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Non-seulement l'Écriture sainte abonde en traits et en applications qui vivifient ainsi l'éloquence sacrée; mais encore un orateur qui voudrait diversifier et rajeunir les instructions qu'on attend de son ministère trouverait dans l'Ancien Testament des sujets neufs et intéressants qu'on pourrait traiter en forme d'homélies, avec autant de succès et d'onction que les paraboles si dramatiques du Nouveau, comme Moïse, Job, Tobie, Ruth, Esther, Suzanne, Isaac, Jacob, Joseph, David, la mère des Machabées, etc. C'est une route nouvelle qu'on peut ouvrir à l'éloquence sacrée, en y appliquant la méthode historique et morale de nos belles homélies sur les récits en action de l'Évangile; telles que l'Enfant prodigue, le Lazare, la Pécheresse et la Samaritaine. Ces histoires de la Bible, étant fort connues, attacheraient beaucoup plus un auditoire instruit que les sujets ordinaires des panégyriques. J'ai souvent été surpris qu'aucun de nos prédicateurs n'eût encore conçu l'idée, si naturelle et si féconde, d'introduire une fois par semaine cette heureuse variété dans les grandes stations du ministère évangélique.

LXX. Des Pères de l'Église.

Orateurs chrétiens! vous êtes les ministres de la parole de Dieu; vous devez donc tirer des livres saints la substance de vos discours, et parler habituellement la langue du prédicateur invisible que vous représentez. La Bible, qui doit être l'âme de votre éloquence, ne suffit même pas à votre ministère si à cette séve vivifiante de l'Écriture vous n'ajoutez encore la connaissance profonde de l'esprit et de la morale du christianisme, dont la doctrine ne se trouve entièrement développée que dans la tradition des Pères de l'Église. S'il est vrai, en effet, que vos lèvres doivent être les dépositaires de la science du salut, comment pourrez-vous enseigner à vos frères toute la série des vérités transmises au genre humain par cette seule voie sans vous être imposé auparavant l'obligation de les étudier à fond, pour en être solidement instruits, en vous montrant ainsi toujours théalogiens, quoique vous

n'affectiez jamais de le paraître? Vous ne prêcherez qu'une morale vague ou purement humaine, et vous ne donnerez jamais à votre style la précision et l'énergie du mot propre en traitant les mystères tant que vous n'aurez point acquis à l'école des pères cette sûreté de principes, cette netteté d'enseignement et cette fermeté d'expression, dont ils ont été les organes, les régulateurs et les modèles.

Les Pères de l'Église ont été appréciés avec la critique la plus lumineuse, sous le rapport des avantages qu'ils offrent aux ministres de l'Évangile, par deux de nos écrivains les plus illustres, Fénelon et l'abbé Fleury. Je vais donc leur céder ici la parole avec la plus juste déférence: heureux de pouvoir m'appuyer sur leur témoignage, auquel l'estime universelle attache une si grande autorité !

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<< Certaines personnes éclairées, dit Fénelon dans sa Let« tre sur l'Éloquence, ne rendent pas aux Pères une exacte justice. On en juge par quelque métaphore dure de Tertullien, par quelque période enflée de saint Cyprien, par quelque endroit obscur de saint Ambroise, par quelque an<< tithèse subtile et rimée de saint Augustin, par quelque jeu << de mots de saint Pierre Chrysologue. Mais il faut avoir égard au goût dépravé des temps où les Pères ont vécu. << Rome tombait, les études d'Athènes même étaient déchues, « quant saint Basile et saint Grégoire de Nazianze y allèrent. << Les raffinements d'esprit avaient prévalu. Les Pères, élevés par les mauvais rhéteurs de leur temps, étaient en« traînés dans le préjugé universel. C'est à quoi les sages mêmes ne résistent presque jamais. On ne croyait pas qu'il << fût permis de parler d'une manière simple et naturelle. Le <«< monde était alors pour la parole dans l'état où il serait << pour les habits si personne n'osait paraître vêtu d'une « belle étoffe, sans la charger de la plus épaisse broderie. << Suivant cette mode, il ne fallait point parler, il fallait décla« mer. Mais si l'on veut avoir la patience d'examiner les écrits des Pères, on y verra des choses d'un grand prix. Saint Cyprien a une magnanimité et une véhémence qui ressem

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<< blent à la vigueur de Démosthène. On trouve dans saint Chrysostome un jugement exquis, des images nobles, une << morale sensible et aimable. Saint Augustin est tout ensem<«< ble sublime et populaire. Il remonte aux plus hauts principes par les tours les plus familiers; il interroge, il se fait « interroger, il répond. C'est une conversation entre lui et son auditoire. Les comparaisons viennent à propos dissiper « tous les doutes. Il descend jusqu'aux dernières grossièretés de la populace pour les redresser. Saint Bernard a été un prodige dans un siècle barbare. On trouve en lui de la dé«licatesse, de l'élévation, du tour, de la tendresse et de la « véhémence. On est étonné de tout ce qu'il y a de grand et << de beau dans les Pères quand on connaît les siècles où << ils ont écrit. On pardonne à Montaigne des expressions gas«< connes, et à Marot son vieux langage: pourquoi donc ne << veut-on point passer aux Pères l'enflure de leur temps, sous laquelle on trouverait des vérités précieuses exprimées par «<les traits les plus forts? »

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Voici maintenant le jugement que porte le pieux et docte abbé Fleury des mêmes Pères de l'Église :

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« Dans les premiers siècles, dit-il, Mœurs des Chrétiens, « no XI, tous les évêques prêchaient, et il n'y avait guère « qu'eux qui prêchassent. Le prélat expliquait l'Évangile ou quelque autre partie de l'Écriture, dont il prenait souvent << un livre pour l'expliquer de suite; ou bien il en choisissait «< les sujets les plus importants. Leurs discours sont simples, sans aucun art qui paraisse, sans divisions, sans rai<< sonnements subtils, sans érudition curieuse, quelques« uns sans mouvement, la plupart fort courts. Il est vrai «< que ces saints évêques ne prétendaient point être ora<«<teurs ni faire des harangues; ils prétendaient parler fa

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milièrement, comme des pères à leurs enfants et des maî<< tres à leurs disciples. C'est pour cela que leurs discours << se nommaient homélies en grec, et sermons en latin. Ils cherchaient à instruire en expliquant l'Écriture par la tradition des Pères, pour la confirmation de la foi et la cor

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«rection des mœurs. Ils cherchaient à émouvoir, non pas << tant par la véhémence des figures et l'effort de la déclama«tion, que par la grandeur des vérités qu'ils prêchaient, par l'autorité de leurs charges, leur sainteté personnelle, leur charité. Ils proportionnaient leur style à la portée de leurs << auditeurs. Les sermons de saint Augustin sont les plus sim«ples de ses ouvrages, parce qu'il prêchait dans une petite ville, à des mariniers, à des laboureurs, à des mar«< chands. Au contraire, saint Cyprien, saint Ambroise, saint Léon, qui prêchaient dans de grandes villes, parlent << avec plus de pompe et plus d'ornement; mais leurs styles « sont différents, suivant leur génie particulier et le goût de leur siècle. Les ouvrages des Pères grecs sont pour la plupart solides et agréables. Saint Grégoire de Nazianze «< est sublime, et son style travaillé. Saint Chrysostome me paraît le modèle achevé d'un prédicateur. Il commençait d'ordinaire par expliquer l'Écriture, verset par verset, à << mesure que le lecteur la lisait, s'attachant toujours au sens « le plus littéral et le plus utile pour les mœurs. Il finissait par une instruction morale, toujours proportionnée aux be« soins les plus pressants de ses auditeurs, suivant la connaissance qu'en avait ce pasteur, si sage et si vigilant. On « voit même qu'il attaquait les vices l'un après l'autre, et qu'il ne cessait point d'en combattre un qu'il ne l'eût en<< tièrement exterminé ou du moins notablement affaibli.

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On compte parmi les Pères plusieurs écrivains très-savants dans l'antiquité profane, et par là même d'une absolue nécessité pour acquérir la véritable érudition, soit littéraire, soit philosophique, tels que saint Clément d'Alexandrie, Origène, Eusèbe de Césarée, saint Jérôme et saint Augustin. Il faut avouer que dans leurs écrits la pureté du style ne répond pas toujours à l'étendue des connaissances, surtout si on les compare à Cicéron ou à Démosthènes; mais suivant l'équitable règle de critique proposée par Fénelon, et judicieusement développée par l'abbé Fleury', « quand on veut

Second discours.

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apprécier le mérite des Pères de l'Église, il ne faut pas ou« blier le temps et le pays où ils ont vécu : il faut les confron«ter avec leurs contemporains les plus célèbres, saint Am« broise avec Symmaque, saint Basile avec Libanius; et alors « on voit combien ils ont été supérieurs à leur siècle. » Ce sont les Pères de l'Église qui ont été presque les seuls con-. servateurs des lumières et de l'étude de l'antiquité, durant les longs siècles de barbarie où l'Europe a été plongée. Le bon goût, qui devait suivre tôt ou tard la culture des esprits ainsi rapprochés des grands modèles du beau, fut donc, au moins en partie, un de leurs bienfaits, à l'époque si honorable pour le clergé de la renaissance des lettres. Le pape saint Léon, par exemple, est l'un des plus célèbres écrivains latins qui aient illustré cette langue classique, depuis le règne d'Auguste. Son style rappelle l'élocution de Cicéron, et ses tableaux oratoires ont une onction et un éclat qui en reproduisent quelquefois l'éloquence.

En recommandant avec tant d'instance aux candidats de la chaire cette lecture fréquente des Pères de l'Église, je suis loin d'exiger qu'un prédicateur lise toute la tradition : sa vie y suffirait à peine. Mais en les parcourant tous, pour prendre une notion générale des matières qu'ils ont traitées, il pourra se fixer à deux ou trois de ces grands maîtres, qui lui paraîtront plus analogues à son génie; et s'il veut même se borner à leurs écrits oratoires, il y trouvera des idées assez frappantes pour en faire habituellement l'appui de sa doctrine et l'ornement de ses discours.

Les anciens oracles de l'éloquence que doivent préférer nos orateurs sacrés sont, ce me semble, saint Jean Chrysostome, saint Augustin et saint Bernard. Pour exciter plus puissamment à ce profitable usage des Pères de l'Église la pieuse émulation de nos prédicateurs français, nous pouvons remarquer, avec un noble orgueil national, qu'entre tous les saints dont se forme la tradition, l'un des premiers, et le dernier anneau de cette chaîne sacrée, je veux dire saint Irénée, évêque de Lyon, et saint Bernard, abbé de Clairvaux,

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