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et il nous le fallait pour encourager la littérature. Il combat tous les jours pour la liberté contre M. le cardinal de Fleury et contre M. le garde des sceaux. Il fait imprimer le De Thou, et le fait traduire en français. Il soutient tant qu'il peut l'honneur de notre nation, qui s'en va grand'erre.

Encouragé par votre suffrage et par sa bonne volonté, j'ai, je vous l'avoue, une belle impatience de faire paraître Charles XII. S'il n'en coûte que 60 livres de plus par terre, je vous supplie de le faire venir par roulier à l'adresse de M. le duc de Richelieu, à Versailles; et moi, informé du jour et de l'heure de l'arrivée, je ne manquerai pas d'envoyer un homme de la livrée de Richelieu, qui fera conduire le tout en sûreté. Si les frais de voiture sont trop forts, je vous prie de le faire partir par eau pour Saint-Cloud, où j'enverrai un fourgon. Il ne me reste qu'à vous assurer de la reconnaissance la plus vive et de l'amitié la plus tendre.

Au nom du bon goût, que mon cher Cideville achève donc ce qu'il a si heureusement commencé! Je l'embrasse de tout mon cœur.

J'ai fait mieux que vous à l'égard de Séthos; je ne l'ai point lu.

CXXI.

A M. DE CIDEVILLE.

A Paris, ce 27 septembre.

Mon cher ami, la mort de M. de Maisons m'a laissé dans un désespoir qui va jusqu'à l'abrutissement. J'ai perdu mon ami, mon soutien, mon père. Il est mort entre mes bras, non par l'ignorance, mais par la négligence des médecins. Je ne me consolerai de ma vie de sa perte et de la façon cruelle dont je l'ai perdu. Il a

péri faute de secours, au milieu de ses amis. Il y a à cela une fatalité affreuse. Que dites-vous de médecins qui le laissent en danger à six heures du matin, et qui se donnent rendez-vous chez lui à midi? Ils sont coupables de sa mort. Ils laissent six heures, sans secours, un homme qu'un instant peut tuer! Que cela serve de leçon à ceux qui auront leurs amis attaqués de la même maladie! Mon cher Cideville, je vous remercie bien tendrement de la part que vous prenez à la cruelle affliction où je suis. Il n'y a que des amis comme vous qui puissent me consoler. J'ai besoin plus que jamais que vous m'aimiez. Je me veux du mal d'être à Paris. Je voudrais et je devrais être à Rouen. Je viendrai assurément le plus tôt que je pourrai. Je ne suis plus capable d'autre plaisir dans le monde que de celui de sentir les charmes de votre société.

Je ne vous mande aucune nouvelle ni de moi, ni de mes ouvrages, ni de personne. Je ne pense qu'à ma douleur et à vous.

CXXII.

A M. DE CIDEVILLE.

2 octobre.

La mort de M. de Maisons, mon cher ami, occupait toutes mes idées quand je fis réponse à la lettre que j'ai reçue de vous. J'avais à vous parler d'un de vos amusemens qui m'est bien cher, et auquel je m'intéresse plus qu'à mes occupations. C'est ce joli opéra que vous avez ébauché de main de maître, et que vous finirez quand il vous plaira. J'en avais parlé chez madame la princesse de Guise, à Arcueil; mais la douleur extrême où j'étais, et ces premiers momens de désespoir qui saisissent le cœur quand on voit mourir dans ses bras

quelqu'un qu'on aime tendrement, ne m'ont pas permis de vous écrire. Enfin, ma tendre amitié pour vous, qui égale la perte que j'ai faite, et que je regarde comme ma plus douce consolation, remet mon esprit dans une assiette assez tranquille pour vous parler de ce petit ouvrage pour qui j'ai tant de sensibilité. Je dis, sans vous nommer, qu'un de mes amis s'était amusé à faire un opéra plein de galanterie, de tendresse et d'esprit, sur les trois sujets que j'expliquai, et dont je me hasardai de dire le plan. Tout fut extrêmement goûté, et il n'y eut personne qui ne témoignât son chagrin de voir que nous n'ayons point de musicien capable de servir un poëte si aimable. Monseigneur le comte de Clermont, qui était de la compagnie, et à la tête de ceux qui avaient grande impatience d'entendre l'ouvrage, envoya chercher sur-le-champ à Paris un musicien qui est à ses gages, et exigea de moi que j'engageasse mon ami à se servir de cet homme. C'est un nommé Blavet, excellent pour la flûte, et peut-être fort médiocre pour un opéra. Mais heureusement M. le comte de Clermont, qui, quoique prince, entend raison, nous promit que, si on n'était pas content de la première scène de notre homme, il serait cassé aux gages, et que la pièce serait remise entre les mains d'un autre. Voilà ce que je vous mande, sans que mon esprit républicain soit le moins du monde amolli par un prince, ni asservi à la moindre complaisance en fait de beaux arts. Je ne connais personne, ainsi je ne vous demande rien pour le sieur Blavet, mais je vous demande beaucoup pour moi; c'est que je puisse enfin voir le Triomphe de la beauté et le vôtre. Je ne pourrai peut-être pas arriver à Rouen aussitôt que je l'espérais. Je ne prévois pas que je puisse me remettre en prison avant le mois de décembre. En

attendant, vous devriez bien m'envoyer ce Triomphe, que je porterais à Richelieu, où je vais passer quinze jours. Le maître de la maison a passé toute sa vie dans ces triomphes que vous chantez. Il sera là dans son élément, et il est un assez bon juge de camp dans ces tournois-là.

A l'égard de mon Éryphile, je l'ai bien refondue. J'ai rendu l'édifice encore plus hardi qu'il n'était. Androgide ne prononce plus le nom d'amour. Ériphile, épouvantée par les menaces des dieux, et croyant que son fils est encore vivant, veut lui rendre la couronne, dût-elle expirer de la main de son fils, suivant la prédiction des oracles. Elle apprend au peuple assemblé qu'elle a un fils; que ce fils a été éloigné dès son enfance dans la crainte d'un parricide, et elle le nomme pour roi. Androgide, présent à ce spectacle, prouve qu'il a tué cet enfant, qui était réservé à de si grands crimes. La reine voit donc en lui le meurtrier de son époux et de son fils. Androgide sort de l'assemblée avec des menaces; la reine reste au milieu de son peuple. Tout cela se passe au troisième acte; elle a auprès d'elle cet Alcméon qu'elle aime. Elle avait, jusqu'à ce moment, étouffé sa tendresse pour lui; mais, voyant qu'elle n'a plus de fils, et que le peuple veut un maître, qu'Androgide est assez puissant pour lui ravir l'empire, et Alcméon assez vertueux pour la défendre, elle lui offre le trône, à condition qu'il la vengera d'Androgide.

J'ai changé presque tout le second acte; il est mieux écrit et beaucoup moins froid. J'ai, je l'ose dire, embelli le premier ; j'ai laissé le quatrième comme il était; j'ai extrêmement travaillé le cinquième, mais je n'en suis pas content; j'ai envie de vous l'envoyer, afin que vous m'en disiez votre avis avec toute la rigueur possible.

Hélas! je parlais de tout cela à ce pauvre M. de Maisons au commencement de sa petite-vérole; il approuvait ce nouveau plan autant qu'il avait blâmé le premier acte de l'autre. Tenez-moi lieu de lui, avec M. de Formont. Communiquez-lui tout cela ; je compte lui écrire en vous écrivant, et je le supplie de me mander ce qu'il pense de tous ces nouveaux changemens. Que j'ai envie et qu'il me tarde de vous revoir l'un et l'autre !

O vos cantare periti,

Arcades! o mihi tum quam molliter ossa quiescant...
Atque utinam ex vobis unus vestrique fuissem, etc.

(VIRG., egl. x.)

CXXIII.

A M. DE FORMONT.

Octobre.

Eh bien, mon cher Formont! au milieu des tracasseries du roi et du parlement, de l'archevêque et des curés, des molinistes et des jansénistes, aimez-vous toujours Éryphile? Vous m'exhortez à travailler, mais vous ne me dites point si vous êtes content de ce que je vous ai proposé, à vous et à M. de Cideville. Il me semble que le grand mal de cette pièce venait de ce qu'elle semblait plutôt faite pour étonner que pour intéresser. La bonne reine, vieille pécheresse, pénitente, était bernée par les dieux pendant cinq actes, sans aucun intervalle de joie qui rafraîchît le spectateur. Les plus grands coups de la pièce étaient trop soudains, et ne laissaient pas au spectateur le temps de se reposer un moment sur les sentimens qu'on venait de lui inspirer in ictu oculi; on assemblait le peuple au troisième acte; on déclarait roi le fils d'Éryphile; Hermogide donnait sur-le-champ un nouveau tour aux affaires, en disant

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