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guère que reproduire les attaques du docteur italien contre le pouvoir temporel de l'Église : ce sont les mêmes arguments tirés de l'Écriture Sainte, pour prouver que Jésus-Christ et les apôtres n'ayant exercé aucune autorité temporelle, l'Église n'en peut pas prétendre, que Jésus-Christ et les apôtres ayant toujours prêché la soumission aux princes, les clercs sont subordonnés à l'État. Il n'y a rien de nouveau dans ces propositions; cependant il fallait encore au quinzième siècle un grand courage et un grand désintéressement pour les avancer. L'intérêt donnait des partisans à l'Église; les uns se taisaient pour ne pas perdre leurs bénéfices, les autres pour en acquérir. En se ralliant à l'Église, on pouvait arriver au siége de saint Pierre, comme le rusé Piccolomini, l'ami du docteur allemand, tandis qu'en la combattant on mourait excommunié et dans l'exil, comme Grégoire de Heimbourg.

Heimbourg est en un point supérieur à Marsile. Le quinzième siècle est l'âge de la renaissance; c'est un élément hostile de plus pour la puissance ecclésiastique. En éclairant l'origine du pouvoir temporel de l'Église, l'histoire met à néant ses prétentions à un pouvoir divin. Le légiste allemand suit la marche de la papauté depuis son origine, et il ne rencontre partout que fraudes, empiétements et usurpations. Parmi ces fraudes il y en avait une qui devint le fondement juridique de la puissance pontificale. La renaissance porta un coup mortel à l'Église en dévoilant le crime sur lequel reposait son pouvoir. Laurent Valla prouva que la fameuse donation de Constantin est un faux. Aussi absurde que monstrueux, le faux méritait d'être flétri par l'ironie d'un Voltaire. Cela n'a pas empêché les partisans de Rome de soutenir l'authenticité de la donation, tant que la chose a été humainement possible. Quand des preuves irréfutables les obligèrent à abandonner l'acte, ils cherchèrent à sauver le fond : « Peu importe, disaient-ils, que l'écrit soit fabriqué, la donation n'en est pas moins réelle; pour mieux dire, Constantin a fait une restitution plutôt qu'une libéralité, car le monde entier appartient à Jésus-Christ et le pape est son vicaire. C'était remplacer une donation impossible par une plus grande impossibilité : la défense des ultramontains aboutit en

effet à dire que le pape est non-seulement seigneur de la terre, mais encore des mondes innombrables qui remplissent l'espace! Qu'après cela les catholiques de nos jours viennent dire que la donation de Constantin est une bagatelle, moins que rien, comme les fausses décrétales; l'histoire confond ces louangeurs d'un passé qu'ils ignorent ou qu'ils altèrent. Le témoignage même des écrivains ecclésiastiques atteste que l'Église exploita la donation de Constantin, comme elle exploita les fausses décrétales. C'est parce que le faux était profitable à l'Église, que ses défenseurs poursuivirent avec tant de haine ceux qui le découvrirent. Avec le bon goût qui distingue les ultramontains, ils traitèrent l'ouvrage de Laurent Valla de déclamation bestiale, et tous ceux qui attaquaient la donation de chiens qui aboient contre le Saint-Siége. Encore au dix-septième siècle, qui le croirait? un savant dominicain ayant reproduit les critiques de Valla, les censeurs romains condamnèrent sa dissertation. C'était ajouter la honte au crime, sans aucun profit pour l'Église. Une vérité ressortit, éclatante comme le jour, des débats sur la donation de Constantin, c'est le dogme de la souveraineté inaliénable et imprescriptible de l'État.

LIVRE II.

L'HÉTÉRODOXIE AU MOYEN-AGE.

CHAPITRE I.

LES HÉRÉSIES ET LES CROYANCES MODERNES.

I.

Les protestants n'acceptent la succession des sectes du moyenàge que sous bénéfice d'inventaire; ils examinent leurs doctrines avec un soin scrupuleux et ne glorifient que celles qui abondent dans les sentiments de la réforme. C'est apprécier les sectes du point de vue étroit d'un sectaire. Au dix-neuvième siècle la question n'est plus entre l'hérésie, le catholicisme et le protestantisme; elle est entre la religion du passé et les croyances qui existent dans la conscience moderne. Les protestants repoussent les hérésies qui dépassent le christianisme; ils éprouvent autant d'horreur pour les Manichéens que l'Église romaine qui se qualifie d'orthodoxe par excellence. La philosophie n'a pas à se préoccuper, si les sectes sont ou non en contradiction avec les livres sacrés des chrétiens; son point de vue est plus haut et sa tradition plus large. Non pas qu'elle approuve l'erreur à l'égal de la vérité, comme ses ennemis le disent; elle est attachée à la vérité autant et plus que les sectes religieuses, mais elle ne croit pas que le vrai absolu se trouve dans telle ou telle Écriture; pour elle, la révélation est permanente et progressive; elle peut donc et elle doit réhabiliter les sectes, lorsque dans leurs sentiments elle aperçoit un germe des doctrines que la marche de l'humanité a développées. Ce qui ne l'empêche pas de condamner l'erreur partout où elle la

rencontre.

Les hérétiques du moyen-âge dans leurs hardies aspirations, allaient au-delà du christianisme, bien que leur intention fût de revenir à la tradition pure de l'Évangile. Il n'y a plus de christianisme, quand on n'adore pas Jésus-Christ comme Fils de Dieu, coéternel au Père; il n'y a plus de christianisme, quand la révéla

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