Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

qu'un nommé Dubreuil, beau-frère de Demoulin, qui a copié l'ouvrage il y a six mois. M. Rouillé prétend qu'il en court des copies. Voyez, informez-vous; que votre amitié se trémousse un peu : il est d'une conséquence extrême que je sois averti; il faudra enfin que j'aille mourir dans les pays étrangers; mais, en récompense, les Hardion, les Danchet, etc., prospèrent en France.

J'avais commencé une tragédie où je peignais un tableau assez singulier du contraste de nos mœurs avec les mœurs du Nouveau-Monde 1. On a dit, il y a quelques mois, mon sujet au sieur Le Franc qu'a-t-il fait? il a versifié dessus, il a lu sa pièce à nosseigneurs les comé diens, qui l'ont envoyée à la révision. Le petit bon homme est un tantinetto plagiaire; il avait pillé sa pauvre Didon tout entière d'un opéra italien de Metastasio : mais il prospérera avec les Danchet et les Laserre, et moi j'irai languir à La Haye ou à Londres. Adieu; réponse, et prompte.

CCCXXIX.

A M. THIERIOT.

A Cirey, 17 décembre.

Vous êtes le plus aimable ami, le plus exact et le plus tendre qu'il y ait au monde. Vous écrivez aussi régulièrement qu'un homme d'affaires, et vous avez les sentimens d'une maîtresse. Par quel remercîment commencerai-je ? J'accepte d'abord le valet de chambre écrivain, pourvu qu'il ne soit ni dévot ni ivrogne, deux qualités également abominables. Il copiera toutes mes guenilles que je corrige tous les jours et que je vous destine.

'Alzire.

J'ai envoyé à messieurs Pont-de-Vesle et d'Argental la tragédie en question, avec cette clause qu'elle serait communiquée à vous, mon cher ami, et à vous seul. Ainsi, lorsque vous voudrez, passez chez ce M. d'Argental, chez cette aimable et bienfesante créature, qui ne cesse de me combler de ses bons offices. A présent que cette pièce envoyée me donne un peu de loisir, revenons à Orphée-Rameau. Je lui avais craché de petits vers pour un petit duo. On pourrait, en allongeant la litanie, faire de cela un morceau très musical. C'est la louange de la musique: on y peut fourrer tous ses attributs, tous ses caractères. Le génie de notre Orphée se trouverait au large.

Je ferai de Samson tout ce qu'on voudra; c'est pour lui (Rameau), c'est pour sa musique mâle et vigoureuse que j'avais pris ce sujet.

Vous faites trop d'honneur à mes paroles, de dire qu'il y a trois personnages. Je n'en connais que deux, Samson et Dalila; car, pour le roi, je ne le regarde que comme une basse-taille des choeurs. Je voudrais bien que Dalila ne fût point une Armide : il ne faut point être copiste. Si j'en avais cru mes premières idées, Dalila n'eût été qu'une friponne, une Judith, p... pour la patrie, comme dans la sainte Écriture; mais autre chose est la Bible, autre chose est le parterre. Je serais encore bien tenté de ne point parler des cheveux plats de Samson. Fesonsle marier dans le temple de Vénus la Sidonienne de quoi le dieu des juifs sera courroucé; et les Philistins le prendront comme un enfant, quand il se sera bien épuisé avec la Philistine. Que dit à cela le petit Bernard? J'ai corrigé et refondu le Temple du Goût et beaucoup de pièces fugitives; et, malgré vos leçons, je suis à la bataille de Hochstedt. Je passe mes jours dans les douceurs

:

de la société et du travail, et je ne regrette guère que vous. Je voudrais être aussi bien auprès de Pollion, que vous auprès d'Émilie.

CCCXXX.

A M. BERGER.

A Cirey, le 22 décembre.

Vous êtes un ami charmant. Vos lettres ne sont pas seulement des plaisirs pour moi, elles sont des services solides. Je savais ce que vous me mandez de l'abbé de Lamare. Vos réflexions sont très sages. Je ne peux que louer sa reconnaissance et craindre la malignité du public. J'ai retranché, comme vous croyez bien, toutes les louanges que l'amitié de ce jeune homme, trompé en ma faveur, me prodiguait assez imprudemment, et qui nous auraient fait tort à l'un et à l'autre. Je l'ai prié de ne m'en donner aucune. A la bonne heure, qu'en fesant imprimer une édition de Jules César, il réfute en passant les calomnies dont m'ont noirci ceux qui prennent la peine de me haïr. Je ne crois pas que ce soit une chose que je puisse empêcher, s'il ne se tient qu'à des faits, ne me loue point, s'il ne se commet avec personne, s'il parle simplement et sans art. Mais il faut que sa préface soit écrite avec une sagesse extrême, et que sa conduite y réponde.

s'il

Je n'ai point gardé de copie de ces vers pour OrphéeRameau; mais je me souviens de l'idée, et quand j'aurai plus de santé et de loisir, je ferai ce qu'il voudra. Il a bien raison de croire que Samson est le chef-d'œuvre de sa musique; et, quand il voudra le donner, il me trouvera toujours prêt à quitter tout pour rimer ses doubles croches.

Il est vrai, mon cher monsieur, que j'avais composé une tragédie, dans laquelle j'avais essayé de faire un tableau des mœurs européanes et des mœurs américaines. Le contraste régnait dans toute la pièce, et je l'avais travaillée avec beaucoup de soin; mais j'avais peur d'y avoir mis plus de travail que de génie; je craignais la haine opiniâtre de mes ennemis et l'indisposition du public. Je me tenais tranquille, loin de toute espèce de théâtre, attendant un temps plus favorable; mais une personne instruite du sujet de ma pièce (qui n'est point Montézume), en ayant parlé à M. Le Franc, il s'est hâté de bâtir sur mon fonds; et je ne doute pas qu'il n'ait mieux réussi que moi. Il est plus jeune et plus heureux. Il est vrai que, si j'avais eu un sujet à traiter, je ne lui aurais pas pris le sien. J'aurais eu pour lui cette déférence que la seule politesse exige. Tout ce que je peux faire à présent, c'est de lui applaudir si sa pièce est bonne, et d'oublier son mauvais procédé à proportion du plaisir que me feront ses vers. Je ne veux point de guerre d'auteurs. Les belles lettres devraient lier les hommes; elles les rendent d'ordinaire ennemis. Je ne veux point ainsi profaner la littérature, que je regarde comme le plus bel apanage de l'humanité.

Adieu, monsieur; je suis bien touché des marques d'amitié que vous me donnez; et c'est pour la vie.

CCCXXXI.

A M. THIERIOT.

A Cirey, le 25 décembre.

Je suis toujours d'avis qu'il ne soit plus question des grands cheveux plats de Samson; je gagnerai à cela une

Alzire ou les Américains.

CORRESPONDANCE. T. I.

33

sottise sacrée de moins, et ce sera encore une scène de récitatif retranchée. Je n'entends pas trop ce qu'on veut dire par une Dalila intéressante. Je veux que ma Dalila chante de beaux airs où le goût français soit fondu dans le goût italien. Voilà tout l'intérêt que je connais dans un opéra. Un beau spectacle bien varié, des fêtes brillantes, beaucoup d'airs, peu de récitatifs, des actes courts, c'est là ce qui me plaît. Une pièce ne peut être véritablement touchante que dans la rue des Fossés-SaintGermain'. Phaeton, le plus bel opéra de Lulli, est le

moins intéressant.

Je veux que le Samson soit dans un goût nouveau; rien qu'une scène de récitatif à chaque acte, point de confident, point de verbiage. Est-ce que vous n'êtes pas las de ce chant uniforme et de ces eu perpétuels qui terminent, avec une monotonie d'antiphonaire, nos syllabes féminines? C'est un poison froid qui tue notre récitatif. Mandez-moi, sur cela, l'avis de Pollion et de Bernard.

Ne pourriez-vous point savoir ce que le plagiaire de Metastasio et le mien a pris de mes Américains? J'aurais peut-être le temps de changer ce qu'il a imité. Je ferais comme les gens qu'on a volés, qui changent les gardes de la serrure.

Si vous voyez M. le bailli de Froulai et M. le chevalier d'Aidie, dites, je vous en prie, à cette paire de loyaux chevaliers combien je suis reconnaissant de leurs bontés. M. de Froulai a parlé en vrai Bayard au garde

des sceaux.

Qu'est-ce donc que cette mauvaise pièce intitulée le Tocsin de la Cour? On dit que c'est le laquais de Laserre ou de Roi qui en est l'auteur. M. le garde des sceaux 'Ancien emplacement du Théâtre français. (Ed. de Kehl.)

« ZurückWeiter »