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j'ai stipulé expressément que je me réservais le droit de faire imprimer mon poëme partout où je voudrais. Je suis convenu avec lui que, supposé que l'ouvrage pût se débiter en France, je ferais mettre à la tête le nom du libraire de Paris qui le vendrait, avec le nom du libraire de La Haye. Mon dessein donc est que le public soit informé livre se débitera à Paris comme en Holque ce lande, afin de ne point effaroucher les souscripteurs, selon les idées que j'ai toujours eues sur cela, et qui ont été invariables.

Quel démenti aurais-je donc? et que pourra me reprocher la canaille d'auteurs, quand mon ouvrage paraîtra imprimé en Hollande et sera débité en France? quel ridicule sera-ce à moi de voir mon poëme être reçu dans ma patrie avec l'approbation des supérieurs? Je n'ai que faire d'écrire au cardinal. Je viens de recevoir un billet du garde des sceaux qui me croyait à Paris, et qui m'ordonnait de venir lui parler, apparemment au sujet de mon livre. C'est à lui que je vais écrire pour lui expliquer mes intentions.

A l'égard de M. Detroy, c'est de tout mon cœur et avec autant de plaisir que de reconnaissance, que je verrai le dessin du frontispice exécuté de sa main. Je vous prie de l'en remercier de ma part, et de lui dire que je ne lui écris point parce que je suis malade. Vous pouvez fort bien dire à M. Coypel que les retardemens qu'il apporte seront préjudiciables à l'édition de l'ouvrage; qu'ainsi vous croyez que je serai assez honoré et assez content quand je n'aurai que deux dessins de sa façon. S'il persiste à vouloir pour lui le dessin qui doit être à la tête, vous pourrez lui dire tout simplement qu'il est juste que ce soit un morceau pour le professeur qui, sans cette préférence, ne voudra pas livrer ses dessins.

Si cette déclaration le fâche, et, si par là vous le mettez au point de refuser le tout, alors ce sera moi qui aurai à me plaindre de lui, et non lui de moi; en ce cas, vous exagérerez auprès de lui l'estime que je fais de ses talens, et la douleur où je serai de n'être point embelli par lui. Remerciez bien Detroy et Galloche; ditesleur que je leur écrirai incessamment; tâchez de consommer au plus vite cette négociation. J'ai trouvé à Ussé un peintre qui me fera fort bien mes vignettes. Écrivezmoi un peu des nouvelles des actions. G.... ne peut rien auprès des Pâris, que par M. de Maisons, qui a déja été refusé, comme vous savez. J'écrirai une lettre très forte à madame la maréchale', et je profiterai de mon loisir pour en faire une en vers aux Pâris, où je serai inspiré par mon amitié, qui est assurément un Apollon assez vif.

XLIII.

A M. THIERIOT.

Fin de décembre.

Qu'ai-je donc fait pour vous, mon cher ami, qui doive m'attirer vos remerciemens? Je vous ai sacrifié un quart d'heure de temps, et j'ai fait de méchans vers. C'est à moi de vous remercier de tout ce que vous faites. J'en suis pénétré au dernier point, et je vous jure que je ne l'oublierai jamais. Je vous suis surtout très obligé d'aller souvent chez ma sœur. Mon cœur a toujours été tourné vers elle; je suis sûr que vous lui donnerez un peu d'amitié pour moi.

Demoulin poursuit en mon nom la condamnation de Beauregard. Je suis ruiné en frais. Pour comble, il me mande que le lieutenant-criminel a envoyé chercher

• La maréchale de Villars.

CORRESPONDANCE. T. 1.

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toutes les pièces chez mon procureur; je ne sais si c'est pour rendre ou pour me dénier sa justice; j'attends en paix l'événement.

Vous ne me mandez point comment vous vous êtes retiré d'avec Coypel. Vous ferez ce qu'il vous plaira des culs-de-lampe. J'ai donné au même homme les idées de plusieurs vignettes; je vous en enverrai incessamment les dessins qu'il a promis de bien travailler. Nous avons carte blanche sur tout. Mandez-moi, mon cher ami, comment nos peintres ont traité les sujets des estampes, afin que je voie les idées qui nous resteront pour les vignettes. Je vous remercie du discours du cardinal'; il est plein d'esprit et très convenable. Si le style en était plus lumineux et plus coulant, cela serait parfait. Je vous quitte de celui de Fontenelle, où il y aurait sans doute beaucoup d'antithèses et plus de points que de virgules. J'aime mieux vos lettres, mon cher ami, que toutes les harangues de l'académie. La mienne est bien courte; mais j'en ai quinze à écrire. Adieu.

XLIV.

A M. THIERIOT.

Ce 3 janvier 1723.

J'écris par extraordinaire une lettre très pressante et très pathétique à madame la maréchale, à qui je recommande vos intérêts, dont j'ose me flatter qu'elle aura soin; je vous remercie infiniment, mon cher ami, de vos visites chez ma sœur; voyez-la souvent, je vous en conjure, et mettez-moi un peu bien avec elle. La nouvelle de Rousseau séminariste ressemble à celle de la

Dubois, qui venait d'être reçu de l'Académie française. Son discours de réception avait été composé par La Motte. (Éd. de Kehl.)

Fillon', qui se retira, il y a quelques années, dans un couvent; il me paraît que le diable n'est pas encore assez vieux pour se faire ermite.

On m'a envoyé un Éloge de feu Marc René par M. de Fontenelle, qui me paraît tout-à-fait sage et plein d'esprit 2. Je ne sais pas comment on en juge à Paris.

J'ai, je crois, achevé et poëme et remarques. J'ai composé une petite histoire abrégée 3 de ce temps-là, pour mettre à la tête de l'ouvrage. J'ai fait aussi un discours au roi; voilà à quoi je me suis occupé. La parodie de Persée 4 n'a point aigri l'amertume que j'ai dans ma vie depuis long-temps. Je pardonne volontiers aux gredins d'auteurs ces trivelinades; c'est leur métier; il faut que chacun fasse le sien : le mien est de les mépriser. Vous ne me mandez point ce qu'ont fait les peintres; écrivez-moi peu quelques détails sur cela. Je vous enverrai incessamment un Mémoire que je ferai distribuer aux juges de Beauregard. Je ne sais si je me flatte, mais je crois que vous en serez content. Faites ma cour à madame de Bernières ; je suis infiniment sensible à son amitié.

un

XLV.

À M. THIERIOT.

Rouen.

Venez, mon cher ami, et ne nous donnez point de fausses espérances de vous voir. Vous serez à Rouen

'Célèbre appareilleuse de ce temps, qui avait fait découvrir la conspiration de Cellamare. (Éd. de Kehl.)

• Il s'agit de l'Éloge de M. d'Argenson, qui fut le premier lieutenant-général de police. Il mourut le 8 mai 1721. (Éd. de Kehl.)

3 L'Essai sur les guerres civiles de France. (N. Éd.)

Arlequin Persée, parodie de l'opéra de Persée, jouée le 18 décembre 1722. Il y avait de méchantes plaisanteries sur les souscriptions du poëme de la Ligue, depuis la Henriade. (Ed, de Kehl.)

en deux jours; M. votre père n'est point si mal que vous pensez. Je vous assure qu'il se portera fort bien ce printemps. N'allez pas vous imaginer que vous deviez renoncer à vos amis, parce que votre père a un boyau de moins. Venez voir les nouveaux vers que j'ai faits à Henri IV. On commencera lundi prochain ce que vous savez. Je suis actuellement à Rouen, où je ménage sourdement cette petite intrigue, et où d'ailleurs je passe fort bien mon temps. Il y a ici nombre de gens d'esprit et de mérite, avec qui j'ai vécu dès les premiers jours, comme si je les avais vus toute ma vie. On me fait une chère excellente ; il y a, de plus, un Opéra dont vous serez très content; en un mot, je ne me plains à Rouen que d'y avoir trop de plaisir; cela dérange trop mes études, et je m'en retourne ce soir à La Rivière, pour partager mes soins entre une ânesse et Mariamne. Voyez, je vous en prie, mademoiselle Lecouvreur et M. l'abbé d'Amfreville. Dites à mademoiselle Lecouvreur qu'il faut qu'elle hâte son voyage si elle veut prendre du lait dans la saison, et n'oubliez pas de lui dire combien je suis charmé d'espérer que je pourrai passer quelque temps avec elle. Faites les mêmes agaceries pour moi à M. l'abbé d'Amfreville. Dites-lui que j'ai trouvé à Rouen un sien neveu, qui me paraît aussi aimable que lui, et que c'est le plus grand éloge que je puisse lui donner. Vous allez être bien étonné de me trouver tant de coquetterie dans l'esprit; mais vous jugez bien qu'un homme qui va donner un poëme épique a besoin de se faire des amis.

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