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XLVI.

A MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Paris, avril.

Pour première nouvelle, je vous dirai que j'ai été malade, et que j'en suis d'autant plus fâché que cela retarde mes affaires, et par conséquent mon retour à La Rivière. M. de Richelieu part après demain pour Forges; je ne crois pas que je puisse être de ce voyage. J'ai été à Inès de Castro, que tout le monde trouve mauvaise et très touchante. On la condamne et on y pleure. Paris est inondé de chansons encore plus mauvaises contre toutes les femmes de la cour, et, à la honte du siècle, on parle de ces sottises. Une chose qui m'intéresse davantage, c'est le rappel de milord Bolingbroke en Angleterre. Il sera aujourd'hui à Paris; et j'aurai la douleur de lui dire adieu, peut-être pour toujours.

M. le cardinal Dubois a une très mauvaise santé, et on n'espère pas qu'il vive encore long-temps. Il veut, avant sa mort, faire pendre Talhouet et Lajonchère, afin de réparer, par un acte de justice, les fredaines de sa vie passée. M. le duc d'Orléans ne travaille presque plus, et quoiqu'il soit encore moins fait pour les femmes que pour les affaires, il a pris une nouvelle maîtresse qui se nomme mademoiselle Oüel.

XLVII.

A M. DE CIDEVILLE.

Paris, juin.

Quelque bonne que peut être la traduction anglaise, elle m'aurait assurément fait moins de plaisir que votre lettre; j'ai presque achevé la première ébauche de ma

Mariamne, et pense fort bien me passer de celle de M. Fanton; mais je ne me passerai jamais de votre amitié, dont je reçois les marques avec la plus tendre reconnaissance. Vous devriez bien quelque jour venir à La Rivière-Bourdet, apporter la Mariamne anglaise, et voir la française, dont l'auteur est assurément pour toute sa vie votre, etc.

Nous disputons tous ici à qui a le plus d'envie de vous voir et de vous embrasser.

XLVIII.

A M. THIERIOT. (A La Rivière-Bourdet.)

Paris, juin.

Si vous avez soin de mes affaires à la campagne, je ne néglige point les vôtres à Paris. J'ai eu avec M. Pâris l'aîné une longue conversation à votre sujet. Je l'ai extrêmement pressé de faire quelque chose pour vous. J'ai tiré de lui des paroles positives, et je dois retourner incessamment chez lui pour avoir une dernière réponse.

Je viens de lire les nouveaux ouvrages de Rousseau. Cela est au dessous de Gacon. Vous seriez stupéfait si vous les lisiez. Je n'irai point voyager en Allemagne ; on y devient trop mauvais poëte.

Ma santé et mes affaires sont délabrées à un point qui n'est pas croyable; mais j'oublierai tout cela à La Rivière-Bourdet; j'étais né pour être faune ou sylvain, Je ne suis point fait pour habiter une ville.

Les nouvelles sont dans la lettre que j'écris à madame de Bernières; ainsi je n'ai rien d'autre à vous mander, sinon que je vous aime de tout mon cœur. Quand je vous écrirais quatre pages, toute ma lettre ne voudrai dire autre chose. Adieu, M. l'éditeur; ayez bien soin de

mon enfant' que je vous ai remis entre les mains, et prenez garde qu'il soit proprement habillé. Je n'aspire qu'à venir vous retrouver; ce sera bientôt assurément.

XLIX.

A MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Juillet.

Je pars dans l'instant pour Villars, où je vais me reposer quelques jours de toutes les fatigues inutiles que je me suis données dans ce pays-ci.

Heureusement la seule négociation où j'aie réussi, est une affaire dont vous m'aviez chargé. Vous pourrez avoir, pour 400 francs, tout au plus, et probablement pour cent écus, la petite loge que vous demandez pendant l'hiver. J'ai promis de faire un opéra pour potde-vin. Si je suis sifflé, il ne faudra s'en prendre qu'à vous. Je crois que M. de Bernières viendra mardi coucher avec vous; je voudrais fort être à sa place; mais je n'aurai la satisfaction de vous faire ma cour à La Rivière que dans quinze jours.

Je ne sais autre nouvelle, sinon qu'on a décerné un ajournement personnel contre les frères Belle-Isle 2. On en voulait faire autant au sieur Leblanc; mais les voix ont été partagées.

Les Fétes grecques et romaines de Fuselier et de Colin Tampon 3 sont jouées à l'Opéra, et sifflées par les honnêtes gens. M. le duc d'Orléans a chanté : Ah!

La Henriale.

Le comte, depuis maréchal de Belle-Isle, et le chevalier de BalleIsle, son frère. R.

3 Colin de Blamont, surintendant de la musique du roi, et maître de celle de sa chambre. Mort en 1760. R.

Collin, tais-toi. Colin aurait dû répondre : J'en connais bien d'autres qui sont comme moi 1. Adieu : je vous assure que Villars ne m'empêchera pas de regretter La Rivière.

*

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Vous croyez bien que ce n'est pas mon plaisir qui me retient à Paris; mes malheureuses affaires sont cause que je ne pourrai retourner chez vous de plus de quinze jours. Je vous assure que ce retardement est le plus grand de mes chagrins. Je n'irai point à Forges, et probablement M. de Richelieu ne pourra pas passer chez vous. Pour moi, dès que je serai une fois à La Rivière, je réponds que je n'en sortirai plus. Vous devez savoir les nouvelles. Je ne crois pas que vous vous attendissiez à voir M. Leblanc remplacé par M. de Breteuil. Tout Paris trouve ce choix assez ridicule, et on nomme déja milord Colifichet pour premier ministre. Cependant, les gens qui connaissent M. de Breteuil 2 disent qu'il est très capable d'affaires, et qu'il a beaucoup d'esprit. Il est vrai qu'il a plus la figure d'un petit-maître que d'un secrétaire d'état. Vous devez savoir que jeudi dernier M. de La Vrillière vint demander M. Leblanc chez M. l'archevêque de Vienne où il dînait; M. Leblanc quitta le dîner, et dit à M. de La Vril

1 Ce sont là probablement des refrains de quelques vaudevilles du temps. R.

• François-Victor Le Tonnellier de Breteuil, mort en 1743, n'était pas de la même branche que le baron de Breteuil-Preuilli, frère de madame du Châtelet et de l'abbé de Bretenil, Voir plus bas la lettre 56. (CLOG.)

lière : Monsieur, venez-vous m'arrêter? M. de La Vrillière lui dit que non, mais qu'il venait lui signifier un ordre de lui remettre tous les papiers qui concernent la guerre et d'aller se retirer à Doux, terre de M. de Trenel, à quatorze lieues de Paris. M. Leblanc ne partit pour son exil qu'à deux heures après minuit. Paris est toujours inondé des chansons dont je vous ai parlé, et que je n'ai pu vous envoyer; je vous les apporterai à mon retour. Présentez mes respects, je vous pric, à madame de Lézeau; je me flatte de la retrouver à votre campagne, quand je serai assez heureux pour y venir chercher la tranquillité qu'assurément je n'ai pas dans ce pays-ci. La plume me tombe des mains; je suis si malade que je ne puis pas écrire davantage.

LI.

A MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Juillet.

Votre gazette ne sera pas longue cette fois-ci; car le gazetier est très malade et a la fièvre actuellement. Il n'y a de santé pour moi que dans la solitude de La Rivière. Je crois être en enfer lorsque je suis dans la maudite ville de Paris. Mes affaires, dont vous avez la bonté de me parler, vont toujours de mal en pis, et le chagrin pourrait bien m'avoir rendu malade. Vous devez savoir que M. le duc de Richelieu est actuellement à Forges; mais je ne crois pas qu'il vienne faire beaucoup d'agaceries aux dames de Rouen. Je lui ai conseillé d'aller vous demander à coucher en allant chez M. le duc de Brancas. La chose sera assez difficile, parce qu'il a fait le voyage en berline avec le comte de Heim, qu'il se charge de ramener à Paris.

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