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forts à Simon qui, réunissant toutes ses forces, vint mettre le siège devant Toulouse. Arrêté plusieurs mois par l'énergique résistance des habitants, il envoya demander des secours au roi de France, quand, le 25 juin 1218, il fut tué d'une pierre lancée des remparts de la ville. « Cette pierre alla droit où il fallait », écrit un narrateur de la croisade, qui était, il est vrai, favorable aux hérétiques 1. Les 'orthodoxes célébrèrent la mort de Simon comme celle d'un saint et d'un martyr. « Oui, dit le mème narrateur, il est saint, il est martyr, si, pour avoir tué des hommes et versé le sang, pour avoir allumé des incendies, égorgé des femmes et massacré des enfants, un homme peut conquérir en ce monde le règne de JésusChrist 2. >>

La mort de Simon jeta le trouble parmi les orthodoxes, qui s'éloignèrent du territoire de Toulouse sans interrompre toutefois le cours de leurs hostilités. A la place de Simon, Amaury, son fils, avait pris la direction de la croisade. Le pape lui confirma l'héritage des domaines conquis par son père et ordonna aux évêques de France de prêcher de nouveau la guerre contre les hérétiques 4. Sur ses sollicitations 5, Philippe Auguste consentit à prêter son appui aux défenseurs de la foi. Il est vrai que, pour prix de cette assistance, le pontife dut lui accorder le vingtième des revenus ecclésiastiques du royaume. Le fils du roi, Louis, conduisit lui-même une armée dans le Midi et alla rejoindre Amaury, qui était occupé au siège de Marmande. Cédant à des forces plus nombreuses, la ville fut

1. Chanson de la croisade contre les Albigeois, éd. Paul Meyer, t. II, c. 215. Le savant éditeur, dans son introduction, a clairement fait ressortir que ce poème se compose de deux parties, dont l'une, qui se termine peu avant

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la bataille de Muret, a pour auteur Guillaume de Tudèle, favorable aux croisés, tandis que l'autre est l'œuvre d'un anonyme, favorable au comte de Toulouse.

2. Chanson de la croisade contre les Albigeois, t. II, c. 208.

3. 17 août 1218. Potthast, Reg. pontif. no 5894.

4. 11 août 1218. Potthast, ibid. no 5888.

5. Duchesne, Hist. Franc. scr. t. V, p. 851, n° 1 (30 décemb. 1217); cf. ibid.

n° 2 (12 août 1218).

6. Septembre 1218. Raynald. eod. anno, no 56, 57.

contrainte de capituler. La prise de cette place fut marquée par les mêmes excès qui, sous Innocent III, avaient signalé celle de Béziers. Les soldats d'Amaury, que Louis fut impuissant à retenir, se jetèrent dans Marmande, où, à l'instigation de l'évêque de Saintes et malgré les protestations de l'archevêque d'Auch et de quelques seigneurs français, ils massacrèrent plus de cinq mille hommes, femmes et enfants, sous le prétexte que c'étaient des hérétiques'. De là l'armée se mit en marche pour assiéger une seconde fois et châtier Toulouse. Le cardinal Bertrand, non moins implacable que l'avait été jadis l'abbé de Citeaux, demandait « qu'il ne restât rien de vivant dans la ville et que tous les habitants périssent dans les flammes.» Défendue par le jeune Raimond et les principaux barons du pays, Toulouse résista à tous les assauts des croisés, et Louis, renonçant à l'idée de s'en emparer, regagna, au mois d'août 1219, le nord de la France 3. La fortune commença dès lors à se tourner contre Amaury. Vainement le pape menaça le jeune Raimond, s'il ne déposait les armes, de le déshériter des domaines que lui avait laissés le concile de Latran, et manda aux habitants de Toulouse, d'Avignon, de Nîmes, qu'il confisquerait leurs biens et priverait leurs villes de la dignité épiscopale. Il ne put arrêter les progrès de Raimond, qu'il se détermina enfin à frapper d'une sentence d'exhérédation. Mais les événements qui se passaient alors en Égypte, les lenteurs de Frédéric à se disposer à la croisade, et bientôt la nécessité de déployer de plus grands efforts pour le recouvrement de la Terre sainte, en détournant l'attention d'Honorius, allaient l'empêcher, pendant quelque temps, de poursuivre ses rigueurs.

Selon le plan qu'ils avaient adopté, les croisés de Terre sainte s'étaient portés sur le Nil, et, au mois de février 1219,

1. Chanson de la croisade contre les Albigeois, t. II, c. 212.

2. Ibid., c. 214.

3. Schmidt, Hist. des Albig. t. I, p. 273.

4. Potthast, Reg. pontif. nos 6283, 6284, juin 1220.

. Ibid. no 6711.

après s'être emparés de la principale forteresse qui défendait Damiette, ils avaient entrepris le siège de la ville, qui, le le 5 novembre, tombait en leur pouvior. Enhardis par ce succès, ils se fussent vraisemblablement rendus maîtres de l'Égypte, s'ils eussent été soutenus des forces qu'ils attendaient d'Europe. Néanmoins Frédéric n'avait pas quitté l'Allemagne. Alléguant le besoin de pourvoir aux intérêts de l'Empire pour le temps de son absence, ayant en outre manifesté l'intention de passer d'abord par Rome pour y recevoir la couronne impériale, il avait obtenu de nouveaux délais de la complaisance d'Honorius, qui, après avoir une première fois remis son départ à la fin de septembre 1219, l'avait encore reculé au mois de mars, puis au mois de mai 1220 2. Ce n'est pas que chaque fois le pontife ne le pressât de partir. « C'est de vous, lui écrivait-il, que les peuples chrétiens attendent l'achèvement d'une expédition si heureusement commencée, bien que, pour votre gloire, nous eussions désiré que vous en prissiez l'initiative. Sans votre intervention, il est à craindre que les croisés ne perdent le fruit de ces premières victoires. Hâtez-vous donc, et qu'il ne soit pas dit que le saint-siège, après avoir protégé votre enfance, vous a élevé en vain au degré de puissance où vous êtes parvenu. »

Les lenteurs de Frédéric ne venaient pas uniquement d'un défaut de zèle au sujet de la Terre sainte. Bien qu'il se fût engagé envers Innocent III à séparer l'Empire du royaume de Sicile, il avait résolu de conserver pour lui-même et de transmettre plus tard à son fils Henri cette double souveraineté. Il avait mandé d'Italie le jeune prince, et, dans le temps qu'Honorius le pressait de partir pour Damiette, il travaillait secrètement à faire élire roi des Romains ce même fils déjà couronné roi de Sicile au berceau3. Aussi peu scrupuleux que

1. C'était le 24 août 1218 qu'ils avaient occupé la forteresse qu'on appelait la tour du Nil. Ursperg. Chron.

2. Voir deux lettres d'Honorius à Frédéric, Hist. dipl. t. I, p. 691 (octob. 1219) et p. 746 (mars 1220).

3. Voir page 396 de notre premier volume.

l'avait été Otton, mais avec plus d'habileté et de souplesse, ne découvrant ses projets que peu à peu, et toutefois portant dans ses entreprises une hardiesse que devait révéler la suite des événements, il ne se contentait pas, pour endormir la vigilance du pontife, de l'assurer, par de fréquents messages, de son dévouement au saint-siège; à l'exemple de son ancien rival, il prodiguait les serments. Au mois de septembre 1219, il renouvelait, à Haguenau, l'engagement qu'il avait pris jadis à Égra de ne pas intervenir dans les élections ecclésiastiques, de respecter la liberté des appels et de maintenir l'Église romaine en toutes ses possessions, parmi lesquelles il désignait de même, avec le Patrimoine de saint Pierre et les autres provinces pontificales, le duché de Spolète, la Marche d'Ancône et l'ancien héritage de la comtesse Mathilde 1. Au mois de février de l'année suivante, il transmettait à Honorius un acte par lequel il s'obligeait, dès qu'il aurait reçu la couronne impériale, à céder à son fils Henri le royaume de Sicile, acte qu'il avait déjà souscrit au temps d'Innocent III 2. A la vérité, dans une lettre particulière qui était jointe à cet acte, il exprimait l'espoir que, se confiant en la piété de son ancien pupille, le pape lui laisserait, sa vie durant, la couronne de Sicile. « Qui pourrait, écrivait-il, se montrer plus dévoué à l'Église que l'enfant réchauffé dans son sein et qui lui doit l'accroissement de ses honneurs ? 3 >>

Dans ce même moment, Frédéric faisait une démarche qui ne pouvait que lui concilier la bienveillance du pontife. Depuis le mois de juin 1219, Honorius avait quitté Rome. Il s'était retiré à Rieti et de là à Viterbe, pour se dérober aux exigences tumultueuses du peuple qui, ne se sentant plus tenu par la main vigoureuse d'Innocent, prétendait rentrer en pos

1. Hist. dipl. t. I, p. 675, 676.

2. Ibid. t. I, p. 740. Par cet acte de février 1220, Frédéric reproduit en effet textuellement celui du 1er juillet 1216 (voir notre premier volume, p. 423), avec cette addition toutefois que, si Henri mourait avant lui sans avoir ni fils, ni frère, le royaume de Sicile lui retournerait pour sa vie durant. 3. Ibid. t. I, p. 741, 742.

session de ses anciennes libertés 1. Frédéric, en transmettant au pape son dernier message, avait adressé aux Romains. une lettre dans laquelle, leur rappelant qu'il était le défenseur du saint-siège, il les avertissait que, si, à son arrivée à Rome, ils n'avaient fait leur soumission au chef de l'Église, il prendrait les mesures propres à les y contraindre 2. Cette lettre, lue publiquement au Capitole, intimida le peuple, et Honorius dut à cette intervention de pouvoir bientôt rentrer dans Rome 3. Il se trouvait encore à Viterbe, quand on apprit à la cour pontificale que le jeune Henri venait d'être élu en Allemagne roi des Romains . Le pape s'alarma d'abord. Mais Frédéric s'empressa de le rassurer; il écrivit que cette élection s'était faite malgré lui et à son insu; que les princes de l'Allemagne avaient voulu, par cette élection, empêcher les troubles qui pouvaient se produire durant son voyage outremer; que la séparation de la Sicile et de l'Empire aurait lieu néanmoins, et que, plutôt que de consentir à l'union des deux couronnes, il céderait la Sicile au saint-siège. Par la même lettre, il disait qu'il se disposait à se rendre en Italie pour y recevoir la couronne impériale, et, s'excusant des nouveaux retards apportés à l'expédition de Terre sainte, ajoutait qu'une fois à Rome il donnerait, sur tous ces points, des gages certains de sa fidélité à tenir ses promesses 5.

Frédéric ne tarda pas en effet à quitter l'Allemagne, et, dans les premiers jours du mois de septembre 1220, accompagné de son épouse Constance d'Aragon et suivi d'une brillante escorte de princes et de prélats, il descendait en Italie. Il ne fit que traverser la Lombardie, où le parti guelfe, supérieur en forces au parti gibelin, ne laissait pas, malgré la mort d'Otton, de lui demeurer hostile ". Annonçant de Bo

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2. Hist. dipl. t. I, p. 743, 744. Cf. ibid. p. 747-750, la réponse adressée par le sénateur à Frédéric.

3. Il rentra à Rome en octobre 1220.

4. 26 avril 1220, à Francfort.

5. 13 juillet 1220. Hist. dipl. t. I, p. 802-805.

6. Zeller, Hist. d'Allem. t. V, p. 192. On sait que c'est lors de la lutte entre

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