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obtint leur reconnaissance : c'était madame de Soulanges qu'elles firent depuis nommer abbesse de Royal-Lieu (1). Elles s'occupèrent aussi de l'avancement des neveux de cette dame; ceux de la mère Mac-Carthy qui les avait lâchement gâtées, portèrent long-temps le mousqueton de garde-du-roi à la porte de Mesdames, sans qu'elles songeassent à leur fortune.

Quand Mesdames, encore fort jeunes, furent revenues à la cour, elles jouirent de l'amitié de monseigneur le dauphin, et profiterent de ses conseils. Elles se livrèrent avec ardeur à l'étude, et y consacré

(1) Cette femme vertueuse mourut victime des fureurs révolutionnaires. Elle et ses nombreuses sœurs furent conduites le même jour à l'échafaud. En partant de la prison, sur la fatale charrette, toutes entonnèrent le Veni creator. Arrivées au lieu du supplice, elles n'interrompirent point leurs chants: une tête tombait, et cessait de mêler sa voix à ce choeur céleste; mais les chants continuaient. L'abbesse périt la dernière, et sa voix restée seule, toujours plus sonore, fit toujours entendre le pieux verset. Elle cessa tout-à-coup; c'était le silence de la mort.

(Note de madame Campan.)

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rent presque tout leur temps; elles parvinrent à écrire correctement le français et à savoir très-bien l'histoire. Madame Adélaïde, surtout, eut un désir immodéré d'apprendre ; elle apprit à jouer de tous les instrumens de musique, depuis le cor (me croira-t-on ? ) jusqu'à la guimbarde. L'italien, l'anglais, les hautes mathématiques, le tour, l'horlogerie, occupèrent successivement les loisirs de ces princesses. Madame Adélaïde avait eu un moment une figure charmante; mais jamais beauté n'a si promptement disparu que la sienne. Madame Victoire était belle et très-gracieuse; son accueil, son regard, son sourire étaient parfaitement d'accord avec la bonté de son ame. Madame Sophie était d'une rare laideur ; je n'ai jamais vu personne avoir l'air si effarouché : elle marchait d'une vitesse extrême, et pour reconnaître, sans les regarder, les gens qui se rangeaient sur son passage, elle avait pris l'habitude de voir de côté, à la manière des lièvres. Cette princesse était d'une si grande timidité, qu'il était possible` de la voir tous les jours, pendant des années,

sans l'entendre prononcer un seul mot. On assurait cependant qu'elle montrait de l'esprit et même de l'amabilité dans la société de quelques dames préférées; elle s'instruisait beaucoup, mais elle lisait seule; la présence d'une lectrice l'eût infiniment gênée. II y avait pourtant des occasions où cette princesse, si sauvage, devenait tout-à-coup affable, gracieuse, et montrait la bonté la plus communicative; c'était lorsqu'il faisait de l'orage : elle en avait peur, et tel était son effroi, qu'alors elle s'approchait des personnes les moins considérables; elle leur faisait mille questions obligeantes; voyaitelle un éclair, elle leur serrait la main; pour un coup de tonnerre, elle les eût embrassées; mais le beau temps revenu, la princesse reprenait sa roideur, son silence, son air farouche, passait devant tout le monde sans faire attention à personne, jusqu'à ce qu'un nouvel orage vînt lui ramener sa peur et son affabilité.

Mesdames avaient trouvé dans un frère chéri, dont les hautes vertus sont connues de tous les Français, un guide pour tout ce

qu'exigeait une éducation trop négligée dans leur enfance. Elles eurent dans leur auguste mère, Marie Leckzinska, le plus noble modèle de toutes les vertus pieuses et sociales; par ces éminentes qualités, par sa modeste dignité, cette princesse voilait les torts que trop malheureusement on était autorisé à reprocher au roi; et tant qu'elle vécut, elle conserva, à la cour de Louis XV, cet aspect digne et imposant qui seul entretient le respect dû à la puissance. Les princesses ses filles furent dignes d'elle; et, si quelques êtres vils essayèrent de lancer contre elles les traits de la calomnie, ils tombèrent aussitôt repoussés par la haute idée qu'on avait de l'élévation de leurs sentimens et de la pureté de leur conduite.

Si Mesdames ne s'étaient pas imposé un grand nombre d'occupations, elles eussent été très à plaindre. Elles aimaient la promenade et ne pouvaient jouir que des jardins publics de Versailles : elles auraient eu du goût pour la culture des fleurs, et n'en pouvaient avoir que sur leurs fenê

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La marquise de Durfort, depuis duchesse de Civrac (1), avait procuré à madame Victoire les douceurs d'une société aimable. La princesse passait presque toutes ses soirées chez cette dame, et avait fini par s'y croire en famille.

Madame de Narbonne s'était de même empressée de rendre sa société intime agréable à madame Adélaïde.

Depuis plusieurs années, madame Louise vivait très-retirée; je lui faisais la lecture cinq heures par jour; souvent ma voix se ressentait des fatigues de ma poitrine; la princesse me préparait de l'eau sucrée, la plaçait auprès de moi, et s'excusait de me faire lire si long-temps sur la nécessité d'achever un cours de lecture qu'elle s'était prescrit.

Un soir, pendant que je lisais, on vint lui dire que M. Bertin, ministre des parties

(1) La duchesse de Civrac, grand'mère de deux héros de la Vendée, Lescure et La Rochejaquelein, par le mariage de sa fille aînée avec M. d'Onissan; et de l'infortuné Labédoyère, par le mariage de sa seconde fille avec M. de Chastellux.

(Note de madame Campan.)

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