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remarqué qu'il en savait un grand nombre, et on pensait qu'il les apprenait avec ses maîtresses; peut-être aussi s'était-il amusé à les chercher dans les dictionnaires. Si ces. façons de parler triviales trahissaient ainsi les habitudes et les goûts du roi, ses manières ne s'en ressentaient nullement : sa démarche était aisée et noble; il portait sa tête avec beaucoup de dignité; son regard, sans être sévère, était imposant; il joignait à une attitude vraiment royale une grande politesse, et saluait avec grâce la moindre bourgeoise que la curiosité attirait sur son

passage.

Il était fort adroit à faire certaines petites choses futiles sur lesquelles l'attention ne s'arrête que faute de mieux; par exemple, il faisait très-bien sauter le haut de la coque d'un œuf d'un seul coup de revers de sa fourchette: aussi en mangeait-il toujours à son grand couvert, et les badauds qui venaient le dimanche y assister, retournaient chez eux, moins enchantés de la belle figure du roi, que de l'adresse avec laquelle il ouvrait ses œufs.

Dans les sociétés de Versailles, on citait avec plaisir quelques réponses de Louis XV qui prouvaient la finesse de son esprit et l'élévation de ses sentimens. Elles ont été placées dans les recueils d'anecdotes, et sont généralement connues,

Ce prince était encore aimé; on eût désiré qu'un genre de vie, convenable à son âge et à sa dignité, vînt enfin jeter un voile sur les égaremens du passé, et justifier l'amour que les Français avaient eu pour sa jeunesse. Il en coûtait de le condamner sévèrement. S'il avait établi à la cour des maîtresses en titre, on en accusait l'excessive dévotion de la reine. On reprochait à Mesdames de ne point chercher à prévenir le danger de voir le roi se composer une société intime chez quelque nouvelle favorite. On regrettait madame Henriette, sœur jumelle de la duchesse de Parme; cette princesse avait eu de l'influence sur l'esprit du roi; on disait que, si elle eût vécu, elle se serait occupée de lui procurer des amusemens au sein de sa famille; qu'elle aurait suivi le roi dans ses petits voyages, et aurait

fait les honneurs de ces petits soupers qu'il aimait à donner dans ses appartemens intérieurs.

Mesdames avaient trop négligé les moyens de plaire au roi, mais on pouvait en trouver la cause dans le peu de soins qu'il avait accordés à leur jeunesse.

Pour consoler le peuple de ses souffrances et fermer les yeux sur les véritables déprédations du Trésor, les ministres faisaient de temps en temps peser sur la maison du roi et même sur les dépenses personnelles, les réformes les plus exagérées.

Le cardinal de Fleury, qui, à la vérité, eut le mérite de rétablir les finances, poussa ce système d'économie au point d'obtenir du roi de supprimer la maison et l'éducation des quatre dernières princesses. Elles avaient été élevées, comme simples pensionnaires, dans un couvent, à quatrevingts lieues de la cour. La maison de SaintCyr eût été plus convenable pour recevoir les filles du roi ; le cardinal partageait probablement quelques-unes de ces préventions qui s'attachent toujours aux plus utiles insti

tutions, et qui, depuis la mort de Louis XIV, s'étaient élevées contre le bel établissement de madame de Maintenon. Il aima mieux confier l'éducation de Mesdames à des religieuses de province. Madame Louise m'a souvent répété qu'à douze ans elle n'avait point encore parcouru la totalité de son alphabet, et n'avait appris à lire couramment que depuis son retour à Versailles.

Madame Victoire attribuait des crises de terreur panique qu'elle n'avait jamais pu vaincre, aux violentes frayeurs qu'elle éprouvait à l'abbaye de Fontevrault, toutes les fois qu'on l'envoyait par pénitence prier - seule dans le caveau où l'on enterrait les religieuses. Aucune prévoyance salutaire n'avait préservé ces princesses des impressions funestes que la mère la moins instruite sait éloigner de ses enfans.

Un jardinier de l'abbaye mourut enragé; sa demeure extérieure était voisine d'une chapelle de l'abbaye où l'on conduisait les princesses réciter les prières des agonisans, Les cris du moribond interrompirent plus d'une fois ces prières.

Les gâteries les plus ridicules se mêlaient à ces pratiques barbares. Madame Adélaïde, l'aînée des princesses, était impérieuse et emportée; les bonnes religieuses ne cessaient de céder à ses ridicules fantaisies. Le maître de danse, seul professeur de talent d'agrément qui eût suivi Mesdames à Fontevrault, leur faisait apprendre une danse alors fort en vogue, qui s'appelait le menuet couleur de rose. Madame voulut qu'il se nommât le menuet bleu. Le maître résista à sa volonté : il prétendit qu'on se moquerait de lui à la cour, quand Madame parlerait d'un menuet bleu. La princesse refusa de prendre sa leçon, frappait du pied, et répétait bleu, bleu; rose, rose, disait le maître. La communauté s'assembla pour décider de ce cas si grave; les religieuses crièrent bleu comme Madame; le menuet fut débaptisé, et la princesse dansa. Parmi des femmes, si peu dignes des fonctions d'institutrices, il s'était cependant trouvé une religieuse qui, par sa tendresse éclairée, et par les utiles preuves qu'elle en donnait à Mesdames, mérita leur attachement et

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