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c'était lui qui l'eût portée, il dépendrait de lui de l'abroger, et tout aussitôt le remords cesserait. Mais voici que lorsqu'il essaie de nier cette loi, il ne s'en croit pas lui-même, et il est forcé de nier sa négation. Bien plus: que ses semblables osent l'approuver, qu'ils aillent jusqu'à l'applaudir, au premier moment, ce bruit extérieur assourdira peut-être le coupable et étouffera la voix de sa conscience. Mais vienne le silence, ou la disgrâce, ou l'abandon, non-seulement il méprisera ses flatteurs, mais il se méprisera lui-même d'autant plus qu'il les aura plus écoutés. Or, si la désapprobation de lui-même s'impose au coupable de par la loi morale, et si, comme nous l'avons plus haut montré, la loi morale n'est que l'ordre imposé à la liberté par une volonté infiniment parfaite, le remords, en sa partie intellectuelle, prouve Dieu comme l'effet prouve sa cause. Une analyse pareille appliquée, en sens inverse, au jugement que l'homme qui a bien fait porte sur lui-même, aboutirait à un pareil résultat.

Passons maintenant à l'élément du phénomène qui se rapporte à la sensibilité. En même temps que le coupable se condamne, il souffre, et l'on sait à quel degré de violence peut aller ce genre de douleur. Cette cuisante souffrance, est-ce le méchant qui volontairement se l'inflige? S'il était maître de se l'infliger, il serait également maître d'y échapper. On prétend que certains hommes réussissent à s'y sonstraire comment prouve-t-on cela? Ce qui se passe au fond de l'âme d'un scélérat en apparence impassible, qui le sait? Admettons au surplus l'existence de quelques monstruosités morales, que s'en suivra-t-il contre la vérité d'une loi proclamée par la conscience universelle? Laissons ces

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exceptions qui ne sont point assez prouvées. Demandonsnous plutôt de quoi souffre au juste le coupable en proie au remords. Fût-il en sûreté, n'eût-il rien à redouter de la justice des hommes, il souffrirait encore, au moins par instants, d'avoir violé l'ordre moral. Cet ordre moral, il en a donc l'idée. Cette idée, il ne l'a point créée; ses semblables ne l'ont pas crée plus que lui. Redisons-le une dernière fois la loi non écrite, comme l'appelait Socrate, n'est point une œuvre humaine; c'est une œuvre divine, un type divin qui nous sert à juger les lois humaines, reflets plus ou moins pâles de cette sublime lumière. Mais la peine du remords est la conséquence de la loi suprême violée, et violée parce qu'elle a été connue. Le remords prouve la conception de la loi morale, et la conception de la loi morale prouve le Dieu juste qui la révèle à notre raison. Et la même méthode ferait sortir la même conclusion de l'étude du phénomène qui porte le nom de satisfaction de la conscience.

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Rattachés ainsi à leur cause première, ces deux grands faits de notre vie intérieure, le remords et la satisfaction de conscience, acquièrent une importance métaphysique considérable. A ce point de vue, ils apparaissent comme les effets d'une puissance divine qui, par notre raison qu'elle éclaire et par notre sensibilité qu'elle émeut, exerce son action jusque sur notre liberté, sans toutefois la contraindre. Ce n'est plus ici seulement l'intelligence, c'est l'homme intérieur tout entier qui montre la marque de l'ouvrier empreinte sur son œuvre.

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Nous ne pousserons pas plus loin cette recherche. Les

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précédentes analyses suffisent au dessein que nous nous

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étions proposé. Il ne nous reste donc plus qu'à les résumer et à conclure brièvement.

L'observation psychologique découvre au fond de la conscience un ensemble de faits qui tous ont un commun caractère et doivent être nommés faits religieux. Ces phénomènes qui appartiennent à nos trois facultés, ont pour principe la conception de l'être parfait. En effet, selon que cette conception demeure obscure, s'éclaircit ou se voile, les phénomènes religieux sommeillent, s'éveillent et s'exaltent, ou semblent s'évanouir. Mais la conception de l'être parfait exige une cause nécessaire qui ne peut être que la perfection infinie réellement existante. C'est donc Dieu qui, par l'idée de lui-même qu'il a imprimée dans notre raison, produit en nous les phénomènes qui croissent ou décroissent comme la clarté de cette idée. Ces phénomènes religieux proclament ainsi l'existence réelle de la perfection, comme l'effet proclame sa cause.

Nous voudrions avoir réussi à établir solidement ces conclusions. Ce ne serait pas, sans doute, avoir composé, pas même esquissé une théodicée. Mais ce serait peut-être avoir mis en lumière toute l'énergie féconde et par conséquent toute la valeur objective de la conception du parfait : ce serait peut-être aussi avoir montré que l'idéal divin est vraiment un Dieu vivant.

Ch. LÉVÊQUE.

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L'ABOLITION

DE LA FÉODALITÉ

ET DES DROITS SEIGNEURIAUX EN FRANCE (1).

V.

Soulèvements ET DÉCRETS D'AOut.

Quand il faut toucher aux lois qui règlent les intérêts, il y a toujours trop loin du fond de la société à sa surface; en haut et en bas les intérêts ne sont pas semblables ou ne se voient pas du même point. Dans les pays libéraux et dans les temps réguliers, les plus préparées et les mieux consenties des réformes pareilles n'ont pu s'opérer sans qu'on s'y reprît à plusieurs fois; dans les pays et les époques où les institutions ou bien les mœurs accroissent encore la distance, nonseulement les délais, mais les révoltes et les abus de la force ont toutes les occasions de surgir.

C'est ce qui arriva en France par rapport au régime féodal. L'histoire ne regrettera jamais assez que l'ardente dénonciation portée par les censitaires devant les assemblées de bailliage, ne répondit pas à une enquête ouverte plus tôt. A quarante années en arrière, les choses se fussent accomplies dans le calme et sans précipitation; maintenant, il était difficile qu'elles eussent des suites mesurées. Par cela même que cette enquête venait si tard, elle avait l'ardeur et le mouvement que les révolutions suscitent. Si les résultats qu'on

(1) V. t. LXXI, p. 359.

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