome, et en peu de temps elle arrivait sur les frontières de l'Italie méridionale. Surpris d'une marche aussi rapide, Manfred envoya vainement porter au pape des paroles de conciliation 3. A l'approche des Français, de nouvelles défections se produisirent, et Charles put s'avancer, sans coup férir, jusqu'à San Germano qu'il enleva d'assaut. De là il alla droit à son adversaire. Le 26 février, les deux armées se rencontrèrent aux environs de Bénévent. Commencée vers midi, la bataille se prolongea avec acharnement jusqu'à la nuit. Manfred, vaincu malgré son courage et qui, sur le lieu même de l'action, s'était vu trahi par une partie des siens, n'eut pas du moins la douleur de survivre à sa défaite. Il périt dans la mêlée. Charles le fit ensevelir avec quelque honneur; mais, comme il était mort excommunié, ses restes, par l'ordre de l'archevêque de Cosenza, furent transportés hors du royaume et jetés dans un champ 5. Cette seule bataille soumit au comte d'An

d'après les lettres pontificales, des emprunts sonscrits en 1265 au nom de ce prince et hypothéqués sur la chambre apostolique et sur les biens des églises.

1. Juillet-août 1265. Martene, Thes. anecd. t. II, p. 165, 174, 185. 2. 6 janvier 1266. Raynald. eod. anno, no 1-5.

3. Voir, dans Raynald. ibid. no 8, la réponse du pape à Manfred, qui paraît être du 21 février 1266. Cf. Potthast, Reg. pontif. no 19553.

4. Pour cette bataille, voir Sabas Malaspina, 1. III, c. 6 à 10.

Malespini, c. 180. Cf. Guil. de Nang. Chron.

5. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 446, 447.

Riccord.

jou toute l'Italie du Sud. Partout les villes ouvrirent leurs portes. Les ministres de Manfred vinrent offrir leurs services, et Charles, dont des succès aussi prompts dépassaient les espérances, entrait bientôt à Naples dans tout l'appareil royal 1.

Les vœux de la papauté semblaient remplis. Après onze ans de lutte, le sceptre du royaume de Sicile était enfin, ainsi qu'elle l'avait souhaité, arraché à la maison de Souabe. « C'est Dieu qui vous a choisi pour défendre les siens, écrivait le pontife au comte d'Anjou, et, par cette victoire glorieuse donnée à vos armes, il a comblé nos désirs et ceux de toute l'Église.» La même victoire qui valait à ce prince la possession d'un royaume, en jetant le désarroi dans les rangs des Gibelins, releva l'ascendant du saint-siège dans l'Italie centrale et lui rattacha quelques-unes des communes hostiles de Lombardie 3. Le rétablissement de l'autorité apostolique à Rome semblait seul manquer au triomphe de la papauté. Clément, se fondant sur les traités, exigea que Charles se démît de la dignité sénatoriale. Ce prince se rendit, non sans quelque résistance, aux exigences du pontife. Comme, en vertu de ces traités, il s'était engagé à ramener les Romains à l'obéissance du chef de l'Église dès qu'il sortirait de charge, Clément s'était flatté qu'il recouvrerait alors la seigneurie temporelle de Rome, et, dans cette vue, il était venu de Pérouse à Viterbe. Mais le nouveau roi ne se prêta par aucun effort au désir du pape, et les Romains, de leur côté, ne se montrèrent pas disposés à se replacer sous le joug du saint-siège. La renonciation de Charles n'eut d'autre effet que de provoquer des désordres, à la suite desquels, au printemps de 1267,

1. Voy. Matteo di Giovennazo, § 181, lequel, présent à cette entrée, en a donné une description détaillée.

2. Raynald. anno 1266, n° 17, 18.

3. « Marchia ad nos rediit; Florentini, Pistorienses, Senenses et Pisan ad mandata venerunt;.. Placentinorum habemus nuncios et Cremonensium expectamus,.. et de Januensibus aliquam spem habemus. » 8 mai 1266. Martene, Thes. anecd. t. II, p. 319.

4. Voir, à ce sujet, une lettre du pape du 15 mai 1266. Martene, ibid. t. II, p. 324.

le peuple, se soulevant encore une fois contre les nobles, élut pour capitaine un gibelin, Angelo Capoccio, auquel il confia la mission de nommer le sénateur. Celui-ci porta son choix sur Henri de Castille, frère du roi Alfonse, prince hardi et d'humeur aventureuse, qui, chassé d'Espagne comme rebelle, était d'abord allé en Afrique servir le roi de Tunis, et venait d'aborder en Italie, suivi de trois cents chevaliers castillans, pour y chercher fortune. A peine fut-il investi de la dignité sénatoriale, que, par une politique contraire à celle de Charles, il prit parti pour le peuple contre le clergé et la noblesse; et le pape, frustré dans son espoir de rétablir à Rome son autorité temporelle, eut encore la déception d'y voir dominer les Gibelins 1.

En Allemagne, la situation était toujours aussi incertaine. Le terme qui avait été assigné par Urbain au roi de Castille et au comte de Cornouailles pour venir en sa présence exposer leurs droits à l'Empire, fixé d'abord au 2 mai 1264, avait été reculé à la Saint-André de l'année suivante 2. De nouveaux troubles qui s'étaient produits en Angleterre avaient été, avec les difficultés que traversait alors le saint-siège, le motif allégué par le pontife au sujet de ce délai. Mécontents de la décision que le roi de France avait rendue comme arbitre, les barons anglais avaient repris les armes, et Richard, devenu un moment leur prisonnier, n'avait pu se faire représenter auprès de la cour de Rome. Urbain étant mort sur ces entrefaites, Clément, qui, à son tour, voulait attendre l'issue des affaires de Sicile, avait encore reculé ce terme au 8 janvier 12673. Au jour indiqué, Alfonse et Richard envoyèrent enfin des députés plaider leur cause devant le chef de l'Église, sans que néanmoins aucune solution fût donnée au débat. Il ne parut pas à Clément que les députés eussent apporté des preuves suffisantes des droits de leurs maîtres; et, annonçant

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