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ployer l'esprit et la grâce des Français, il n'en fallait point chercher à Versailles. Le foyer de l'esprit et des lumières était à

Paris.

Depuis la mort de la marquise de Pompadour, le roi n'avait pas de maîtresse en titre; il se contentait des plaisirs que lui offrait son petit sérail du Parc-aux- Cerfs. Séparer Louis de Bourbon du roi de France, était, comme on le sait, ce que le monarque trouvait de plus piquant dans sa royale existence (1). Ils l'ont voulu ainsi ; ils ont

(1) Tout ce que madame Campan dit ici de Louis XV s'accorde parfaitement avec le portrait que la Biographie universelle a tracé de ce prince :

<< Il conservait dans son palais, dit l'article qui lui est consacré, la magnificence de Louis XIV, mais n'y mélait aucun caractère de grandeur. Il subissait, comme un esclave résigné, l'ennui d'étiquettes qu'il n'avait point inventées, et qui n'étaient de nul usage pour sa politique l'insupportable ennui, qu'il en ressentait irritait son goût pour les plaisirs clandestins. Tout son bonheur était de se réfugier dans ses petits appartemens, et d'échapper furtivement à son rôle de roi. Ce goût devint en lui si vif, ou du moins si habituel, qu'il en vint presque à se considérer comme un particulier dispensé de tout devoir envers l'État. De-là, ce

pensé que c'était pour le mieux. C'était sa façon de parler quand les opérations des ministres n'avaient pas de succès. Le roi aimait à traiter lui-même la honteuse partie de ses dépenses privées. Il vendit un jour à un premier commis de la guerre une maison où il avait logé une de ses maîtresses; le contrat fut passé au nom de Louis de Bourbon; l'acquéreur porta lui-même au roi, dans son cabinet particulier, un sac contenant en or le prix de la maison.

Louis XV voyait très-peu sa famille ; il

trésor particulier qu'il aimait à se former, et qu'i! grossissait par des spéculations sur les grains; de-là, ces bizarres distractions qu'il portait jusque dans le conseil; la déplorable promptitude avec laquelle il abandonnait un avis qu'il avait judicieusement énoncé ; enfin cet égoïsme paresseux qui lui faisait dire beaucoup de mots tels que ceux-ci. « Si j'étais lieutenant de police, je défendrais les cabriolets. » En public, son maintien était froid, son esprit un peu sec. Dans le commerce privé, c'était un homme aimable, un maître obligeant, facile, plein de compassion, un Français habitué à observer envers les femmes les prévenances de la galanterie les plus délicates, et richement doué de l'esprit vif de sa nation. >>

(Note de l'édit.)

descendait, tous les matins, par un escalier dérobe, dans l'appartement de madame Adélaïde (1). Souvent il y apportait et y prenait du café qu'il avait fait lui-même. Madame Adélaïde tirait un cordon de sonnette qui avertissait madame Victoire de la visite du roi; madame Victoire en se levant pour aller chez sa sœur, sonnait madame Sophie, qui, à son tour, sonnait madame Louise. Les appartemens des princesses étaient trèsvastes. Madame Louise logeait dans l'appartement le plus reculé. Cette dernière

(1) Louis XV sembla reporter vers madame Adélaïde la tendresse qu'il avait eue pour la duchesse de Bourgogne, sa mère, qui périt si subitement sous les yeux et presque dans les bras de Louis XIV,

La naissance de madame Adélaïde, le 23 mars 1732, fut suivie de celle de madame Victoire-Louise-MarieThérèse, le 11 mai 1733.

Louis XV eut encore six filles : mesdames Sophie et Louise, dont il est parlé dans ce chapitre; les princesses Marie et Félicité, mortes en bas-âge; madame Henriette, morte à Versailles en 1752, âgée de 24 ans ; et enfin madame la duchesse de Parme qui mourut également à la cour. (Vie de Marie Leckzinska, par l'abbé Proyart.)

(Note de l'édit.)

fille du roi était contrefaite et fort petite; pour se rendre à la réunion quotidienne, la pauvre princesse traversait, en courant à toutes jambes, un grand nombre de chambres, et,>malgré son empressement, elle n'avait souvent que le temps d'embrasser son père qui partait de-là pour la chasse. Tous les soirs à six heures, Mesdames interrompaient la lecture que je leur faisais pour se rendre avec les princes chez Louis XV: cette visite s'appelait le débotter du roi, et était accompagnée d'une sorte d'étiquette. Les princesses passaient un énorme panier qui soutenait une jupe chamarrée d'or ou de broderie; elles attachaient autour de leur taille une longue queue, et cachaient le négligé du reste de leur habillement, par un grand mantelet de taffetas noir qui les enveloppait jusque sous le menton. Les chevaliers d'honneur, les dames, les pages, les écuyers, les huissiers portant de gros flambeaux, les accompagnaient chez le roi. En un instant tout le palais, habituellement solitaire, se trouvait en mouvement; le roi baisait chaque prin

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cesse au front, et la visite était si courte, que la lecture, interrompue par cette visite, recommençait souvent au bout d'un quart-d'heure : Mesdames rentraient chez elles, dénouaient les cordons de leur jupe et de leur queue, reprenaient leur tapisserie, et moi mon livre...

Pendant l'été, le roi venait quelquefois chez les princesses avant l'heure de son débotter: un jour il me trouva seule dans le cabinet de madame Victoire, et me demanda où était Coche; et comme j'ouvrais de grands yeux, il renouvela sa question, mais sans que je le comprisse davantage. Quand le roi fut sorti, je demandai à Madame de qui il avait voulu parler. Elle me dit que c'était d'elle, et m'expliqua d'un grand sang-froid qu'étant la plus grasse de ses filles, le roi lui avait donné le nom d'amitié de Coche; qu'il appelait madame Adélaïde Loque, madame Sophie Graille, madame Louise Chiffe. Le piquant des contrastes pouvait seul faire trouver au roi quelque gaieté dans l'emploi de mots semblables. Les gens de son intérieur avaient

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