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LETTRE NE U VI È M E. (Page 247).

(1) Il est à croire que Brutus lui avoit nommé ce critique qui trouvoit à redire à ces fréquentes répétitions, mais qu'Ovide, pour mieux marquer le mépris qu'il a pour lui, ne daigne pas le désigner autrement que par un je ne sais qui, nescio quem, comme qui diroit un certain quidam.

(2) Ce qu'on reproche à Ovide, qu'il repète trop souvent, se réduit à deux choses. La première est qu'il demande sans cesse et jusqu'à l'importunité, qu'on le rapproche au moins de l'Italie, si on ne veut pas le rappeler à Rome. La se conde est qu'il ne parle dans toutes ses lettres, que du grand nombre d'ennemis barbares dont il est environné ; c'est-à-dire, qu'il se plaint sans cesse de la longueur et de la dureté de son exil, et du peu de sûreté qu'il y trouve pour sa vie ; ce qui sans doute est bien pardonnable.

(3) Ovide avoue ici ingénûment qu'il n'est point aveugle sur ses ouvrages, et qu'il y reconnoît bien des défauts: heureux, dit-il, de ce qu'on ne m'en reproche qu'un; savoir, mes redites trop fréquentes. Il suit en cela une maxime fort morale d'Epictète: si quelqu'un, dit ce philosophe Stoïcien, vient vous rapporter qu'un autre a mal parlé de vous, n'allez pas vous gendarmer contre ce médisant, ni lui montrer qu'il est un sot; au contraire, répondez-lui de sens froid qu'il ne connoît pas encore tous vos défauts, et que vous lui êtes très-obligé du peu de mal qu'il a dit de vous c'est le secret infaillible de le faire taire.

(4) Thersite, fils d'Agrius, étoit le plus laid homme qui parut au siège de Troye, au rapport de Guillaume

Canterus qui en a fait le portrait d'après nature. Ovide pour montrer que tout poëte est d'ordinaire idolâtre de ses propres ouvrages, dit qu'il en est d'eux comme d'Agrius, qui regardoit son fils comme un chef-d'œuvre de la nature, quoiqu'il n'y eût rien de plus laid que lui: cependant il s'est trouvé un certain sophiste qui a fait l'éloge de Thersite.

(5) Aristarque, dont parle ici Ovide, étoit un fameux grammairien, qui, ayant rassemblé les pièces épurses çà et là de l'Iliade d'Homère, les divisa en livres, et en forma ce tout régulier tel que nous l'avons depuis. On estima tellement le bon sens et la judicieuse critique de ce grammairien, qu'on ne reconnut plus pour vers d'Homère, que ceux qui avoient été marqués à son coin. Cependant Aristarque a passé dans la suite des temps pour un censeur trop rigide; et il a été mis en proverbe, pour marquer un homme qui décide souverainement des ouvrages d'autrui c'est un Aristarque, dit-on, qui ne trouve rien de bon à son goût.

(6) Ce distique d'Ovide:

Corrigere at res est tanto magis ardua, quanto,
Magnus Aristarco major Homerus erat.

a jeté les commentateurs d'Ovide dans un grand embarras, parce qu'il paroît une espèce de contradiction dans cette comparaison. Le poëte, pour marquer la grande difficulté qu'il y a de corriger un ouvrage déjà tout fait, auroit dû dire, ce semble elle est aussi grande, cette difficulté qu'Aristarque, correcteur d'Homère, est par-là plus grand qu'Homère même. Mais non, il dit: est aussi grande que le grand Homère et au-dessus d'Aristarque. Il compare

donc ici la grandeur de la difficulté qu'il y a de corriger avec la supériorité d'Homère au-dessus de son correcteur Aristarque. En effet, quelque difficulté qu'il se trouve à corriger un excellent ouvrage tel que l'Iliade d'Homère, il s'en faut beaucoup que la gloire de celui qui corrige égale celle de celui qui a inventé et composé l'ouvrage.

(7) Notre poëte répond ici fort spirituellement à ce qu'on lui objecte, qu'il est toujours sur le ton plaintif et qu'il ne dit presque jamais que les mêmes choses. Premièrement, dit-il, chaque chose a son temps quand j'étois gai et content, je chantois des choses gaies et plaisantes ; aujourd'hui triste et chagrin, je ne chante que des choses tristes et lugubres. Secondement, de quoi puis-je parler dans un pays si misérable, si ce n'est des misères qu'on y souffre ? Troisièmement, j'ai beau répéter cent fois les mêmes choses, à peine daigne-t-on m'entendre; et d'ailleurs ce n'est pas aux mêmes personnes que je dis les mêmes choses. En quatrième lieu, veut-on que pour ne dire qu'une fois la même chose, je n'écrive qu'à un seul ami, quelque besoin que j'aie de recourir à tous ? Enfin il est permis, dit-il, à des poëtes qui ne travaillent qu'à des sujets feints, de varier les aventures de leur héros fabuleux, par mille fictions nouvelles mais ma Muse ne parle que de mes malheurs qui sont très-réels et trop vrais; c'est un témoin qui ne peut varier dans ses dispositions sans se rendre criminel de plus la vérité est une; on ne peut la déguiser, mais seu← lement la représenter sous différentes images, comme j'ai fait.

(8) Ovide s'excuse encore de ses fréquentes répétitions, sur ce qu'en écrivant plusieurs lettres séparément à chacun de ses amis, il n'a pas prétendu faire un livre dans les

288 NOTES SUR LE TROISIÈME LIVRE.

formes, ni un ouvrage régulier, mais seulement un recueil de lettres ramassées au hasard et sans ordre dans un même volume; et qu'ainsi on ne doit point s'étonner s'il retombe assez souvent dans des redites. On voit qu'Ovide ne parle ici que de ses livres des Tristes et du Pont, et non de ses autres ouvrages, comme des Fastes et des Métamorphoses, où il a su bien jeter par-tout cette agréable variété, si nécessaire dans les ouvrages réguliers au lieu que dans ses lettres il n'a pensé, dit-il, qu'à rendre ce qu'il devoit à ses amis et à lui-même, sans ambitionner la gloire de bel esprit et de grand poëte.

FIN DES NOTES DU TROISIÈME LIVRE.

(

LES

D' O VID E.

LIVRE QUATRIÈME.

LETTRE PREMIÈRE.

A SEX TE POM PÉE.

Il lui demande la permission de le nommer à la tête de cette lettre.

ILLUSTRE Sexte Pompée, souffrez qu'un homme qui vous doit la vie, vous adresse des vers; agréez encore, pour comble de vos bontés, que j'y mette votre nom. Si cette liberté vous déplaît (1), j'avouerai bien, si vous le voulez, que j'ai fait une faute; mais vous ne pouvez qu'en approuver la cause; écoutez-la.

Je n'ai pu faire violence à mon esprit et à mon cœur (2), qui m'out, pour ainsi dire, forcé à vous rendre grace de vos bienfaits: ne vous offensez pas, je vous prie, de ce témoignage public de ma gratitude. O combien de fois me suis-je accusé moi-même d'une espèce d'impiété, parce que votre nom ne paroissoit nul part dans mes écrits! Combien de fois, en écrivant des lettres, Tome VII,

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