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PRÉFACE

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

Je viens proposer aux guides de l'enfance un moyen d'éducation tout à la fois ancien et nouveau; ancien, puisqu'il s'agit de l'enseignement régulier de la langue maternelle qui se donne de temps immémorial dans les familles comme dans les écoles; nouveau, car cet enseignement qui s'est borné jusqu'ici aux expressions de la langue, doit désormais servir tout entier à former l'esprit et le cœur des élèves.

Cet ennoblissement d'une chose toute vulgaire n'est point un simple projet formé en bonne intention sur quelques aperçus qui pourraient promettre beaucoup et tenir peu; c'est une amélioration qui a été longuement mise en pratique dans la nombreuse école que j'ai dirigée pendant dix-neuf ans dans ma ville natale, à Fribourg, en Suisse.

A cette école je ne me servais que de manuscrits, parce que je sentais qu'un premier essai en ce genre devait être très-défectueux, et que d'ailleurs je voulais le soumettre à l'expérience. Cependant, en 1821, j'en publiai la première partie à l'usage de nos écoles rurales, que le Conseil d'éducation voulait sincèrement améliorer. Depuis lors le désir de me rendre

utile à tous les enfants, n'importent où ils eussent vu le jour, m'engagea à envoyer en France quelques exemplaires de ce travail, afin qu'il trouvât des imitateurs.

En ce temps j'avais sérieusement médité les principes sur lesquels s'appuyait mon travail, ainsi que les moyens de l'exécuter; mais je n'avais pas trouvé le loisir de mettre mes pensées par écrit. Je ne l'ai entrepris que depuis 1855, après mon retour de Lucerne où je venais d'enseigner la philosophie au Lycée cantonal. Ce sont des amis de l'éducation en Suisse et en France qui m'ont pressé de rédiger les feuilles que je publie ici, ainsi que de retoucher mes anciens manuscrits pour les livrer à l'impression.

Ces Messieurs étaient convaincus que nous vivons dans une époque de transition où les liens antiques, dans les familles comme dans les États, se sont grandement relâchés, et où il importe de donner de bonne heure aux enfants une profonde empreinte morale et religieuse, pour retremper ainsi les générations naissantes dans le seul élément d'ordre, de paix et de vie. Depuis longtemps je partageais cette idée, et je me suis rendu à leurs sollicitations.

J'ai donc revu et perfectionné les cahiers de mon ancienne école. L'ouvrage est presque terminé, et il verra le jour par livraisons, si, après avoir pris connaissance de cet écrit préliminaire, le public en témoigne le désir.

Je sais que je propose une grande innovation. Elle heurtera d'anciennes habitudes, quelques amourspropres peut-être et quelques intérêts matériels; mais

j'ai confiance en la vérité, et je sais que tôt ou tard elle finit par triompher, parce que la victoire lui appartient de droit.

Les démarches que j'ai faites en France en 1821, annoncent du reste sur qui portent mes espérances. Je compte aussi sur les mères de famille. Elles sont nos premières institutrices comme nos premières maitresses de langue, et c'est leur ouvrage que continuera le mien, pour développer le leur, et pour en assurer, autant que possible, le succès.

On pardonnera j'espère, à un vieillard qui a peu de temps et beaucoup d'ouvrage devant lui, quelques négligences de style et quelques répétitions superflues, Il se sent pressé d'exposer les fruits de ses méditations et de sa longue expérience, et toute son ambition est de les faire goûter aux instituteurs de la jeunesse qui ne se font pas un métier, mais un devoir sacré de leur état.

Fribourg en Suisse, le 29 janvier 1844.

SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION.

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C'est une édition corrigée par moi que je viens présenter au public. Dans la précédente il se trouve des répétitions inutiles et des longueurs que j'ai dû faire disparaître dans celle-ci. Alors les livres élémentaires n'étaient pas encore publiés, et, ne sachant pas si je pourrais les mettre au jour, je m'étais trouvé dans la nécessité d'ajouter beaucoup de détails d'exécution qui maintenant sont devenus superflus. Comme je proposais une idée nouvelle en faveur de l'éducation, il s'agissait de prouver la possibilité de la réaliser, car on avait peine à y croire. Cette preuve n'est plus néces saire, depuis que le Cours éducatif de la langue maternelle est publié, et que je puis en deux mots renvoyer à mon ouvrage.

Cette édition a donc été considérablement abrégée, et je m'en réjouis. Elle épargnera beaucoup de temps aux lecteurs qui n'en ont guère à donner à leurs lectures. Par là encore un livre, qui au fond est un traité d'éducation, est devenu plus accessible aux instituteurs et aux institutrices, car il coûtera moins. C'est surtout entre leurs mains que je désire le voir, persuadé que je suis de l'utilité qu'ils en retireront pour eux-mêmes ainsi que pour leurs élèves.

L'AUTEUR.

Fribourg en Suisse, le 1er mai 1846.

RÉGULIER

DE LA LANGUE MATERNELLE

DANS LES ÉCOLES ET LES FAMILLES.

LIVRE PREMIER.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

CHAPITRE PREMIER.

COMMENT LA MÈRE APPREND LA LANGUE A SES ENFANTS.

La mère est dans la famille la première maîtresse de langue. De là le nom de langue maternelle, et, ce qui est tout autre chose qu'un mot, l'importance de la mère dans l'éducation, et la primauté qui lui revient à cet égard sur son mari. On sait qu'un ancien à si vivement saisi cette éminente prérogative, qu'il aurait volontiers ôté la dénomination de patrie à notre pays natal, pour l'échanger dans sa langue contre celui de matric.

Si la mère est auprès de son enfant la première maitresse de langue, elle n'est pas seulement la maîtresse la plus empressée et la plus persévérante, mais encore la plus ingénieuse. On dirait qu'elle agit par un instinct supérieur qui tient à la maternité, et qu'elle n'est dans cette belle fonction qu'un instrument docile en

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