Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

M. Bierson, dont la folie n'a fait que croître, est inapte à aucun travail lucratif. En France, Henriette demande à ses pinceaux les moyens de servir son père. Dans cette existence laborieuse et toute d'abnégation, elle se trouverait heureuse si la paix lui était laissée. Mais non! M. Bierson est de plus en plus visité par son esprit familier, qui lui indique des trésors enfouis. A chaque instant, il entreprend des excursions, des voyages même pour les déterrer, et jamais la déception de la veille ne prévient l'aberration du lendemain.

Toujours bonne, tendre, résignée, Henriette, sans faire entendre un reproche, une plainte, le suit partout pour le consoler et le protéger. Et pourtant, cette existence nomade, heurtée, a presque tari la source des bénéfices qu'elle trouvait à peindre; la gêne, la dette, la misère sont redevenues les hôtes du foyer. Qui pourrait raconter les miracles accomplis par son amour filial pour épargner une souffrance à ce père infortuné? Et ces dures épreuves vont croissant tous les jours; et depuis le retour d'Italie, elles ont duré QUATORZE ANS, jusqu'au moment où la mort de Bierson vient mettre fin au dévouement de la pauvre Henriette.

Alors, la mémoire de ce père devient l'objet du culte de la fille. Il a laissé des dettes; elle travaille pour les acquitter. Quelque temps auparavant, elle avait perdu sa mère qui avait laissé 6,000 fr. à partager entre trois enfants; Henriette, non contente d'abandonuer sa part à une dame Hébert, parvient à persuader à son frère de suivre son exemple. Bientôt, pourtant, le frère regrette son sacrifice; la sœur le calme en lui promettant de le rembourser peu à peu; et, cette promesse,

elle la tint.

Ce frère est à son tour l'objet du dévouement d'Henriette Bierson. Ancien soldat de l'Empire, échappé des pontons anglais, il est devenu faible et infirme; cela seul suffirait pour lui donner des droits au dévouement de sa sœur, qui se fait institutrice afin de le secourir.

Mais l'abnégation, la pratique de la charité, dans ce qu'elles ont de plus évangélique, sont devenues un besoin de l'âme chez M.lle Bierson. Aussi les attestations, les pièces authentiques jointes à cette notice semblent-elles être des feuilles détachées du divin livre des annales de la vertu.

Ici, un vieux et respectable militaire, le général BaconTacon, tombé dans un état voisin de l'indigence, trouve chez

M.le Bierson des secours que rend plus efficaces encore la tendre délicatesse avec laquelle ils sont offerts. Les ressources de la bienfaitrice sont bien vite épuisées; elle emprunte, elle sollicite, et réussit à entourer de quelque aisance les derniers jours du vieillard.

Là, c'est un réfugié italien, le jeune d'Escrivani, qu'elle visite assidùment à l'hôpital où l'ont confiné la détresse et la maladie. A force de privations qu'elle s'impose, elle parvient à le faire sortir de cet asile que l'orgueil et l'ingratitude affectent si souvent de dédaigner. Le malheureux est atteint d'une maladie organique; pourtant elle le recueille, le soigne, le soutient pendant quatre ans, jusqu'à l'heure prématurée de sa

mort.

Un enfant de 7 ans, Philibert Bourgeois, fils d'une pauvre veuve de Mâcon, est atteint d'une de ces horribles maladies que la misère aggrave: la teigne a fait tomber sa chevelure et profondément attaqué les téguments du crâne. M.lle Bierson s'en charge, le conduit à Paris, l'y fait traiter, le ramène, et, après l'avoir rendu guéri à sa mère, pourvoit pendant dix ans aux frais de son éducation.

Dans les Journées de Juillet 1830, une artiste, M.lle Eugénie Latil, occupée à copier un des tableaux du Luxembourg, s'y trouve cernée par l'insurrection. Les gardiens du palais l'ont enfermée et oubliée depuis 36 heures, et la faim mêle déjà ses angoisses à celles de la terreur. Elle se croit abandonnée! Non; M.lle Bierson, qui la connaît et soupçonne sa détresse, quitte son lit où la retenait la maladie, traverse Paris au milieu de mille dangers, et, à force de peines, rend à la liberté, peut-être à la vie, la pauvre jeune fille.

Une orpheline de Mâcon, par suite de violents chagrins, est atteinte d'une maladie cérébrale. M.lle Bierson lui prodigue ses soins maternels, et la sauve. Puis, la voyant en proie à la misère, au désespoir et assiégée par de pernicieux conseils qui la plongeront dans l'abîme du vice, elle se constitue son ange gardien, l'aide de ses conseils et de ses secours, et, enfin, préserve sa vertu après lui avoir sauvé la vie.

Dans une autre occasion, elle adopte une jeune fille orpheline, la met en pension à St.-Gengoux, et cinq cents francs

qu'elle a ainsi dépensés ne lui semblent pas un prix trop élevé pour la joie qu'elle a retirée de sa bonne action.

Pendant la terrible inondation de 1840, M.lle Bierson a le courage de demeurer dans une maison dont le voisinage des eaux a rendu le séjour fort dangereux. Pendant deux mois elle recueille, console, alimente de nombreuses victimes du fléau; mais elle s'y affaiblit tellement la vue, qu'elle est contrainte de renoncer à la peinture.

Une jeune orpheline, confiée à un tuteur oublieux de ses devoirs, se laisse séduire et enlever par un jeune homme qui fréquentait la maison; M.lle Bierson s'attache aux pas du séducteur, et l'amène à réparer par un mariage l'honneur de la jeune fille.

Mais le tuteur a profité de la faute de sa pupille pour compromettre sa fortune; celle-ci n'oserait affronter la publicité d'un procès qui révèlerait ce qu'elle voudrait elle-même oublier. M.lle Bierson est encore son appui : elle se met à l'œuvre, et, à force de prières et de menaces, elle fait fléchir la déloyale avarice du tuteur.

Ce fait, qui ne saurait comporter de noms propres, est certifié par M. Hippolyte Boussin, de Mâcon, et M. le comte de Chamisso, 4, rue St.-Georges, à Paris.

Un banquier de Mâcon, le sieur Lagrelée, ayant fait de mauvaises affaires, avait été incarcéré; sa famille restait plongée dans le plus affreux dénuement. M.lle Bierson, qui venait de recueillir mille francs par suite du décès de sa sœur, dépense 200 francs pour subvenir aux premiers besoins de la mère et des enfants; puis, elle leur crée une position en achetant pour eux, moyennant 800 francs, le droit d'enseigner la langue française par la méthode Galien.

Dans le cours de l'année 1850, un habitant de Mâcon, le sieur Magnien, égaré par le malheur, abandonne sa famille et part pour la Californie. Il laisse sans ressources une femme et cinq jeunes enfants. M.lle Bierson vient en aide à ces malheureux et ne craint pas d'implorer pour eux la bienfaisance de ses amis. Mais ces secours précaires ne tardèrent pas à manquer. M.lle Bierson se rappelle qu'elle est pourvue d'un brevet d'institutrice: elle prend avec elle M.lle Magnien, se rend dans la commune de Clessé, y ouvre une école dont elle

paie la moitié de la dépense en abandonnant tout le produit à sa protégée. Elle reste là un an; puis, quand M.lle Magnien est à son tour pourvue d'un brevet, M.lle Bierson lui donne l'établissement qu'elle avait fondé et qui suffisait déjà aux besoins de la famille.

Un membre de cette famille (taisons son nom) disait, un jour, de sa bienfaitrice : « Il n'est pas possible de comprendre >> une telle abnégation! M.lle Bierson doit avoir une arrière>> pensée!!! »

Bien à plaindre ceux pour qui les pures manifestations de la vertu sont d'impénétrables mystères ! Au reste, n'est-il pas trop souvent dans la destinée des âmes généreuses et saintes de provoquer la méconnaissance, l'ingratitude et même la calomnie? Heureusement, Dieu a permis qu'elles trouvassent en elles-mêmes leur plus douce récompense.

Après la lecture de cette Notice, le secrétaire perpétuel continue en ces termes :

<< Tel est, Messieurs, le résumé affaibli, décoloré incomplet, des principaux traits de vertu qui ont ennobli la longue carrière de M.lle Bierson. Combien, toutefois, n'en est-il pas d'autres plus héroïques, suivant l'expression de M. le curé Narjoux, et qui doivent rester environnés de ce pieux mystère recommandé par l'Evangile? Combien d'autres encore qui ne sont pas de nature à être livrés à la publicité? Je ne saurais non plus consigner ici les actes innombrables de charité sublime qui marquent chaque jour de la vie de M.lle Bierson; qui ne sait, d'ailleurs, qu'elle a résolu le problème incompréhensible d'allier à sa pauvreté, voisine de la misère, la pratique d'une bienfaisance et d'une générosité inépuisables?

» Naguère, Messieurs, elle sollicitait de cette honorable compagnie une solennelle attestation de ses mérites, non pour s'en décorer, mais pour en extraire les moyens de réussir dans un nouvel acte de haute charité que son cœur méditait. De même, chacun de nous doit être profondément convaincu que le prix Monthyon, ambitionné aujourd'hui pour elle par ses amis, deviendrait entre ses mains une source féconde d'actions généreuses, et qu'elle ne se

considérerait que comme ayant eu l'honneur d'être choisie par l'Institut pour devenir la dispensatrice de ses bienfaits.

>> Permettez-moi donc de terminer en m'associant chaleureusement à la demande de MM. H. Boussin et Ch. Rolland. >>

La Société, après une longue et intéressante discussion, prend à l'unanimité la délibération suivante :

« L'Académie de Mâcon, se plaisant à rendre hom>> mage aux grands et nombreux mérites de M.lle Bierson, >> renouvelle le vœu que l'Institut la juge digne d'un des >> prix fondés par M. de Monthyon.

» Elle ordonne qu'un extrait du procès-verbal de cette » séance soit remis à M.lle Bierson avec la signature des >> membres du bureau. >>

La séance est levée.

Conformément aux intentions de l'Académie, une copie du présent procès-verbal a été remise à M.lle Bierson. Cette copie, revêtue du timbre et du sceau de la société, portait les signatures suivantes :

CH. DE LACRETELLE, président.
E. FOURNIER, vice-président.
J. PARSEVAL, vice-président.

L. LENORMAND, secrétaire perpétuel.
J. DUNAND, secrétaire adjoint.
CH. PELLORCE, secrétaire adjoint.
L. VINSAC, trésorier.

[merged small][graphic]
« ZurückWeiter »