Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

salue ces champs et ces monts inconnus (6); il veut sacrifier à Jupiter: il ordonne à ses compagnons d'aller puiser, dans des sources vives, une eau pure pour les libations (7).

Non loin s'éleve une antique forêt que le fer a toujours respectée; dans son épaisse profondeur est un antre couvert de ronces et d'arbrisseaux des pierres grossieres en arc disposées, forment son humble entrée. Il en sort une onde abondante; et c'est là qu'est la retraite du dragon de Mars: sa tête est couverte d'une crête dorée ; de ses yeux jaillissent des feux dévorants; tout son corps est gonflé de venin (8); sa gueule, armée de trois rangs de dents aiguës, agite rapidement un triple dard (9).

Les Tyriens ont à peine percé la sombre horreur de ce bois funeste; à peine l'urne plongée a retenti dans l'onde; le dragon à l'écaille d'azur éleve sa tête hors de l'antre, et pousse d'horribles sifflements: l'urne échappe aux tremblantes mains des compagnons de Cadmus ; leur sang se glace; une terreur soudaine les a frappés. Le monstre se plie et se replie précipitamment en cercles redoublés; il s'alonge, et ses anneaux déroulés forment un arc immense: de la moitié de sa hauteur il se dresse dans les airs, et son œil domine sur toute

Sacra Jovi facturus erat: jubet ire ministros,
Et petere è vivis libandas fontibus undas.

Silva vetus stabat, nullâ violata securi. Est specus in medio virgis ac vimine densus, Efficiens humilem lapidum compagibus arcum; Uberibus fœcundus aquis. Hoc conditus antro Martius anguis erat, cristis præsignis et auro. Igne micant oculi; corpus tumet omne veneno: Tresque vibrant linguæ: triplici stant ordine dentes.

Quem postquam Tyrià lucum de gente profecti Infausto tetigere gradu; demissaque in undas Urna dedit sonitum; longo caput extulit antro Cæruleus serpens; horrendaque sibila misit. Effluxere urnæ manibus: sanguisque relinquit Corpus, et attonitos subitus tremor occupat artus. Ille volubilibus squamosos nexibus orbes Torquet, et immensos saltu sinuatur in arcus: Ac media plus parte leves erectus in auras

la forêt (10); et quand on le voit tout entier, il paroît aussi grand que le dragon céleste qui sépare les deux Ourses.

Soudain, soit que les Phéniciens se disposassent au combat, ou à la fuite; soit qu'immobiles d'effroi, la fuite ou le combat leur devînt impossible, le monstre s'élance sur eux, et les déchire par ses morsures, ou les étouffe pressés de ses noeuds tortueux, ou les tue de son haleine et de ses poi

sons.

Déja le soleil au milieu de sa course avoit rétréci l'ombre dans les campagnes, lorsque le fils d'Agénor, inquiet du retard de ses compagnons, marche sur leurs traces couvert de la dépouille du lion (11), armé d'une lance et d'un javelot; mais plus fort encore de son courage supérieur à sa lance et à ses traits : il pénetre dans la forêt ; il voit ses soldats expirants, et l'affreux serpent qui, sur leurs corps étendu, de sa langue sanglante avec avidité suçoit leurs horribles blessures. Soudain il s'écrie: «< Amis fideles! je vais vous « suivre ou vous venger ». Il dit ; et soulevant une roche énorme (12), il lance avec un grand effort cette pesante masse dont le choc eût ébranlé les tours les plus élevées, et fait crouler les plus fortes murailles. Il atteint le monstre et ne le blesse

Despicit omne nemus: tantoque est corpore, quanto, Si totum spectes, geminas qui separat Arctos.

Nec mora: Phonicas (sive illi tela parabant, Sive fugam; sive ipse timor prohibebat utrumque) Occupat; hos morsu, longis complexibus illos : Hos necat afflatos funesti tabe veneni.

Fecerat exiguas jam sol altissimus umbras:
Quæ mora sit sociis miratur Agenore natus;
Vestigatque viros. Tegimen derepta leoni
Pellis erat: telum splendenti lancea ferro,
Et jaculum; teloque animus præstantior omni.
Ut nemus intravit, letataque corpora vidit;
Victoremque supra spatiosi corporis hostem
Tristia sanguineà lambentem vulnera linguâ :
Aut ultor vestræ, fidissima corpora, mortis,
Aut comes, inquit, ero. Dixit : dextrâque molarem
Sustulit; et magnum magno conamine misit.
Illius impulsu cum turribus ardua celsis

Mœnia mota forent. Serpens sine vulnere mansit.
Loricæque modo squamis defensus, et atræ

Duritia pellis, validos cute reppulit ictus.

pas: d'épaisses écailles lui servent de cuirasse et repoussent le coup; mais elles ne sont point impénétrables au javelot, qui, s'enfonçant au milieu de la longue et flexible épine du dragon, descend tout entier dans ses flancs.

Rendu plus terrible par la douleur, il replie sa tête sur son dos, regarde sa blessure, mord le trait qui l'a frappé, le secoue, l'ébranle, et semble près de l'arracher; mais le fer qui pénetre ses os, y demeure attaché: alors sa plaie ajoute encore à sa rage ordinaire; son col se grossit par ses veines gonflées; une blanchâtre écume découle abondamment de sa gueule empoisonnée. La terre retentit au loin du bruit de son écaille: semblable aux noires exhalaisons du Styx, son haleine infecte les airs: tantôt, se repliant sur lui-même, il décrit des cercles divers; tantôt déroulant ses vastes nœuds, tel qu'un long chêne, il s'éleve et s'étend: soudain, s'élançant comme un torrent grossi par les pluies, il renverse les arbres qui s'opposent à ses efforts. Cadmus recule lentement, l'évite, soutient ses attaques avec la dépouille du lion qui le couvre, et de la pointe de son dard écarte sa gueule menaçante. Cependant le dragon furieux fatigue, brise, en impuissants efforts, ses dents sur l'acier qui le déchire. Déja la terre se souilloit, et l'herbe étoit teinte du sang qui

« ZurückWeiter »