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en 1693, tout ce qui lui a paru digne d'être conservé.

L'éducation du dauphin eut tout le succès qu'on pouvoit espérer: lorsqu'elle fut terminée, le roi, qui vouloit rendre Bossuet à l'église sans l'éloigner beaucoup de la cour, le nomma à l'évêché de Meaux, en 1681, et bientôt après, au mariage du dauphin, il lui donna, avec l'abbaye de Belval, la charge de premier aumônier de madame la dauphine. La proximité des lieux le mettoit à portée de satisfaire aux devoirs de cette charge, sans abandonner pour cela le soin de son troupeau.

Jamais évêque ne remplit les fonctions de l'épiscopat avec plus d'exactitude et de zele. Ses prédications, ses réglements, ses ordonnances, les catéchismes et livres de prieres et de piété qu'il a composés, et les fréquentes tournées qu'il faisoit dans son diocese, prouvent avec quelle attention il veilloit sur les fideles confiés à ses soins. Il composa dans ce même temps plusieurs ouvrages de controverse. Celui qui fit le plus de bruit, fut l'Histoire des variations. On trouve dans cet écrit une vaste érudition, des recherches curieuses et savantes, et quelquefois des traits d'éloquence comparables à ceux qui frappent le plus dans ses Oraisons fu

nebres.

Après tant de travaux, Bossuet commençoit à jouir de la douceur d'un repos qu'il utilisoit encore en composant ces Notes dont nous avons parlé plus haut, lorsqu'une affaire dont les suites l'affligerent beaucoup vint interrompre ce paisible travail. Madame Guyon, dans des écrits ascétiques, avoit donné matiere à la censure; Fénélon, qui étoit lié avec elle, et qui l'estimoit,prit sa défense, et donna luimême prise contre lui. Telle fut l'origine du fameux démêlé de Bossuet avec le vertueux archevê ue

de Cambrai, où le premier triompha, et qui eut pour résultat l'emprisonnement de madame Guyon, l'exil et la censure du livre de son défenseur. Le nombre des écrits composés à ce sujet par Bossuet est étonnant. Dans la seule année 1698, à l'âge de soixante-douze ans, il en a fait assez pour former trois volumes in-4° de quatre cents pages chacun.

Ce travail forcé, et peut-être plus encore la peine d'esprit qu'il en ressentit, commencerent à altérer une santé jusque-là vigoureuse et même extraordinaire pour son âge. Ses infirmités toutefois ne diminuerent rien de son zele. Dans l'assemblée du clergé de France, qui fut tenue en 1 700, il fut chargé de l'examen des propositions censurées, et ce fut lui qui dressa les actes de censure.

Dans les années suivantes il publia encore de nouveaux écrits de controverse, et il en annonçoit un autre considérable, quand il sentit les premieres atteintes de la longue et cruelle maladie dont il est mort. Vers la fin de l'été 1702, il fut attaqué de la pierre: il souffrit avec une patience digne de sa piété. Ies douleurs le quitterent, mais il ne fit plus que traîner une santé foible et languissante. Les douleurs le reprirent huit jours avant sa mort, et ne l'abandonnerent plus. Il mourut le 12 avril 1703, âgé de soixante-dix-sept ans. Il avoit été nommé conseiller d'état en 1697, et premier aumônier de madame la duchesse de Bourgogne l'année suivante.

ORAISON FUNEBRE

DE LA REINE

DE LA GRANDE-BRETAGNE,

Prononcée le 16 novembre 1669, en présence de Monsieur, frere unique du roi, et de Madame, en l'église des religieuses de SainteMarie de Chaillot, où avoit été déposé le cœur de sa majesté.

Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui judicatis

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Maintenant, ô rois, apprenez; instruisez-vous, juges de la terre,

MONSEIGNEUR,

Celui qui regne dans les cieux, et de qui relevent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté, et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons. Soit qu'il éleve les trônes, soit qu'il les abaisse, soit qu'il communique sa puissance aux princes, soit qu'il la retire à lui-même et ne leur laisse que leur propre foiblesse, il leur apprend leurs devoirs

d'une maniere souveraine et digne de lui: car, en leur donnant sa puissance, il leur commande d'en user comme il fait lui-même pour le bien du monde ; et il leur fait voir, en la retirant, que toute leur majesté est empruntée, et que, pour être assis sur le trône, ils n'en sont pas moins sous sa main et sous son autorité suprême. C'est ainsi qu'il instruit les princes, non seulement par des discours et par des paroles, mais encore par des effets et par des exemples. Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui judicatis terram.

Chrétiens, que la mémoire d'une grande reine, fille, femme, mere de rois si puissants, et souveraine de trois royaumes, appelle de tous côtés à cette triste cérémonie, ce discours vous fera paroître un de ces exemples redoutables qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entiere. Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines; la félicité sans bornes, aussi-bien que les miseres; une longue et paisible jouissance d'une des nobles couronnes de l'univers; tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulées sur une tête, qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune; la bonne cause d'abord suivie de bons succès, et depuis, des retours soudains, des changements inouis; la rebellion long-temps retenue, à la fin tout-à-fait maîtresse; nul frein à la licence; les lois abolies; la majesté violée par des attentats jusqu'alors inconnus; l'usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté; une reine fugitive, qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes, et à qui sa propre

patrie n'est plus qu'un triste lieu d'exil; neuf voyages sur mer, entrepris par une princesse, malgré les tempêtes; l'océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers, et pour des causes si différentes; un trône indignement renversé, et miraculeusement rétabli. Voilà les enseignements que Dieu donne aux rois: ainsi fait-il voir au monde le néant de ses pompes et de ses grandeurs. Si les paroles nous manquent, si les expressions ne répondent pas à un sujet si vaste et si relevé, les choses parleront assez d'elles-mêmes; le cœur d'une grande reine, autrefois élevé par une si longue suite de prospérités, et puis plongé toutà-coup dans un abyme d'amertumes, parlera assez haut; et s'il n'est pas permis aux particuliers de faire des leçons aux princes sur des évènements si étranges, un roi me prête ses paroles pour leur dire : Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui judiçatis terram: Entendez, ô grands de la terre; instruisez-vous, arbitres du monde.

Mais la sage et religieuse princesse qui fait le sujet de ce discours n'a pas été seulement un spectacle proposé aux hommes pour y étudier les conseils de la divine Providence et les fatales révolutions des monarchies; elle s'est instruite elle-même, pendant que Dieu instruisoit les princes par son exemple. J'ai déja dit que ce grand Dieu les enseigne, et en leur donnant et en leur ôtant leur puissance. La reine dont nous parlons a également entendu deux leçons si opposées ; c'est-à-dire qu'elle a usé chrétiennement de la bonne et de la mauvaise fortune. Dans l'une elle a été bienfaisante, dans

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