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DEPUIS EPUIS près de cinq ans Ovide étoit exilé à Tomes, ville du Pont: pendant ce temps-. là il ne cessa de déplorer ses malheurs, en cinquante élégies intitulées les Tristes. On croiroit peut-être que cinq ans de gémissemens en auroient tari la source; mais non: comme on ne met point de fin aux peines. de l'infortuné poëte, il n'en met point à ses complaintes. Voici encore quatre livres d'élégies plaintives, qui se présentent sous le titre d'élégies Pontiques ou datées de Pont, en forme de lettres; ce sont comme les derniers soupirs d'Ovide; il mourut peu de temps après les avoir achevées.

Ces lettres sont adressées à ses illustres amis de Rome, dont il ne se croit plus obligé de supprimer les noms par des ménagemens politiques, comme il le fait dans les Tristes, on y voit des Fabius, des Cotta, des Pompée, et plusieurs autres personnes consulaires, avec qui Ovide étoit dans un commerce intime.

Je publiai l'année dernière les élégies des Tristes, traduites en français, avec des notes: je donne aujourd'hui les élégies pontiques dans la même langue ; et j'ose me flatter que

ce second volume ne sera pas moins bien reçu du public, que le premier.

Quelques savans ont prétendu que le style des élégies pontiques étoit plus châtié, et qu'il avait quelque chose de plus mâle et de plus nerveux que celui des Tristes : le docte Pontan y trouve presque la même différence à proportion, qu'entre un poëme héroïque et une simple élégie; voici en quels termes il s'en explique: Ut hi Libri cum illis collati, propemodùm eandem proportionem ad eos, quam heroïcum poëma ad elegiacum, obtinere existimandi sint.

ans,

On a mis au commencement de ce volume une élégie française sur l'exil d'Ovide, qui fut fort estimée en son temps; elle est de feu M. de Lingendes, et parut pour la première fois il y a plus de soixante et dix à la tête d'une traduction des métamorphoses d'Ovide faite par Renouard. Depuis ce temps-là elle est demeurée comme en possession d'orner le frontispice de toutes les nouvelles éditions d'Ovide: on trouve dans son langage déjà un peu antique, des graces naïves qui pourront plaire aux personnes qui aiment ce genre de poésie.

1

O DE

D'O

SUR L'EXIL D' OVIDE.

OVIDE, c'est à tort que tu veux mettre Auguste
Au rang des immortels,

Ton exil nous apprend qu'il étoit trop injuste
Pour avoir des autels;

Ainsi t'ayant banni sans cause légitime,
Il t'a désavoué;

Et les Dieux l'ont souffert, pour te punir du crime
De l'avoir trop loué.

Et vraiment il falloit que ce fût un barbare 2
De raison dépourvu

Pour priver son pays de l'esprit le plus rare
Que Rome ait jamais vu.

Et bien

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que la rondeur de la terre et de l'onde
Obéit à sa loi,

Si devoit il juger qu'il n'avoit rien au monde
Qui fût si grand que toi.

Mais ni ton nom fameux jusqu'aux bords d'où l'aurore
Se lève pour nous voir,

Ni tes justes regrets, ni tes beaux vers encore
Ne purent l'émouvoir.

O combien s'affligea la déesse d'Erice,

Des plaintes que tu fis,

Et de voir un tyran faire tant d'injustice
Au maître de son fils.

On tient qu'à ton départ les filles de mémoire
Se vêtirent de deuil,

Quand tu prenois le soin de lui montrer l'usage

Des flêches qu'il portoit.

Il n'avoit plus ses traits, il n'avoit plus ses armes, Son arc ni son flambleau ;

Heureux si seulement pour essuyer ses larmes

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Tel le vit-on jadis quand sortant de Cythère
Ayant les yeux ternis,

Et le poil tout poudreux, il vint trouver sa mère
Qui pleuroit Adonis ;

Celui qui sans pitié l'eût pu voir de la sorte
Que tu les vis alors,

Pourroit voir d'un œil sec le cercueil où l'on porte
Son père entre les morts.

Mais outre sa dòuleur en sa face dépeinte
Qu'il ne pouvoit céler,

Il paroissoit encore qu'une secrette crainte
L'empêchoit de parler.

Car se voyant nommer l'auteur de ta misère
Il n'osoit t'approcher,

Et craignoit justement tout ce que ta colère
Lui pouvoit reprocher.

Tu reconnus sa crainte, et lui faisant caresse
Pour chasser son ennui,

La pitié t'empêcha d'augmenter sa tristesse
En te plaignant de lui.

Aussi ce doux accueil lui rendant le courage,
Il reprit ses esprits,

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Pour te conter ainsi le sujet du voyage

Qu'il avoit entrepris.

Mon maitre, te dit-il, sachant combien je t'aime Par zèle et par devoir,

Tu peux juger de l'aise, et du plaisir extrême

Que j'ai de te revoir.

Mais si je viens si tard en cette solitude,
Où l'on t'a confiné,

C'est la peur seulement, et non l'ingratitude
Qui m'en a détourné.

Car depuis ton exil tu m'as toujours fait craindre
De m'approcher de toi :

Le ciel m'étant témoin qu'il ne t'oit jamais plaindre
Sans te plaindre de moi; .

Comme si recherchant par une plainte injuste
D'avoir du réconfort,

Tu pouvois excuser la cruauté d'Auguste
Pour m'en donner le tort.

Toutefois si tu crois la vengeance capable
D'adoucir ton ennui,

Je ne refuses point de me dire coupable
De la faute d'autrui.

Mais las si sans courroux tu vois dans mon visage
Combien je suis changé,

Quel tourment me peux-tu désirer davantage
Pour être mieux vengé ?

Ne te suffit-il

pas de savoir que ma gloire,

Mourant de jour en jour,

Est réduite à fel point, que je n'ose plus croire
D'être encore l'Amour?

Et qu'ayant négligé durant la longue absence

Les traits que je portois,

Voyant ce que je suis, je perds la souvenance
D'être ce que j'étois.

Tu vois que j'ai perdu les marques immortelles
Que je soulois avoir,

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