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bien porter la voile, de bien aller de l'avant, & de bien gouverner, & cela en faifant les vaiffeaux un peu plus longs qu'ils n'étoient anciennement, fans augmenter autant cette dimenfion qu'on l'a fait dans quelques vaiffeaux.

X II I.

On peut faire un Vaiffeau fin voilier, fans rien perdre fur fes autres qualités.

Quelques Conftructeurs perfuadés qu'il faut beaucoup pincer les vaiffeaux à l'avant, pour en faire de bons voiliers, & à l'arriere pour qu'ils gouvernent bien, tiennent leurs varangues courtes & acculées, élevent leurs façons, tant à l'arrière qu'à l'avant, & rapprochent toutes les lignes d'eau de l'axe de leurs vaiffeaux. Si ceux-là n'augmentent pas le creux ou la longueur, ils perdent immanquablement fur la batterie, & c'est un écucil où l'on échoue fouvent; fi pour l'éviter on renfle les gabaris du milieu, on fait encore de très mauvais vaiffeaux; car n'ayant point de foutien aux extrêmités, les mouvemens de tangage font grands & fréquens, les liaisons fatiguent & les extrêmités baiffent. De plus, les lignes d'eau qu'une telle figure peut produire, ne font pas propres à divifer le fluide avec facilité. Il faut donc conferver des capacités fuffifantes dans toute l'étendue du vaiffeau; en les alongeant un peu plus qu'ils n'étoient anciennement, on éviteroit les écueils dont on vient de parler, & on leur procureroit des mouvemens doux fans diminuer beaucoup leur marche. Car il eft faux qu'un vaiffeau ait d'autant plus de facilité à fendre l'eau, qu'il a moins de capacité, puifqu'au moyen de la longueur on peut beaucoup diminuer la réfiftance du fluide. Une chofe qu'on doit regarder comme démontrée, c'est que fi la proue avoit la figure d'un cone, elle diviseroit l'eau avec moins de facilité qu'elle le fait étant renflée la courbure qu'on donne à fes côtés, comme il se pratique dans tous les vaiffeaux,

par

XI V.

On peut faire un bon boulinier fans perdre les autres bonnes qualités.

Il y en a qui prétendent que, pour faire un vaiffeau qui dérive peu, il faut retrancher une partie du foutien qu'ildoit avoir en avant, proportionnellement à celui de l'arriere: il peut être vrai qu'un vaiffeau maigre de l'avant dérive peu; mais je penfe qu'on lui peut procurer cet avantage fans s'écarter de deffein prémédité du balancement de l'avant à l'arriere, fans faire exprès un vaisseau qui tangue rudement, & qu'on eft obligé de mettre fur le nez quand on court vent arriere, au rifque de rendre les canons de l'avant prefque hors de fervice.

Effectivement, que faut-il pour faire un bon boulinier? Il faut que le vaiffeau éprouve la moindre réfistance poffible fur fon avant, & la plus grande fur le côté, principa lement à la partie de l'avant : ainfi fuppofant que les lignes d'eau de l'avant foient les plus favorables pour divifer le fluide, pour donner au vaiffeau du foutien fur le côté, il n'y a qu'à ne pas porter l'élancement à l'excès, non plus que la différence de tirant d'eau de l'avant à l'arriere, tenir le vaisseau un peu plus long qu'on ne faifoit anciennement, & avec cela, fans tomber dans aucun excès, la carene aura tout ce qu'il faut pour tenir le vent & naviguer au plus près, pourvu qu'on ait l'attention de faire l'accaftillage bas, & de diftribuer la mâture d'une façon convenable. Concluons donc qu'on peut donner à un vaisseau la qualité de dériver peu, en lui confervant une belle batterie, une marche avantageufe vent arriere, & la propriété de bien porter la voile: celle de gouverner pourra même être confervée, fi on donne un peu d'élancement, de différence de tirant d'eau, & fi l'on parvient à ménager une belle coulée d'eau à l'arriere avec toutes les autres conditions dont nous avons fait mention en parlant du gouvernail. Comme dans notre fuppofition les lignes d'eau

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auront peu de convexité fur leur côté, il est clair qu'un bon constructeur peut allier la propriété de dériver peu, avec celle de gouverner; & fi de célebres conftructeurs ont perdu le balancement, pour donner à leurs vaisseaux la qualité de tenir le vent, il n'en faut conclure autre chofe, finon qu'ils ont suivi une mauvaise route.

REMARQUE.

1°. Quand un constructeur a fait tous les efforts pour donner à un vaiffeau toutes les qualités qu'on peut defirer, fi, lorsqu'il eft conftruit, il fe trouvoit avoir quelques dé. fauts, on les pourroit corriger en partie par l'arrimage: c'est une ressource dont les officiers font fouvent un bon usage; mais elle est délicate; car il arrive qu'en voulant corriger un défaut peu important, on fait perdre à un vaiffeau des qualités plus effentielles.

2o. Quand nous avons répété tant de fois qu'il eft important que les vaiffeaux foient ras & légers par les hauts, nous avons toujours eu en vue les vaiffeaux deftinés pour la courfe, qui doivent, pour ainfi dire, être des oiseaux, & à qui l'avantage de la marche eft de la plus grande conféquence pour être toujours les maîtres de donner ou de prendre chaffe avec avantage, fuivant les circonstances qui fe préfentent. Nous raifonnerions différemment, s'il étoit question d'un vaiffeau de ligne, qui étant une fortereffe flottante, doit être fort de bois, & avoir un peu d'élévation, pour n'être point dominé par le vaiffeau ennemi.

3o. Après ce qui vient d'être dit, on conviendra, je crois, qu'il n'est point impoffible de concilier dans un mếme vaiffeau, toutes les qualités que nous avons dit qu'on pouvoit defirer; & ce qui prouve bien cette poffibilité, c'eft l'expérience que l'on a qu'il s'eft trouvé des vaiffeaux où toutes ces qualités étoient raffemblées à un degré aflez éminent : s'il y a des vaiffeaux qui s'en écartent confidéya rablement, c'est la faute des conftructeurs qui n'ont pas suffisamment étudié les regles ou les principes de leur art Après avoir excepté quelques constructeurs anciens qui

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font nés avec des difpofitions heureufes, & plufieurs modernes qui, inftruits des Mathématiques, ont véritablement travaillé au progrès de la conftruction, on peut dire, fans blesser la vérité, que la plûpart ont mis toute leur application à copier les vaiffeaux qu'ils eftimoient être bons. Ces méthodes méchaniques & ferviles, qu'ils ont mal-àpropos trop généralisées,ont produit toutes ces prétendues regles de proportion, toutes ces méthodes pour former le maître couple, pour réduire les autres, pour tracer les gabaris, &c, que chaque conftructeur effayoit de conferver à fa famille.

Quelle petiteffe! C'eft comme fi un grand Architecte vouloit cacher ou faire myftere des proportions des ordres d'Architecture; ces proportions font entre les mains de tout le monde : combien y a-t'il de ceux qui les connoiffent, qui foient capables de faire un beau portail, un bel arc de triomphe, &c? de même quand toutes les méthodes pour tracer un maître couple, pour réduire les autres, feroient connues de tous les éleves, il n'y en aura pas plus de bons Conftructeurs. Il faut autre chofe que ces regles méchaniques, il faut raisonner fur ce que l'on fait, & pour raisonner conféquemment, il faut de la Phyfique, des Mathématiques, il faut fçavoir la méchanique des folides & celle des fluides, & tellement combiner fon objet, qu'on parvienne (en procurant à fon vaiffeau une bonne qualité) à ne pas lui en occafionner une mauvaise.

Je fuppofe un homme qui ait recueilli dans fon portefeuille les plans exacts d'un nombre prodigieux de vaiffeaux, & que les bonnes qualités & les défauts de ces vaiffeaux foient marqués avec toute l'équité & le difcernement poffibles; ce tréfor, qu'il n'eft pas aifé de fe procurer avec l'exactitude & la fidélité que je demande, feroit d'un grand fecours à qui fçaura, à l'aide d'un calcul précis, reconnoître d'où procedent les défauts de chaque plan, & comment y remédier. Celui-ci, par exemple, va bien de l'avant, mais fa batterie eft noyée. Si le Conftructeur, qui n'a point de principes, parvient à relever la batterie,

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ce fera fouvent aux dépens de la marche; au contraire celui qui a des principes, ayant connu par le calcul de combien la réfiftance du fluide eft diminuée fur la de ce vaiffeau, aura grande attention, en augmentant les capacités précisément de la quantité que le calcul lui a indiqué être néceffaire, de ne pas augmenter la résistance du fluide. Le premier (& cela eft arrivé fréquemment) augmentera d'abord la largeur, d'où, par une fuite de fes regles pratiques, ou de fa routine, s'enfuivra une augmentation proportionnelle des œuvres-mortes, de la mâture, de la garniture, &c; & ce vaiffeau fera plus grand, fans avoir la batterie plus élevé : l'autre conftructeur, ou diminuera du poids des hauts, fi la chofe eft poffible & fi le fort le permet, ou il n'augmentera qu'une feule dimenfion; & fi c'étoit la longueur, le vaiffeau en deviendroit encore meilleur voilier.

Nous l'avons déja dit, s'il n'y avoit à réunir dans un vaiffeau que deux qualités, une longue expérience éclairée d'une faine judiciaire, pourroit conduire bien près de la perfection: mais comme il y a cinq ou fix objets à comparer, la difficulté augmente; c'est-là néanmoins ce qu'on peut avec raison appeller la science de la conftruction, & tout homme qui ne fuit pas cette route, ne mérite pas le nom de Constructeur : c'est un imitateur fervile & souvent infidele. La fcience du Constructeur ne fe borne cependant pas à ce que nous venons de dire; on doit exiger encore quelque chofe de plus, c'est d'être en état de conftruire des bâtimens qui fatisfaffent à différens projets : pour entrer dans cette rade, il faut un bâtiment qui tire peu d'eau; on veut une flûte qui foit d'un grand port, qui aille bien, & qui puiffe naviguer avec peu de monde; on a quelquefois befoin de bâtiment à rame ; les uns doivent naviguer dans des endroits où la mer eft groffe; d'autres fur des eaux dormantes; d'autres dans des rivieres où y a beaucoup de courant. Il s'agit dans certaines occafions de bâtimens qui n'ont à porter, ni artillerie, ni marchandifes, mais qui doivent aller très-vîte; ce vaiffeau

il

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