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derrière votre carrosse, et qui vous quitteront à Boulogne, où il faudra que mon bâtard s'arrête.

Le jour de votre départ s'avance, et je crois que vous ne le reculerez pas. Je n'aurai jamais en ma vie de si bonnes étrennes que celles que me prépare votre arrivée pour le jour de l'an.

LVI.

A M. DE CIDEVILLE.

28 décembre.

Déja de la Parque ennemie

J'avais bravé les rudes coups;

Mais je sens aujourd'hui tout le prix de la vie,
Par l'espoir de vivre avec vous.

Les vers que vous dicta l'amitié tendre et pure,
Embellis par l'esprit, ornés par la nature,
Ont rallumé dans moi des feux déja glacés.
Mon génie excité m'invite à vous répondre :
Mais dans un tel combat que je me sens confondre!
En louant mes talens, que vous les surpassez!
Je ressens du dépit les atteintes secrètes.

Vos éloges touchans, vos vers coulans et doux,
S'ils ne me rendaient pas le plus vain des poëtes,
M'auraient rendu le plus jaloux.

Voilà tout ce que la fièvre et les suites misérables de la petite-vérole peuvent me permettre. Le triste état où je suis encore m'empêche de vous écrire plus au long; mais comptez, monsieur, que rien ne peut m'empêcher d'être sensible toute ma vie à votre amitié, et que je la mérite par ma tendresse et mon estime respectueuse pour vous.

LVII.

A M. LE BARON DE BRETEUIL1.

Janvier 1724.

Je vais vous obéir, monsieur, en vous rendant un compte fidèle de la petite-vérole dont je sors, de la manière étonnante dont j'ai été traité, et enfin de l'accident de Maisons, qui m'empêchera long-temps de regarder mon retour à la vie comme un bonheur.

M. le président de Maisons et moi, nous fûmes indisposés le 4 novembre dernier; mais heureusement tout le danger tomba sur moi. Nous nous fîmes saigner le même jour; il s'en porta bien, et j'eus la petitevérole. Cette maladie parut après deux jours de fièvre, et s'annonça par une légère éruption. Je me fis saigner une seconde fois de mon autorité, malgré le préjugé vulgaire. M. de Maisons eut la bonté de m'envoyer le lendemain M. de Gervasi, médecin de M. le cardinal de Rohan, qui ne vint qu'avec répugnance. Il craignait de s'engager inutilement à traiter, dans un corps délicat et faible, une petite-vérole déja parvenue au second jour de l'éruption, et dont les suites n'avaient été prévenues que par deux saignées trop légères, sans aucun purgatif.

:

Il vint cependant, et me trouva avec une fièvre maligne. Il eut d'abord une fort mauvaise opinion de ma maladie les domestiques qui étaient auprès de moi s'en aperçurent, et ne me la laissèrent pas ignorer. On m'annonça dans le même temps que le curé de Maisons, qui s'intéressait à ma santé, et qui ne craignait

'Louis-Nicolas Le Tonnellier de Breteuil-Preuilli, mort âgé de quatrevingts ans, en 1728. (CLOG.)

point la petite-vérole, demandait s'il pouvait me voir sans m'incommoder je le fis entrer aussitôt, je me confessai, et je fis mon testament, qui, comme vous croyez bien, ne fut pas long. Après cela j'attendis la mort avec assez de tranquillité, non toutefois sans regretter de n'avoir pas mis la dernière main à mon poëme et à Mariamne, ni sans être un peu fâché de quitter mes amis de si bonne heure. Cependant M. de Gervasi ne m'abandonnait pas d'un moment; il étudiait en moi avec attention tous les mouvemens de la nature; il ne me donnait rien à prendre sans m'en dire la raison; il me laissait entrevoir le danger, et il me montrait clairement le remède; ses raisonnemens portaient la conviction et la confiance dans mon esprit : méthode bien nécessaire à un médecin auprès de son malade, puisque l'espérance de guérir est déja la moitié de la guérison. Il fut obligé de me faire prendre huit fois l'émétique, et au lieu des cordiaux qu'on donne ordinairement dans cette maladie, il me fit boire deux cents pintes de limonade. Cette conduite, qui vous semblera extraordinaire, était la seule qui pouvait me sauver la vie; toute autre route me conduisait à une mort infaillible; et je suis persuadé que la plupart de ceux qui sont morts de cette redoutable maladie vivraient encore s'ils avaient été traités comme moi.

Le préjugé populaire abhorre dans la petite-vérole la saignée et les médecines; on ne veut que des cordiaux, on donne du vin au malade; on lui fait même manger de petites soupes; et l'erreur triomphe de ce que plu sieurs personnes guérissent avec ce régime. On ne songe pas que les seules petites-véroles que l'on traite ainsi avec succès sont celles qu'aucun accident funeste n'accompagne, et qui ne sont nullement dangereuses.

CORRESPONDANCE.

T. I.

7

La petite-vérole, par elle-même, dépouillée de toute circonstance étrangère, n'est qu'une dépuration du sang, favorable à la nature, et qui, en nettoyant le corps de ce de ce qu'il a d'impur, lui prépare une santé vigoureuse. Qu'une telle petite-vérole soit traitée ou non avec des cordiaux, qu'on purge ou qu'on ne purge point, on en guérit sûrement.

Les plus grandes plaies, quand aucune partie essentielle n'est offensée, se referment aisément, soit qu'on les suce, soit qu'on les fomente avec du vin et de l'huile, soit qu'on se serve de l'eau de Rabel, soit qu'on y applique des emplâtres ordinaires, soit enfin qu'on n'y mette rien du tout; mais lorsque les ressorts de la vie sont attaqués, alors le secours de toutes ces petites recettes devient inutile, et tout l'art des plus habiles chirurgiens suffit à peine : il en est de même de la petite-vérole.

Lorsqu'elle est accompagnée d'une fièvre maligne, lorsque le volume du sang augmenté dans les vaisseaux est sur le point de les rompre, que le dépôt est prêt à se former dans le cerveau, et que le corps est rempli de bile et de matières étrangères, dont la fermentation excite dans la machine des ravages mortels, alors la seule raison doit apprendre que la saignée est indispensable; elle épurera le sang, elle détendra les vaisseaux, rendra le jeu des ressorts plus souple et plus facile, débarrassera les glandes de la peau, et favorisera l'éruption; ensuite les médecines, par de grandes évacuations, emporteront la source du mal, et entraînant avec elles une partie du levain de la petite-vérole, laisseront au reste la liberté d'un développement plus complet, et empêcheront la petite-vérole d'être confluente; enfin, on voit que le sirop de limon, dans une

tisane rafraîchissante, adoucit l'acrimonie du sang, en apaise l'ardeur, coule avec lui par les glandes miliaires jusque dans les boutons, s'oppose à la corrosion du levain, et prévient même l'impression que d'ordinaire les pustules font sur le visage.

Il y a un seul cas où les cordiaux, même les plus puissans, sont indispensablement nécessaires; c'est lorsqu'un sang paresseux, ralenti encore par le levain qui embarrasse toutes les fibres, n'a pas la force de pousser au dehors le poison dont il est chargé. Alors la poudre de la comtesse de Kent, le baume de Vanseger, le remède de M. Aignan, etc., brisant les parties de ce sang presque figé, le font couler plus rapidement, en séparant la matière étrangère, et ouvrent les de la transpiration au venin qui cherche à s'é

passages

chapper.

Mais dans l'état où j'étais, ces cordiaux m'eussent été mortels; cela fait voir démonstrativement que tous ces charlatans dont Paris abonde, et qui donnent les mêmes remèdes (je ne dis pas pour toutes les maladies, mais toujours pour la même), sont des empoisonneurs qu'il faudrait punir.

J'entends faire toujours un raisonnement bien faux t bien funeste. Cet homme, dit-on, a guéri par une elle voie; j'ai la même maladie que lui, donc il faut que je prenne le même remède. Combien de gens sont morts pour avoir raisonné ainsi! On ne veut pas voir que les maux qui nous affligent sont aussi différens

François Aignan, né à Orléans, et mort à Paris au commencement de 1709, capucin connu dans son ordre sous le nom de père Tranquille, et médecin inventeur d'un remède contre la petite-vérole, et d'une préparation huileuse qui est encore nommée en pharmacie baume Tranquille. (CLOG.)

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