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mème sort pour ceux des leurs qu'on gardait en otages à Bologne. Ils lui avaient substitué un sénateur de leur ordre et de leur parti, Emmanuel de Madio, natif de Brescia, et c'était sur leur appel que le pontife était venu prendre possession du palais de Latran. Son séjour y fut de courte durée. Abusant de leur victoire, les Guelfes se livrèrent bientôt à de telles violences, que le peuple tout entier se souleva. A la suite d'un combat meurtrier où le nouveau sénateur fut tué, les principaux d'entre les nobles durent sortir de la ville, et Alexandre lui-même, au mois de mai 1257, se vit contraint de se réfugier à Viterbe, abandonnant Rome à Brancaleone qu'avait rappelé au pouvoir le parti populaire. Il voulut frapper les Romains d'anathème; mais Brancaleone menaça de détruire Anagni, la ville natale du pape, et Alexandre dut ajouter à l'humiliation de l'exil celle de renoncer à rendre sa sentence 2.

Sur ces entrefaites, des événements survenus en Allemagne y avaient aggravé la situation. Guillaume de Hollande avait perdu la vie dans un engagement contre les Frisons qui s'étaient détachés de son alliance, et le trône de l'Empire s'était trouvé encore une fois vacant 3. Dans l'état de confusion et d'incertitude où cette vacance imprévue avait jeté les esprits, d'anciens partisans de la maison de Souabe tentèrent de susciter un mouvement en faveur de Conradin. Mais Alexandre, fidèle à la politique d'Innocent IV, défendit, sous peine d'excommunication, d'élire le petit-fils de Frédéric et manda aux prélats de l'Allemagne de s'opposer de tout leur pouvoir à son élévation. « Le monde entier, leur écrivait-il, sait par quels actes d'oppression et de tyrannie Frédéric et ses aïeux ont payé les bienfaits qu'ils avaient reçus de l'Église romaine. L'exemple du passé n'apprend que trop ce qu'on doit atten

1. Voy. ci-dessus, p. 130.Brancaleone se retira alors à Bologne. 2. Matth. Paris. t. V, p. 563, 612, 662. Galvan. Flamma, c. 290. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 360-365.

3. 28 janvier 1256.

dre de cette race perverse 1. » Soit que les menaces du pontife fissent reculer les partisans, d'ailleurs peu nombreux, de Conradin, soit plutôt qu'ils reconnussent l'impossibilité de réussir dans leur entreprise, ils ne tardèrent pas à y renoncer. Près d'une année s'écoula depuis la mort de Guil·laume, sans que les électeurs parvinssent à s'accorder sur le choix de son successeur. A la fin, l'archevêque de Cologne, mettant en quelque sorte la couronne à l'encan, jeta les yeux sur le frère de Henri III, Richard, comte de Cornouailles, qui avait refusé jadis le royaume de Sicile et qui passait pour le prince le plus riche de l'Europe. Richard accepta l'Empire et, par la promesse de sommes considérables, gagna d'abord à sa cause la plupart des électeurs. Mais l'archevêque de Trèves, de dépit de n'être pas traité par ce prince aussi libéralement que l'avait été son collègue de Cologne, forma un contre-parti en faveur du roi de Castille, Alfonse, que ses prétendus droits sur le duché de Souabe semblaient, en quelque manière, désigner à l'Empire. Celui-ci, offrant plus que n'avait offert son rival, réussit à lui enlever quelques-uns de ses adhérents. L'un et l'autre furent proclamés rois des Romains, Richard le 13 janvier et Alfonse le 1er avril 1257. Les troubles qui désolaient l'Allemagne ne pouvaient que s'accroître par l'élection de deux souverains également étrangers à ses mœurs et à ses lois. Mais ces troubles ne laissaient pas de servir, par certains côtés, les intérêts de la cour de Rome; et, lorsque le comte de Cornouailles et le roi de Castille envoyèrent demander au pape, selon l'usage, la couronne impériale, Alexandre, de l'avis des cardinaux, évita de se prononcer entre les deux compétiteurs, prolongeant peut-être à dessein un interrègne qui affaiblissait l'Empire 2.

Cependant, à la faveur des désordres qu'avait causés la

1. 28 juillet 1256. Raynald, eod. anno, no 3-6.

2. Thom. Wikes, Chron. apud Boehmer, Fontes rer. germ. t. II, p. 451, 452. Matth. Paris. t. V, p. 603, 604; 624-627; 640, 641. n° 1 à 8.

Raynald, anno 1257,

longue guerre du sacerdoce et de l'Empire, et dès les premiers temps d'Innocent IV, l'hérésie, si abattue qu'elle fût depuis les décrets de Grégoire IX, avait repris de la hardiesse. C'était dans le midi de la France et en Italie qu'elle s'était plus particulièrement relevée. Innocent, tout occupé qu'il était de combattre Frédéric, n'avait pas laissé de la poursuivre de ses sévérités. Toutefois on n'avait pas revu ces condamnations impitoyables qui, sous Grégoire IX, avaient étonné l'Occident. Innocent, au début de son pontificat, avait prescrit d'adoucir dans l'application les décrets de son prédécesseur 1, jugeant dangereux, au moment où il luttait contre Frédéric, de lui susciter des alliés. A la vérité, aussitôt que, délivré de son adversaire, il avait pu reparaître en Italie, il était sorti de cette modération. Il avait ordonné d'exécuter, dans toute leur rigueur, les lois de mort que Frédéric avait jadis rendues contre les hérétiques, alléguant que ce monarque, à l'époque où il les avait publiées, était encore un fils dévoué de l'Église 2. A certains égards même, il avait ajouté aux sévérités de Grégoire IX. Il avait défendu de révéler à l'avenir, dans les procès d'hérésie, les noms des témoins et des accusateurs 3. Il avait fait plus; il avait enjoint aux pouvoirs séculiers de mettre les hérétiques à la torture pour leur faire avouer leurs erreurs et dénoncer leurs complices, et c'est à lui qu'appartient cette triste innovation d'infliger un premier supplice à des hommes qu'au nom de la foi on livrait ensuite au bûcher 5.

Alexandre n'imita que trop ces funestes exemples. Il ne

1. Berger, Reg. d'Innoc. IV, t. II, Introd. p. XLIX.

2. Ripoll. Bullar. prædic. t. I, p. 213, no 259 (28 mai 1252). 3. Ripoll. ibid. t. I, p. 241, no 318 (9 mars 1254).

4. «Teneatur potestas seu rector omnes hæreticos, quos captos habuerit, cogere citra membri diminutionem et mortis periculum, errores suos expresse fateri et accusare alios hæreticos quos sciunt. » Ripoll. ibid. t. I, p. 209, no 257 (15 mai 1252).

5. Cette innovation n'appartient à Innocent IV que comme mesure générale prescrite par le saint-siège. Avant lui, il était arrivé plus d'une fois que des hérétiques eussent été soumis préalablement aux épreuves de l'eau ou du feu. Voy. Schmidt, Hist. des Albig. t. II, p. 183, 184.

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se contenta pas de confirmer les décrets de Grégoire IX et d'Innocent IV. Pour obliger certaines villes d'Italie à exécuter les lois sur l'hérésie, il prescrivit aux magistrats, sous peine d'excommunication, d'insérer ces lois en leurs statuts 2. L'inquisition n'avait encore été établie en France que dans les provinces du midi; il l'introduisit dans le reste du royaume, et ce qui montre combien, sous l'influence de ces détestables rigueurs, les notions de la piété s'altéraient chez les âmes les plus droites, ce fut à la demande de Louis IX qu'il prit cette mesure 3. C'était toutefois dans le midi de la France que les hérétiques se montraient les plus nombreux et les plus hardis. Pour en finir plus promptement avec ces ennemis de la foi, il ordonna, par une bulle du mois de décembre 1257, qu'on procédât contre cux « sommairement et sans bruit de jugement ni d'avocats ». Voulant encourager les inquisiteurs de ces contrées dans leur œuvre de répression, il les déclara, par la même bulle, absous d'avance de toute excommunication dont ils pourraient être frappés en raison de leur office, l'anathème fût-il prononcé par un légat du saint-siège 5.

A considérer les actes de la cour de Rome, il semblait qu'elle ne fût alors préoccupée que d'un double objet: abattre la maison de Souabe, qui si longtemps avait mis en péril son autorité temporelle, et réprimer l'hérésie, qui menaçait son autorité spirituelle. Tel avait été le caractère dominant du pontificat de Grégoire IX; tel aussi, dans une proportion différente, celui du pontificat d'Innocent IV. La papauté croyait

1. Wadding. Annal. minor. t. IV, p. 88 (27 septembre 1258). Cf. Potthast, Reg. pontif., passim.

2. Ripoll. Bullar. prædic. t. I, p. 368, no 224 (17 novembre 1258). Cf. ibid. p. 383, no 253 (30 novembre 1259).

3. 13 décembre 1255. Raynald. eod. anno, no 34-37. Cf. une autre bulle sur le même sujet du 13 novembre 1256. Martene, Thes. anecd., t. V, p. 1814. 4. « Summarie absque judicii et advocatorum strepitu. » Raynald. ibid. n° 33.

5. Ripoll. Bullar. prædic. t. I, p. 369, no 225 (5 décembre 1257). La même faveur fut accordée par Alexandre aux inquisiteurs de Lombardie. Ibid. p. 372, no 233 (18 décembre 1259).

ainsi tout faire pour affermir son pouvoir. Elle se trompait. Elle s'affaiblissait par un autre côté, en semant imprudemment des divisions dans l'Église. Les dissentiments, les rivalités augmentaient entre le clergé séculier et les moines mendiants, auxquels le siège apostolique avait conféré par degrés un tel nombre de privilèges qu'on en comparait déjà l'étendue à une mer. Alexandre publia, à lui seul, plus de quarante bulles en faveur de ces religieux 2. Forts de l'appui du saint-siège, ces religieux disputaient au clergé séculier l'enseignement public, la prédication, la confession. Les évêques prirent l'alarme. Ils craignirent que, dans cette mer montante de privilèges, leurs droits ne vinssent un jour à sombrer. Le célèbre docteur de la Faculté de théologie de Paris, Guillaume de Saint-Amour, fit paraître un traité intitulé Les périls des derniers temps, dans lequel, dénonçant les entreprises de ces milices ambitieuses, il soutenait qu'il n'y avait de mission légitime que celle des évêques et reprochait au saint-siège de détruire l'épiscopat. Les moines mendiants déférèrent cet ouvrage au pape, qui le flétrit par une sentence publique du 5 octobre 1256, fit brûler en sa présence l'exemplaire remis entre ses mains et ordonna à tout détenteur du même écrit de le brûler dans les huit jours sous peine d'excommunication 3. Par une lettre du 30 mars de l'année suivante, il enjoignit en outre à tous les évêques de publier cette sentence dans leurs diocèses. Il accorda du moins un semblant de satisfaction au clergé séculier en condamnant, à la requête de l'Université de Paris, mais sans éclat et pour ainsi dire dans le secret, le livre de l'Introduction à l'Évangile éternel, où l'épiscopat avait cru démêler,

1. Mare magnum. » Salimbene, Chron. p. 233. Cf. ibid. p. 212, 214. 2. Hist. littér. t. XXI, p. 471. Voy. Potthast, Reg. pontif., passim. Il suffit de parcourir la correspondance d'Alexandre IV, pour se convaincre que c'est par les moines mendiants que le plus souvent la papauté administre et gouverne.

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4. Ripoll. Bullar. præd. t. I, p. 333, no 151.

5. «< Secreto et, si posset fieri, sine fratrum (minorum) scandalo. »

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