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prépuce ('). Les choses les plus insaisisables ont été conservées : on montrait dans une boite, mais qu'il fallait se garder d'ouvrir, du souffle de Jésus-Christ, gardé soigneusement par sa mère depuis qu'il était petit enfant.

Demanderons-nous à ceux qui faisaient métier et marchandise de ces saintes reliques, comment elles leur étaient parvenues? Les légendes qui attestent l'authenticité des reliques sont aussi curieuses que les reliques elles-m mes. Henri Étienne nous contera l'histoire du sang de Jésus-Christ : « Quand Nicodème dépendit Notre Seigneur de la croix, il recueillit du sang d'icelui en un doigt de son gant, avec lequel il faisait plusieurs grands miracles. A raison de quoi, étant persécuté par les Juifs, il s'en défit par une inven-tion merveilleuse. C'est qu'ayant pris un parchemin où il écrivit tous les miracles et tout ce qui appartenait à ce mystère, il enferma le sang avec ce parchemin dedans un grand bec d'oiseau, et l'ayant lié le mieux qu'il lui était possible, le jeta à la mer, le recommandant à Dieu. Qui voulut que mille ou douze cents ans après, ce saint bec, après s'être bien promené par toutes les mers de levant et de ponent, arriva en Normandie. Où étant jeté par la mer entre quelques broussailles, avint qu'un duc de Normandie chassant un cerf dans ces quartiers-là, on ne sut que devinrent ni le cerf ni les chiens; jusqu'à ce qu'il fût aperçu en un buisson étant à genoux, et les chiens auprès de lui, tout cois, et à genoux aussi (aucuns écrivent qu'ils disaient leurs heures). Ce qui émut tellement la dévotion de ce bon duc, que soudain il fit essarter le lieu où le précieux bec fut trouvé. Qui fut cause qu'il y fonda l'abbaïe appelée aujourd'hui pour cette cause l'abbaïe du Bec, si bien enrichie, qu'on peut bien dire que c'est un bec qui nourrit beaucoup de ventres » (2).

La sainte larme de Vendôme n'est pas moins célèbre que le saint sang. Ici nous avons l'avantage de nous appuyer sur les religieux bénédictins qui firent imprimer un livre intitulé: Histoire véritable de la sainte larme que Notre Seigneur pleura sur le Lazare:

(4) Guibertus, De pignoribus sanctorum, II, 1.

(2) Henri Estienne, Apologie pour Hérodote, ch. 38, § 4.

comme et par qui elle fut apportée au monastère de la sainte Trinité de Vendôme. Ensemble plusieurs beaux et insignes miracles arrivés depuis 630 ans, qu'elle a été miraculeusement consacrée en ce saint lieu. Un théologien catholique a pris la peine de réfuter ce que les Bénédictins appellent les preuves de leur miraculeuse relique il suffit d'exposer cet incroyable amas de bêtises, pour couvrir de ridicule et la relique, et les Bénédictins. Donc ils disent que la larme de Vendôme est une de celles que Notre Seigneur versa sur la mort de Lazare. Un ange la recueillit, la mit dans un petit vase où on la voit encore à présent, l'enferma dans un second vase un peu plus grand et la donna à la Madeleine. La Madeleine l'apporta en France, lorsqu'elle fut conduite au port de Marseille avec son frère Lazare, sa sœur Marthe, saint Maximin et saint Célidoine. Quand la Madeleine sentit approcher son bienheureux trépas, elle fit appeler saint Maximin, évêque d'Aix, et lui laissa la sainte larme qu'il garda soigneusement tant qu'il vécut. La sainte larme fit encore bien des voyages avant d'arriver à bon port. Transportée à Constantinople par les Grecs, elle y resta jusque vers l'an 1040, qui est le temps de la fondation du monastère de Vendôme. Ici la sainte larme se lie aux événements historiques; mais les faits sont tellement défigurés par la maladresse ou l'ignorance des légendaires, que la fabrication de toute la légende saute aux yeux. Thiers conclut que l'histoire de la sainte larme est apocryphe et fabuleuse; l'honnête théologien ajoute que l'on ne doit point souffrir des faussetés sous le manteau de la dévotion (').

Que faut-il admirer de plus, la sottise humaine ou l'impudence de ceux qui en abusent? On dirait que plus une fraude est monstrueuse, plus les hommes sont disposés à y ajouter foi. Un abbé du douzième siècle nous dira quel était le mobile de ces saintes impostures : « Les mensonges, dit Guibert de Nogent, qu'on débite chaque jour avec une effronterie sans égale, n'ont d'autre but que de vider les poches des gens crédules » (2). Le concile général de Latran flétrit en vain cette vile cupidité; les fraudes pieuses se

(1) Thiers, Traité des superstitions, T. I, p. 98; T. II,
p. 398-403.
(2) Guiberti, De pignoribus sanctorum, lib. II, c. 2, § 5.

pratiquèrent jusque dans les temps modernes. A la fin du dix-septième siècle, Thiers écrit qu'en dépit des conciles, des moines riches et rentés font un honteux trafic de reliques incertaines, supposées ou absolument fausses. « La fabuleuse larme de Vendôme, ajoute le théologien français, produit, dans le temps malheureux où nous sommes, trois à quatre mille livres de rentes, en evangiles, en messes, en neuvaines, en présents, en oblations et autres suffrages. Les moines de S. G. D. P. ceignent les femmes grosses d'une ceinture de sainte Marguerite, dont ils ne sauraient dire l'histoire sans s'exposer à la risée du monde savant. Ils assurent néanmoins ces femmes, qu'elles seront heureusement délivrées de leur grossesse, par la vertu miraculeuse de cette ceinture. Et dans cette assurance, elles font des oblations et des présents à leur chapelle de sainte Marguerite, et elles se font dire des évangiles et des messes, dont les rétributions tournent au profit du monastère qui est un des plus aisés du royaume » (1).

Voilà l'odieux, voici ce qu'il y a d'affligeant. La vénération des reliques conduit à un vrai fétichisme. En vérité, si cette dégoûtante superstition devait se perpétuer, nous regretterions avec l'empereur Julien que l'humanité eût déserté les autels des dieux poétiques de la Grèce, pour se prosterner devant des débris de morts. Cependant l'Écriture Sainte autorise la croyance des reliques. On lit dans les Actes des Apôtres : « Et Dieu faisait des miracles extraordinaires par les mains de Paul; en sorte qu'on portait même sur les malades les mouchoirs et les linges qui avaient touché son corps, et ils étaient guéris de leurs maladies et les malins esprits sortaient » (2). Les Pères de l'Église ne doutent pas de la réalité des miracles opérés par des ossements; saint Augustin hésite seulement sur la manière dont ils s'accomplissent: il ne sait pas si c'est Dieu qui les produit directement sur l'intercession des bienheureux, ou si les anges et les martyrs y coopèrent (3). Ainsi la superstition, dans ce qu'elle a de plus stupide, se rattache encore à la révélation! Et ce

(1) Thiers, Traité des superstitions, T. I, p. 97, s.

(2) Actes des Apôtres, XX, 11. 12.

(3) Augustin, De civitate Dei, XXII, 9.

qu'il y a de plus triste pour l'orgueil de la raison humaine, des saint Augustin ont ajouté foi à ces inepties! Mais ne rabaissons pas trop la raison si elle est faible et imparfaite, elle est aussi perfectible et progressive. Rien ne le prouve mieux que l'histoire des superstitions. Des hommes d'un grand génie ont partagé des croyances dont bientôt les enfants auront honte. Qu'on ne vienne donc plus nous opposer l'autorité des grands hommes, dans le but d'enchaîner le présent et l'avenir à la doctrine du passé. Chaque âge a sa part d'erreurs, auxquelles les esprits les plus élevés n'échappent pas. De nobles intelligences ont cru aux fables du polythéisme; leur autorité serait-elle suffisante pour ramener le genre humain aux autels de Jupiter et de Minerve? Si les erreurs des sages de l'antiquité ne sont d'aucun poids, quand elles sont contraires à la raison, pourquoi les préjugés chrétiens auraient-ils plus d'autorité?

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III. Les faux miracles.

Les miracles jouent un rôle cousidérable dans l'histoire du christianisme c'est la preuve par excellence de la révélation. Jamais ils ne furent plus fréquents qu'au moyen-âge : il y a telle relique qui opéra plus de prodiges que n'en fit Jésus-Christ, le Fils de Dieu. L'ignorance et la crédulité eurent une grande part dans ces tristes égarements; mais il s'y mêla aussi des mobiles plus coupables, la fraude et la cupidité. Même en se plaçant au point de vue de l'Église, il est impossible d'en douter; car à quoi tendaient les fausses légendes inventées par les moines? à quoi tendaient les fausses reliques des saints? A provoquer la dévotion et à attirer les offrandes des fidèles. Supposons que les miracles se concilient avec les lois immuables de la nature, conçoit-on que Dieu intervertisse ces lois pour protéger le mensonge et l'escroquerie? Dès le neuvième siècle, un concile blâma les évêques qui faisaient servir les miracles à leur avarice ('). Amulon, archevêque de Lyon, nous apprend comment les choses se passaient. Deux moines déposèrent dans (1) Concile d'Aix-la-Chapelle, L. I, c. 38.

l'église de saint Bénigne de Dijon des reliques qu'ils avaient apportées de Rome. Quand on leur demanda le nom du saint, ils répondirent, était-ce bêtise ou impudence? qu'ils l'avaient oublié. Néanmoins ces ossements inconnus ne tardèrent pas à faire des miracles. Les femmes étaient frappées comme de la foudre et tombaient sans que l'on pût remarquer en elles aucune maladie. L'archevêque de Lyon dit que ces prétendus prodiges étaient dus à la fraude : « Moimême, ajoute-t-il, j'ai été témoin de supercheries de ce genre; j'ai vu des clercs exciter des misérables à simuler des guérisons miraculeuses dans le but de remplir leur bourse; j'ai entendu des démoniaques avouer leurs coupables artifices, en s'excusant de leur pauvreté. D'autres montraient aux bonnes gens des stigmates; ces plaies fabriquées attiraient une masse de dévots et de riches offrandes »(').

Les fraudes étaient chose habituelle un honnête hagiographe du onzième siècle en fait l'aveu. Nous lisons dans la vie de saint Godard, écrite par son disciple: « On voit TOUS LES JOURS des gens allant d'une église à une autre, et se faisant passer pour aveugles, impotents ou démoniaques; ils se roulent sur les degrés des autels ou sur les tombeaux des saints, puis ils se disent guéris, en SIMULANT DES MIRACLES POUR ATTIRER LES LARGESSES DES FIDÈLES » (2). Ce n'étaient pas toujours d'obscurs moines qui se rendaient complices de ces tours de foire; si nous en croyons un illustre philosophe, les saints mêmes ne reculaient pas devant l'imposture. Abélard accuse saint Norbert dans un sermon public d'avoir fait ou essayé de frauduleux miracles; il va jusqu'à nommer son compère. Une des pratiques habituelles des faussaires était de donner des remèdes naturels aux malades: guérissaient-ils, on criait au prodige: ne guérissaient-ils pas, on disait que c'était la faute de leur manque de foi (3). Un clerc de la ville de Hal fit beaucoup de ces miracles; il avait soin d'administrer ses drogues auprès d'une

(4) Amulonis, Archiepiscopi Lugdunensis Epist. ad Episcopum Lingonensem. (Bibliotheca Maxima Patrum, T. XIV, p. 329–332).

(2) Vita Godehardi, no 48 (Mabillon, Act. Sanctor. Ord. Benedict., Saec. VI, P. 1, p. 372).

(3) Abaelardi, Serm. 31 (Op., p. 967).

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