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Au luth aimable, au luth galant
De ce successeur de Clément,
Qui dans votre temple réside '.
Sachez donc que l'oisiveté
Fait ici notre grande affaire❜.
Jadis de la divinité

C'était le partage ordinaire;
C'est le vôtre et vous m'avoûrez
Qu'après tant de jours consacrés
A Mars, à la cour, à Cythère,
Lorsque de tout on a tâté,

Tout fait, ou du moins tout tenté,

Il est bien doux de ne rien faire.

XXI.

A M. L'ABBÉ DE CHAULIEU.

A Sally, 20 juin.

Monsieur, vous avez beau vous défendre d'être mon maître, vous le serez quoi que vous en disiez. Je sens trop le besoin que j'ai de vos conseils; d'ailleurs les maîtres ont toujours aimé leurs disciples, et ce n'est pas là une des moindres raisons qui m'engagent à être le vôtre. Je sens qu'on ne peut guère réussir dans les grands ouvrages sans un peu de conseils et beaucoup de docilité. Je me souviens bien des critiques que monsieur le grand-prieur et vous, vous me fîtes dans un

* L'abbé de Chaulieu demeurait au Temple, qui appartient aux grandsprieurs de France. C'était autrefois la demeure des Templiers. (VOLT.)

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certain souper chez M. l'abbé de Bussi. Ce souper-là fit beaucoup de bien à ma tragédie; et je crois qu'il me suffirait pour faire un bon ouvrage de boire quatre ou cinq fois avec vous. Socrate donnait ses leçons au lit, et vous les donnez à table; cela fait que vos leçons sont sans doute plus gaies que les siennes.

Je vous remercie infiniment de celles

que vous m'avez

données sur mon Épitre à M. le Régent; et quoique vous me conseilliez de louer, je ne laisserai

obéir.

Malgré le penchant de mon cœur,
A vos conseils je m'abandonne.

Quoi! je vais devenir flatteur!

Et c'est Chaulieu qui me l'ordonne ' !

pas de Vous

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Je vous écris, monsieur, du séjour du monde le plus aimable, si je n'y étais point exilé, et dans lequel il ne me manque pour être parfaitement heureux que la liberté d'en pouvoir sortir. C'est ici que Chapelle a de

Voyez le volume d'Épîtres. L'abbé de Chaulieu mourut en philosophe, en 1720, à l'âge de quatre-vingt-un ans. (Éd. de Kehl.)

de

meuré, c'est-à-dire s'est enivré deux ans de suite1. Je voudrais bien qu'il eût laissé dans ce château un peu son talent poétique; cela accommoderait fort ceux qui veulent vous écrire. Mais comme on prétend qu'il vous l'a laissé tout entier, j'ai été obligé d'avoir recours à la magie, dont vous m'avez tant parlé ;

1

Et dans une tour assez sombre
Du château qu'habita jadis
Le plus léger des beaux esprits,
Un beau soir j'évoquai son ombre.
Aux déités des sombres lieux
Je ne fis point de sacrifice,
Comme ces fripons qui des dieux
Chantaient autrefois le service;
Ou la sorcière Pythonisse,
Dont la grimace et l'artifice
Avaient fait dresser les cheveux
A ce sot prince des Hébreux,
Qui crut bonnement que le diable
D'un prédicateur ennuyeux
Lui montrait le spectre effroyable.
Il n'y faut point tant de façon
Pour une ombre aimable et légère:
C'est bien assez d'une chanson,
Et c'est tout ce que je puis faire.
Je lui dis sur mon violon:

« Eh, de grace, monsieur Chapelle,
Quittez le manoir de Pluton

Pour cet enfant qui vous appelle.

Mais non, sur la voûte éternelle

Les dieux vous ont reçu,
dit-on,
Et vous ont mis entre Apollon
Et le fils joufflu de Semèle.

Du haut de ce divin canton,

Chapelle était un homme d'un génie facile et libertin; il avait beau

coup bu, ce qui était le vice de son temps; ce vice fit beaucoup de tort à sa santé, et enfin à son esprit. (Ed. de Kehl.)

Descendez, aimable Chapelle, »

Cette familière oraison
Dans la demeure fortunée
Reçut quelque approbation;
Car enfin, quoique mal tournée,
Elle était faite en votre nom.
Chapelle vint. A son approche,
Je sentis un transport soudain ;
Car il avait sa lyre en main,
Et son Gassendi ' dans sa poche;
Il s'appuyait sur Bachaumont,
Qui lui servit de compagnon
Dans le récit de ce voyage,
Qui du plus charmant badinage

Fut la plus charmante leçon.

Je vous dirai pourtant en confidence, et si la poste ne me pressait, je vous le rimerais; ce Bachaumont n'est pas trop content de Chapelle. Il se plaint qu'après avoir tous deux travaillé aux mêmes ouvrages, Chapelle lui a volé la moitié de la réputation qui lui appartenait. Il prétend que c'est à tort que le nom de son compagnon a étouffé le sien; car c'est moi, me dit-il tout bas à l'oreille, qui ai fait les plus jolies choses du Voyage, et entre autres: Sous ce berceau qu'Amour exprès...

Mais il ne s'agit pas ici de rendre justice à ces deux messieurs; il suffit de vous dire que je m'adressai à Chapelle pour lui demander comment il s'y prenait autrefois dans le monde

Pour chanter toujours sur sa lyre

Ces vers aisés, ces vers coulans,

De la nature heureux enfans,

■ Gassendi avait élevé la jeunesse de Chapelle, qui devint grand partisan du système de philosophie de son précepteur. Toutes les fois qu'il s'enivrait, il expliquait le système aux convives; et, lorsqu'ils étaient sortis de table, il continuait la leçon au maître d'hôtel. (VOLT.)

Où l'art ne trouve rien à dire?

L'amour, me dit-il, et le vin
Autrefois me firent connaître
Les graces de cet art divin;
Puis à Chaulieu l'épicurien

Je servis quelque temps de maître :

Il faut que Chaulieu soit le tien.

XXIII.

A M. LE DUC DE BRANCAS,

EN LUI ENVOYANT UNE ÉPITRE POUR M. LE RÉGENT.

Sully, 1717.

Monsieur le duc, je crois qu'il suffit d'être malheureux et innocent pour compter sur votre protection, et je vous puis assurer que je la mérite. Je ne me plains point d'être exilé, mais d'être soupçonné de vers infames également indignes, j'ose le dire, de la façon dont je pense et de celle dont j'écris. Je m'attendais bien à être calomnié par les mauvais poëtes, mais pas à être puni par un prince qui aime la justice. Souffrez que je vous présente une épître en vers que j'ai composée pour monseigneur le régent; si vous la trouvez digne de vous, elle le sera de lui, et je vous supplie de la lui faire lire dans un de ces momens qui sont toujours favorables aux malheureux, quand ce prince les passe avec vous. J'ai tâché d'éviter dans cet ouvrage les flatteries trop outrées et les plaintes trop fortes, et d'y être libre sans hardiesse. Si j'avais l'honneur d'être connu plus de vous que je ne le suis, vous verriez que je parle dans cet écrit comme je pense; et si la poésie ne vous en plaît pas, vous en aimeriez du moins la vérité.

Permettez-moi de vous dire que dans un temps comme celui-ci, où l'ignorance et le mauvais goût commencent

CORRESPONDANCE. T. I.

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