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France (même dans de légers fragmens), voilà ce que l'on n'aurait jamais espéré il y a quinze années, et cet esprit de compréhension universelle et tolérante est le signe caractéristique d'un temps où les créations grandes sont rares, où l'intelligence éclectique domine.

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J'ai traversé les trois royaumes. J'ai vu la Grande-Bretagne, accablée du poids de son ennui, de sa dette et de sa richesse; l'Irlande, soumise au plus cruel esclavage par la patrone des libertés constitutionnelles : l'Écosse et ses savans, ses rochers et ses femmes blanches comme la neige

qui couvre ses monts. J'ai vu ces trois îles, aussi éloignées du reste de la civilisation qu'elles étaient isolées de l'ancien monde.

Plusieurs années de ma jeunesse passées dans ces brouillards, souvent pittoresques, toujours tristes, m'ont offert le moyen d'observer les seuls hommes qui, balançant l'aristocratie avec la royauté, aient fait du peuple le fléau de la balance. Là, malgré tout, c'est encore l'esprit national qui occupe le sommet.

Quelques vices moraux pèsent sur l'atmosphère anglaise (1).

Le premier est l'hypocrisie religieuse (Cant). On est dévot par ton et par mode, et la société est en proie à une sorte de pruderie incommode qui ne laisse un jeu naturel et libre ni aux sentimens ni aux idées.

Le second est une habitude de morgue muette, insociale et dédaigneuse, adoptée par le plus grand nombre des Anglais. A voir ces hommes si gonflés et si vides, vous diriez ces vastes perruques

(1) Ces observations se rapportent à l'espace de temps qui s'est écoulé de 1815 à 1825. Depuis cette époque, les mœurs de la société anglaise ont subi une variation sensible.

étalées sur une tête de bois, et dont la bouffissure insolente cache une vaste nullité.

Le premier de ces vices corrompt la franchise des mœurs, et le second en détruit le charme. Trop souvent une femme dans toute la fraîcheur et l'éclat de la jeunesse, mais silencieuse et réservée jusqu'à l'impertinence, ou un jeune homme apportant à la société son contingent d'ennui et d'arrogance sombre, vous feront regretter les salons de Paris, ou l'abandon de la société italienne.

Ne blâmez pas trop hautement ce peuple insociable. Cette insociabilité a ses vertus. L'originalité du caractère, l'entier dévouement à une opinion adoptée et choisie; la fermeté, la virilité, l'énergie, ne peuvent se former et se développer dans les pays où tout le monde dépend de tout le monde, où tout le monde est flatteur et flatté, où la gloire se fabrique à dîner, où l'on préfère à la vérité d'une affection bien sentie le mensonge d'une politesse agréable.

L'orgueil aristocratique est à son comble en Angleterre ; et ce qui est très remarquable, c'est que l'esprit national n'en souffre pas. En Angle

terre, la passion générale, c'est le besoin de liberté; en France, le besoin d'égalité.

La révolution française est née de l'indignation des classes inférieures qui se sentaient ravalées; la révolution anglaise est née du besoin général d'une sécurité établie sur des bases inébranlables.

L'orgueil anglais veut vivre indépendant; la vanité française veut vivre l'égale de tout ce qui l'entoure.

On comprend encore assez mal en France le principe constitutionnel; on y comprend très bien l'égalité naturelle de tous les hommes. Eu France, un tribun du peuple, pour produire son effet, rappelle d'odieux priviléges, nés de supériorités usurpées. Hunt, en Angleterre, entretient la multitude de sa sécurité réelle et personnelle, que rien ne peut, dit-il, établir si ce n'est la Réforme. C'est l'intérêt des masses qui a fait la Réforme anglaise ; c'est l'amour-propre qui a fait la révolution de France.

Des exécutions silencieuses, des révoltes dirigées avec ordre, des fêtes populaires et muettes, une énergie républicaine sous le manteau de

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