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image de Jésus-Christ crucifié qui se trouvait dans l'église. L'évèque et le monastère se partageaient le profit: aussi prêtres et moines célébraient-ils à l'envi les vertus de la sainte image. Par malheur, le clerc-médecin quitta la ville; alors les guérisons miraculeuses cessèrent subitement (').

La simplicité de nos ancêtres a excusé ces fraudes, en les appelant pieuses; l'histoire doit les flétrir comme la plus criminelle des impostures. Le crime n'était pas seulement dans l'emploi de la fraude pour attirer des offrandes; les fabricateurs de miracles étaient surtout coupables, parce qu'ils altéraient le sentiment religieux. Que penser de la dévotion tant vantée du bon vieux temps, quand on voit des hommes appartenant aux dernières classes de la société se faire les complices de faux miracles? Que devaient penser les fidèles de l'Église et de la religion, quand ils surprenaient les moines dans des tours d'escamotage, dignes de nos joueurs de gobelets? On nous accusera d'exagération; mais peut-on qualifier autrement les supercheries dont usaient les quêteurs de saint Antoine?« Quand l'opportunité se trouvait, dit Henri Étienne, ils chauffaient de petites croix ou images de cuivre, pendant que la bonne femme leur allait quérir quelque chose au grenier ou cellier; et quand elle retournée avait offert son don, ils lui faisaient baiser ladite croix ou image: laquelle étant trouvée chaude par elle, ils lui donnaient une merveilleuse crainte, disant que Monsieur saint Antoine montrait qu'il ne se contentait du don qu'elle lui faisait, et était courroucé. Pour laquelle cause la bonne femme retournait quérir de quoi augmenter son présent, et l'apportant trouvait l'image refroidie: ce qu'ils disaient être signe que Monsieur saint Antoine était apaisé » (2).

Les plus coupables parmi les faussaires étaient ceux qui fabriquaient des miracles à l'appui d'un dogme. De toutes les croyances catholiques, la transsubstantiation est celle que la raison peut le moins accepter; c'est aussi celle que le clergé a le plus d'intérêt à

(1) Chronic. Montis Sereni, ad a. 1244. (Mencken, Script. Rer. Germ. T. II, p, 243). Gieseler, Kirchengeschichte, T. II, 2, § 78, note c.

(2) H. Estienne, Apologie pour Hérodote, ch. 39, § 22.

établir, car elle fait des clercs des ètres plus qu'humains, en les montrant journellement au peuple comme les organes du plus saint et du plus terrible des mystères. La fraude vint au secours de la domination sacerdotale. Même dans les ténèbres du moyen-âge, les fidèles avaient peine à croire qu'un morceau de pain se changeât en corps de Jésus-Christ, et qu'un calice de vin se transformât en son sang mais quand le Fils de Dieu venait en chair et en os témoigner de la réalité de la transsubstantiation, pouvait-il encore rester un doute? Les miracles abondèrent, la fraude et la crédulité aidant c'est un grave docteur, Alexandre de Halès, qui l'atteste (1). Dans les débats sur l'immaculée conception, les dominicains voulurent aussi forger un miracle, non pour accréditer le dogme, mais pour le contredire. L'on sait la scandaleuse histoire de Berne, les prétendues apparitions de la Vierge déclarant ellemême que sa conception était impure et souillée, les stigmates et tout l'appareil ordinaire de ces farces cléricales; cette fois le miracle manqua, grâce à l'inhabileté des dominicains qui se laissèrent surprendre en flagrant délit d'imposture. Les prodiges en faveur de l'immaculée conception eurent plus de succès. Il suffit de lire ces sottes légendes, pour être convaincu qu'elles sont l'œuvre de moines ici saint Bonaventure apparaît à un frère mineur et lui apprend qu'il est en purgatoire pour avoir nié l'immaculée conception là saint Bernard apparait avec une tache, et dit qu'il a cette tache pour avoir soutenu que la Vierge Marie avait été conçue dans le péché originel. Les faveurs que la Vierge était censée prodiguer à ses adorateurs dépassent toutes les bornes de la stupidité; nous n'osons les rapporter, parce que l'impureté se mêle à la niaiserie (*).

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Que penser de la foi de l'Église dans les mystères qu'elle prèche quand on voit le clergé recourir au crime pour les imposer à la crédulité des fidèles? Qu'on ne se récrie pas de ce que nous rendons l'Église responsable des supercheries de ses ministres. Nous

(1) Alex. Hales, Summa theol., P. IV, quæst. 53, membr. 4, art. 1 : « Hujusmodi apparitiones quandoque accidunt humana procuratione, et forte diabolica. (2) Henri Estienne, Apologie, ch. 35, § 12-14.

pourrions nous contenter de répondre qu'elle profitait du crime, qu'elle était par conséquent complice. Mais nous avons contre elle des preuves plus positives: ses chefs, ceux qui se disent infaillibles, favorisaient la fraude et la couvraient de leur autorité. Au quinzième siècle, de hardis sectaires réclamèrent l'usage de la coupe; le concile de Constance refusa aux laïques un privilége qui les aurait égalés aux clercs. Mais pour satisfaire le peuple, on eut soin de lui persuader que le pain consacré renfermait tout ensemble le corps et le sang de Jésus-Christ; afin de le convaincre par le témoignage des sens, et d'augmenter la dévotion, l'on imagina le miracle de l'hostie sanglante. L'imposture était si palpable, que le concile de Magdebourg (1412) crut devoir signaler la fraude à l'évêque du diocèse où se jouait cette pieuse comédie : « Le peuple, disent les évêques, adore, nous ne savons quel sang, bien qu'il n'y ait ni sang, ni rien qui y ressemble; NOUS EN AVONS LA certitude par l'AVEU MÊME DU PRÊTRE qui s'est renDU COUPABLE DE LA FRAUDE. Cela n'empêche pas qu'on n'accorde de grandes indulgences à ceux qui vont en pèlerinage à Wilsnack où l'on étale l'HOSTIE SANGLANTE. C'EST LA CUPIDITÉ QUI A INSPIRÉ ET QUI A PERPÉTUÉ L'IMPOSTURE ON Y FAIT des MIRACLES A PRIX D'ARGENT, on y vend tout, même les certificats de guérison que l'on délivre aux pauvres mendiants » (1). C'est précisément parce que l'avarice était en jeu, que la réprobation du concile ne servit à rien. Vers le milieu du quinzième siècle, deux universités déclarèrent les miracles de Wilsnack suspects; les dominicains et les mineurs, d'accord pour la première fois, flétrirent la fraude; enfin un légat du pape, Nicolas de Cuse, prohiba les hosties sanglantes, en accusant publiquement le clergé de nourrir la superstition par de faux prodiges pour l'exploiter à son profit (2). Comment se fait-il que cette grossière duperie se maintint, malgré la réprobation des hommes les plus éclairés? C'est que la superstition trouva faveur et appui à Rome. Eugène IV

(1) Multa insuper ibidem dominatur avaritia... Ille vendit signa... Alius, si petatur pronuntiari aliquid miraculum, petit pecuniam, etc.

(2) Sacerdotes, ob pecuniarum quæstum,... per miraculorum publicationem populum alliciunt et sollicitant.

accorda des indulgences à ceux qui feraient le pèlerinage de Wilsnack; il prescrivit des mesures pour la conservation de l'hostie sanglante. Nicolas V reproduisit ces dispositions. Encore en l'an 1500, quatre cardinaux accordèrent des indulgences aux pèlerins ('). Voilà donc à quoi sert l'infaillibilité du vicaire de Dieu! A couvrir de son autorité des fraudes patentes, à cultiver la superstition pour en tirer profit! Nous dirons de l'infaillibilité pontificale ce que nous avons dit de la révélation. Il n'y a point de milieu : pour la sauver, il faut sanctifier les pieuses supercheries que punit notre Code pénal; ou il faut dire que l'infaillibilité est une chimère, quand elle n'est pas une imposture.

S V. La morale.

No 1. Le culte de la Vierge et des Saints.

La philosophie de l'histoire a un écueil; à force de scruter les raisons des choses, elle est conduite à tout justifier, même les superstitions. Il faut nous mettre en garde contre une impartialité qui aboutit à légitimer l'erreur. Si nous cherchons ce qu'il y a de vrai dans les aberrations des hommes, ce doit être pour répudier l'erreur, et non pour l'excuser; et si nous trouvons que la crédulité est exploitée dans un intérêt d'argent ou d'ambition, nous devons flétrir sans pitié les fraudes honteuses qui tendent à retenir l'humanité dans les chaînes au profit d'une coupable domination.

Il est certain que le culte de la Vierge et des saints avait sa raison d'être au moyen-âge. La puissance que l'on supposait au diable était effrayante comment l'homme pouvait-il, pauvre créature, résister à la poursuite incessante d'un ennemi qui entrait presque en partage de la souveraineté de Dieu? Il lui fallait un appui; il le trouva dans les saints, dit une charte du onzième siècle (2). Le

(1) Gieseler, Kirchengeschichte, T. II, 4, § 145, p. 330-334.

(2) Gesta abbatum Gemblacensium, c. 34 (ad a. 1018): « Unicuique Christi fidelium scimus omnimodis esse elaborandum, ut promereri possit gratiam sanctorum. Quia sic tam propriæ fragilitatis quam demonis et hujus mundi

catholicisme était devenu une loi; or, l'homme avait la conscience qu'il restait toujours en-dessous des exigences légales; il savait qu'à chaque instant il était sous le coup de la peine qui frappe le coupable; où cherchera-t-il un recours contre cette terrible justice? La Vierge représenta la charité en lutte avec le droit strict: « Ceux que le Fils rejette au nom de la justice, dit le moine Cẻsaire d'Heisterbach, la Mère les sauve par sa miséricordieuse indulgence »". Plus les hommes sentaient leur impuissance, plus ils étaient portés à exagérer le pouvoir de celle qui seule pouvait les relever de leur chate. La puissance de la Vierge, dans la religion du moyen-âge, était sans limites: « on croyait qu'un homme qui était devot à Marie, ne pouvait étre damné; que cette protectrice incomparable, quelques crimes qu'il eût commis, lai procurerait la vie éternelle en Tarrachant au besoin du fond de l'enter »(2).

Il y a une légen de qui exprime merveilleusement le pouvoir infini de la Vierge. Theophile, élevé dans la piète, y fit de grands progrès; mais sa vertu ne put se soutenir contre les mauvais traitements d'un prélat dont il était l'économe. Consumé de chagrin, il s'abandonna aux seductions d'un suppôt de l'enter, et renonça à Jesus-Christ, à sa Mère, au baptême. De son côté, le diable lui fit les plus belles promesses. On dressa acte du tout. Theophile rentra de suite en faveur auprès de son évéque; livré à l'ambition et à Forgneil, il se conduisit comme un vrai sujet de Satan. Cependant le remords arriva; mais comment espérer le salut quand on a renié le Fils de Dien et sa Mère! Il n'avait qu'un seul espoir, la miséricorde de la Vierge. Marie se laissa flechir. Alors Theophile ne diata plas de son salut: Votre Fils, dit-il, fera ce que vous woudrez, vous n'avez qu'à ordonner. Il ne se trompait pas; la Vierge lui apparut pour lui annoncer sa grace. Sur la demande de Théophile, elle retira mème des mains du diable l'acte fatal qu'il avait signe. Nous ne savons si au dix-neuvième siècle rÉglise, mal

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