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car, quid retribuam domino pro omnibus quæ retribuit mihi? Hélas! je ne dirai point: Calicem accipiam ; misérable que je suis! il me faut vivre d'un régime bien indigne de vos dindons et de vos perdrix. Je ne fais point imprimer Adélaïde si tôt, et j'attends la reprise pour la donner au public. Mais je suis charmé de pouvoir vous donner sur le public une petite préférence. Je vais vous faire transcrire Adélaïde pour vous l'envoyer. Il est juste que vous ayez les fruits de ma terre.

J'accepte la très consolante proposition que vous daignez me faire pour la sainte Quadragésime; c'est un des plus grands plaisirs qu'on puisse faire à un pauvre malade comme moi.

Si vous avez la bonté de charger un de vos gens ou de vos commissionnaires d'envoyer cette petite provision au sieur Demoulin qui prend soin de mon petit ménage, et qui par conséquent demeure chez moi, je vous aurai beaucoup d'obligation, à condition que vous n'empêcherez pas que Demoulin paye très exactement votre commissionnaire.

Adieu; je vous embrasse tendrement. Adélaïde fut jouée hier pour la dernière fois. Le parterre eut beau la redemander à grands cris pendant un quart d'heure, j'ai été inflexible.

Adieu; mille remercîmens; je vous aime trop pour vous écrire avec cérémonie.

CCXXXVIII.

A M. DE CIDEVILLE.

Paris, le 27 février.

Mon tendre et aimable ami, j'ai été bien consolé dans ma maladie en voyant quelquefois votre ami du

Bourgtheroulde; il est mon rival auprès de vous, et rival préféré; mais je n'étais point jaloux. Nous parlions de mon cher Cideville avec un plaisir si entier et si pur! nous nous entretenions de l'espérance de vivre un jour à Paris avec lui, et aujourd'hui voilà mon cher Cideville qui me mande qu'en effet il pourra venir bientôt. Cela est-il bien vrai? puis-je y compter? Ah! c'est alors que j'aurai de la santé, et que je serai heureux.

Je commence enfin à sortir. J'allai même samedi dernier à l'enterrement d'Adélaïde, dont le convoi fut assez honorable. J'avais esquivé le mien, et je suis fort content du parterre qui reçut Adélaïde mourante, et Voltaire ressuscité, avec assez de cordialité. Il est vrai que je suis retombé depuis ; mais, malgré cette rechute, je veux aller au plus vite chez M. de Bourgtheroulde pour lui parler de vous. En attendant, disons un petit mot d'Adélaïde.

On ne se plaint point du duc de Nemours; on s'est récrié contre le duc de Vendôme. La voix publique m'a accusé d'abord d'avoir mis sur le théâtre un prince du sang pour en faire, de gaieté de cœur, un assassin. Le parterre est revenu tout d'un coup de cette idée; mais, nosseigneurs les courtisans, qui sont trop grands seigneurs pour se dédire si vite, persistent encore dans leur reproche. Pour moi, s'il m'est permis de me mettre au nombre de mes critiques, je ne crois pas que l'on soit moins intéressé à une tragédie, parce qu'un prince de la nation se laisse emporter à l'excès d'une passion effrénée.

Un historiographe me dira bien que le comte de Vendôme n'était point duc, et que c'était le duc de Bretagne Jean, et non le comte de Vendôme qui fit cette méchante action. Le public se moque de tout cela; et, si la pièce est intéressante, peu lui importe que son plaisir vienne de Jean ou de Vendôme.

Mais ce Vendôme n'intéresse peut-être pas assez, parce qu'il n'est point aimé, et parce qu'on ne pardonne point à un héros français d'être furieux contre une honnête femme qui lui dit de si bonnes raisons. Couci vient encore prouver à notre homme, qu'il est un pauvre homme d'être si amoureux. Tout cela fait qu'on ne prend pas un intérêt bien tendre au succès de cet amour. Ajoutez que le sieur Dufresne a joué ce rôle indignement, quoi qu'en dise Rochemore.

Le travail que j'ai fait pour corriger ce qui avait paru révoltant dans ce Vendôme, à la première représentation, est très peu de chose. Je vous enverrai la pièce, vous la trouverez presque la même. Le public, qui applaudit à la seconde représentation ce qu'il avait condamné à la première, a prétendu, pour se justifier, que j'avais tout refondu, et je l'ai laissé croire.

Adieu, mon cher ami. Écrivez, je vous en prie, à Linant qu'il a besoin d'avoir une conduite très circonspecte; que rien n'est plus capable de lui faire tort que de se plaindre qu'il n'est pas assez bien chez un homme à qui il est absolument inutile, et qui, de compte fait, dépense pour lui seize cents francs par an. Une telle ingratitude serait capable de le perdre. Je vous ai toujours dit que vous le gâtiez : il s'est imaginé qu'il devait être sur un pied brillant dans le monde, avant d'avoir rien fait qui pût l'y produire. Il oublie son état, son inutilité et la nécessité de travailler; il abuse de la facilité que j'ai eue de lui faire avoir son entrée à la Comédie; il y va tous les jours, sur le théâtre, au lieu de songer à faire une pièce. Il a fait en deux ans une scène qui ne vaut rien ; et il se croit un personnage parce qu'il va au théâtre et chez Procope. Je lui pardonne tout, parce que vous le protégez; mais, au nom de Dieu,

faites-lui entendre raison, si vous en espérez encore quelque chose.

CCXXXIX.

A M. DE CIDEVILLE.

Ce 7 avril.

Mon cher ami, je pars pour être témoin d'un mariage que je viens de faire. J'avais mis dans ma tête, il y a long-temps, de marier M. le duc de Richelieu à mademoiselle de Guise; j'ai conduit cette affaire comme une intrigue de comédie : le dénoûment va se faire à Montjeu, auprès d'Autun. Les poëtes sont plus dans l'usage de faire des épithalames que des contrats; cependant j'ai fait le contrat, et probablement je ne ferai point de vers. Vous savez ce que dit madame de Murat :

Mais quand l'hymen est fait, c'est en vain qu'on réelame
Le dieu d'amour et les neuf doctes Sœurs ;
C'est le sort des Amours, et celui des auteurs,
D'échouer à l'épithalame.

Je pars dans une heure, mon aimable Cideville; j'envoie devant, tragédie, opéra, versiculets, et totam nugarum supellectilem. C'est pour le coup que je vais travailler à vous faire transcrire tout ce que je vous dois. Formont vient de m'écrire une lettre où je reconnais sa raison saine et son goût délicat. Messieurs les Normands, vous avez bien de l'esprit. L'abbé Du Resnel, autre Normand, traducteur de Pope, homme qui sait penser, sentir et écrire, est ou doit être à Rouen ; je lui ai dit que mon cher Cideville y était ; il le verra, et il en pensera comme moi. C'est un admirateur et un ami de plus que vous allez acquérir l'un et l'autre en fesant

connaissance.

Je ne crois pas que Linant ait jamais un talent supérieur; mais je crois qu'il sera un ignorant inutile aux autres et à lui-même; plein de goût et d'esprit, d'imagination, il n'a rien de ce qu'il faut ni pour briller, ni pour faire fortune. Il a la sorte d'esprit qui convient à un homme qui aurait vingt mille livres de rente. Voilà de quoi je le plains, mais de quoi je ne lui parle jamais. J'ai été mécontent de lui, mais je ne l'ai dit qu'à vous et à M. de Formont.

Adieu; je vous aime avec tendresse. Je

curce.

pars. Valete

CCXL.

A M. DE FORMONT.

Avril.

Philosophe aimable, à qui il est permis d'être paresseux, sortez un moment de votre douce mollesse, et ne donnez pas au chanoine Linant l'exemple dangereux d'une oisiveté qui n'est pas faite pour lui. Je lui mande, et vous en conviendrez, que ce qui est vertu dans un homme devient vice dans un autre. Écrivez-moi donc souvent pour l'encourager, et renvoyez-le-moi quand vous l'aurez mis dans le bon chemin. J'ai besoin qu'il vienne m'exciter à rentrer dans la carrière des vers. Il y a bien long-temps que je n'ai monté les cordes de ma lyre. Je l'ai quittée pour ce qu'on appelle philosophie, et j'ai bien peur d'avoir quitté un plaisir réel pour l'ombre de la raison. J'ai relu le raisonneur Clarke, Malebranche et Locke. Plus je les relis, plus je me confirme dans l'opinion où j'étais que Clarke est le meilleur sophiste qui ait jamais été; Malebranche, le romancier le plus subtil; et Locke, l'homme le plus sage. Ce qu'il pas vu clairement, je désespère de le voir jamais.

n'a

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