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PREMIÈRE PARTIE.

LA RÉFORME RELIGIEUSE.

CHAPITRE I.

LE CATHOLICISME AU MOYEN-AGE.

SI. Le catholicisme et le christianisme.

La réforme est un retour à l'Évangile que le catholicisme avait abandonné ou altéré. Telle est, aux yeux des protestants, la justification de la révolution religieuse du seizième siècle : c'est le christianisme véritable, fondé sur l'Écriture, qui prend la place d'un christianisme corrompu, qu'on appelle le catholicisme. Que l'on imagine un chrétien des temps évangéliques transporté au quinzième siècle, disent les protestants; c'est à peine s'il reconnaîtrait la bonne nouvelle dans une religion qui porte cependant le nom du Christ. Lui qui se nourrit de la parole du Sauveur, demanderait en vain ce qu'est devenue l'Écriture qui l'a recueillie; on lui répondrait que la lecture en est prohibée, comme le serait l'usage d'un mauvais livre; la parole de vie est devenue le privilége d'une espèce de caste que l'on nomme les élus de Dieu, les clercs, par opposition à la masse des fidèles qui forment la tourbe ignorante des laïques. Le clergé seul constitue l'Église et il s'interpose entre Dieu et l'homme, comme un médiateur, tandis que Jésus-Christ prêchait qu'il n'y avait d'autre Médiateur que le Fils de Dieu. Notre chrétien primitif, continuent les protestants, marcherait d'étonnement en étonnement, s'il examinait l'organisation de

l'Église catholique. Sur la foi de l'Écriture, il croit que l'Église n'a d'autre chef que le Christ; cependant le pape se dit le chef de l'Église par droit divin; le vicaire de Dieu revendique la puissance spirituelle et la puissance temporelle, comme pour donner un démenti à Jésus-Christ, qui disait que son royaume n'était pas de ce monde. Si notre chrétien primitif demandait sur quel titre l'Église se fonde pour réclamer ce pouvoir spirituel, il serait bien surpris d'entendre que l'immense majorité des fidèles n'aspirent pas à la perfection chrétienne, qu'ils laissent ce soin aux clercs et surtout aux moines. Le nom de moines lui est inconnu; il ne sait rien de vœux, ni de célibat, ni de mortifications. Cependant il apprend avec plaisir que les solitaires ont renoncé au monde pour suivre Jésus-Christ; mais s'il visite un de ces monastères, où l'on pratique les conseils de l'Evangile, sa surprise se changera en indignation ou en tristesse profonde: il croira faire trop d'honneur à ceux qui se disent religieux par excellence, en les comparant aux Pharisiens que le Sauveur poursuivait de ses malédictions. La société chrétienne tout entière semblera à notre chrétien évangélique une image de la secte des scribes; car le christianisme est devenu une loi surchargée d'inventions humaines, au mépris des paroles du Christ et de ses apôtres. Dans les cérémonies qui composent l'essence de la religion dite catholique, il voit revivre, ici une superstition judaïque, là des pratiques païennes. Au lieu du culte d'un seul Dieu, il aperçoit avec horreur le polythéisme restauré dans mille et une divinités, que le peuple adore sous le nom de saints. Dans ce tas de superstitions, il est impossible à notre chrétien de reconnaître une trace de la prédication évangélique. Même ce que le catholicisme a emprunté à l'Évangile, il le dénature le baptême et l'eucharistie n'ont plus rien de spirituel; on dirait que l'Église en a fait des sacrements dans le but unique de rehausser le prestige des prêtres qui président à ces opérations magiques. Rien de plus facile du reste que de gagner le royaume des cieux que Jésus-Christ a promis à ses disciples au prix des plus rudes sacrifices; il ne s'agit plus de quitter tout et de prendre sa croix, pour suivre le Fils de l'Homme: notre chrétien rencontre à tous les coins des rues des délégués du vicaire de Dieu, qui

sollicitent les fidèles à déposer une pièce de monnaie dans le tronc d'une cassette; pour quelques deniers, ils leur promettent la rémission de leurs péchés et même le salut des âmes qui sont déjà jugées. Notre chrétien évangélique finira par se demander pourquoi Jésus-Christ est venu au monde? Serait-ce pour ajouter de nouvelles superstitions aux superstitions du paganisme?

Voilà ce que disaient les premiers protestants sur les rapports du catholicisme et du christianisme, voilà ce que répètent encore aujourd'hui les apologistes de la réforme (1). Ils imputent la corruption du christianisme à l'Église, à son ambition, à sa cupidité, à son ignorance, en un mot aux mauvaises passions de l'homme qui ont altéré la pureté divine de l'Évangile. L'appréciation des protestants nous paraît injuste; elle tourne même contre la réforme. Si rien ne sépare les catholiques et les protestants que les abus de l'Église, il n'y a qu'à corriger ces abus pour rétablir l'union, et le schisme, comme le remarque Bossuet, n'a plus de raison d'être. A vrai dire, le catholicisme n'est pas une altération de la doctrine chrétienne, il en est le développement légitime. Ce n'est pas que la religion du moyen-âge soit la pure expression de l'Évangile; les circonstances historiques sous l'influence desquelles le christianisme s'est développé, l'ont transformé telle est la loi éternelle qui régit les choses humaines, la religion aussi bien que les autres manifestations de l'esprit humain. Mais si les faits ont modifié la doctrine évangélique, ils ne l'ont pas faussée dans son essence. Le principe des superstitions est dans le christianisme primitif; si ce germe a pris un accroissement considérable sous l'empire du paganisme de Rome et de la barbarie des Germains, cela n'empêche pas le christianisme d'être responsable de ces superstitions, parce qu'il en a donné l'exemple et qu'il les a pour ainsi dire sanctifiées de son autorité divine.

Les protestants reprochent au catholicisme sa conception de la Divinité, l'exaltation de la Vierge, le culte des saints. Nous répondons que le germe du mal est dans l'Écriture Sainte. Le moyen-âge

(4) Flacius, Catalogus Testium Veritatis, p. 7-11, 33-54, 62-67; - Flathe, Geschichte der Vorläufer der Reformation, T. I, p. 2, ss.

n'était pas aussi dédaigneux de l'Écriture que les protestants le disent; il n'y a pour ainsi dire pas une seule de ses croyances superstitieuses qu'il ne justifie en la fondant sur la Bible. La divination par les songes, par les augures, par les sorts, nous semble aujourd'hui du paganisme tout pur; cependant saint Grégoire et saint Thomas légitiment ces grossières pratiques par l'autorité des livres saints. (1). L'idée que le moyen-âge se faisait de Dieu rappelle également le paganisme, en ce qu'elle matérialise la notion de l'Être suprême. L'Écriture prêtait à ces erreurs; nous ne parlons pas de l'Ancien Testament, mais de l'Évangile; les formes ne sont pas celles du moyen-âge, mais au fond l'altération de l'idée de la divinité est la même. Dieu parle aux hommes par le ministère des anges; saint Grégoire prend ces conversations au pied de la lettre (3): il en est de même quand les cieux s'ouvrent, et que le Saint Esprit, descendant sous forme d'une colombe, se repose sur Jésus-Christ: il en est de même encore quand l'Esprit Saint vient inspirer les apôtres sous la forme de langues de feu (3). Les anges jouent un grand rôle dans l'Évangile. L'ange Gabriel apprend à Zacharie que sa femme, bien qu'avancée en âge, enfantera un fils qui sera rempli de l'Esprit Saint dès le ventre de sa mère; sur les doutes du vieux Zacharie, l'ange répond: « Je suis Gabriel, qui me tiens devant Dieu, et j'ai été envoyé pour t'annoncer ces choses. » C'est encore l'ange Gabriel qui est envoyé à la Sainte Vierge pour lui dire que « l'Esprit Saint surviendra en elle, que la vertu du Très-Haut la couvrira de son ombre, et que le fruit

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(1) Saint Grégoire (Moralia, T. I, p. 262) dit qu'il y a des songes qui viennent du démon; il y en a d'autres qui viennent de Dieu : ce sont des révélations. Il cite l'Ecclésiaste, XXXIV, 7; le Lévitique, XIX, 26; la Genèse, XXXVII, 7, et saint Matthieu, II, 13, 14. Comparez saint Thomas, Secunda Secundæ, Quæst. 95, art. 6. L'Ange de l'École enseigne que sous certaines conditions, on peut licitement consulter les sorts; il se fonde sur Salomon et saint Augustin (Secunda Secundæ, Quæst. 85, art. 8; de Sortibus, c. 5). - Dieu, dit saint Grégoire (Moralia, XXVIII, 7, 8) se manifeste quelquefois aux hommes par l'organe des animaux ou des choses: exemple l'âne de Balaam (Nombres, XXII, 28) et le feu du mont Sinaï (Exode, III, 2). Saint Thomas enseigne aussi que les animaux agissent quelquefois par inspiration divine (Secunda Secundæ, Quæst. 95, art. 7). (2) Gregor., Moral., XXVIII, 4.

(3) Saint Matthieu, III, 16; saint Marc, I, 10.- Actes des Apôtres, II, 2.

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