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se pressait à ses côtés, s'attachait à ses moindres paroles. Quelquefois son esprit judicieux et piquant faisait naître une leçon salutaire du fond d'une historiette amusante. Souvent elle cherchait, dans les événemens du passé, des traits capables d'éclairer leur esprit et d'élever leur ame. J'en atteste ici toutes les élèves d'Écouen: combien de fois ne leur parla-t-elle pas de Louis IX, de Charles V, de Louis XII, d'Henri IV surtout, et des vertus qu'eux et leurs successeurs avaient fait asseoir sur le trône? En arrivant aux temps les plus orageux de la révolution, madame Campan les entretenait des atteintes portées à la majesté royale, des descendans des rois vivant sur une terre étrangère, de Louis XVI et de ses infortunes, de la reine et des outrages dont on l'avait abreuvée. Ces récits attendrissaient leurs jeunes cœurs: en l'écoutant parler de la famille royale de France, les filles des guerriers de Napoléon apprenaient ce qu'on doit de respect aux malheurs, et de reconnaissance aux bienfaits.

Hors des murs du château d'Écouen, dans le village qui l'entoure, madame Campan avait loué une petite maison où elle aimait à passer quelques heures, solitaire et recueillie. Là, libre de s'abandonner à ses souvenirs, la surintendante

de la maison impériale redevenait pour un moment la première femme de chambre de MarieAntoinette. Elle montrait avec émotion, au petit nombre de ceux qu'elle admettait dans cette retraite, une robe de simple mousseline qu'avait portée la reine, et qui provenait des présens faits par Tippo-Saëb. Une tasse dans laquelle Marie-Antoinette avait bu, une écritoire dont elle s'était servie long-temps, étaient d'un prix inestimable à ses yeux; et souvent on la surprenait assise et baignée de larmes, devant le tableau qui lui retraçait son image.

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« Pardonne, ombre auguste, reine infortunée, pardonne, dit-elle dans un fragment que je conserve écrit de sa main : j'ai ton portrait près de moi au moment où j'écris ces paroles. Mon imagination attendrie y reporte à chaque » instant mes regards; je cherche à ranimer tes traits; je voudrais y lire si je sers ta mémoire en traçant cet ouvrage. Cette tête si noble >> tombée sous le fer cruel des bourreaux, je ne puis la considérer sans que les pleurs, en remplissant mes yeux, suspendent mon entreprise. Oui, je dirai la vérité, sans que ton ombre,puisse en souffrir: la vérité doit servir » celle que le mensonge avait si cruellement outragée! »>

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Qu'ajouterais-je à ces éloquentes paroles? Madame Campan n'est plus: que ceux qui ont calomnié sa vie insultent encorc à sa mémoire, ses écrits la défendront mieux que moi.

F. BARRIÈRE.

AVANT-PROPOS

DE L'AUTEUR.

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Les planches des bibliothèques plient sous le poids de tout ce qui a été imprimé sur les dernières années du dix-huitième siècle. Quelques esprits supérieurs ont déjà indiqué, avec talent, les grandes causes morales et politiques de nos révolutions. Mais la postérité demandera aussi à connaître les ressorts secrets qui ont dirigé ces événemens. Des Mémoires, écrits par des ministres et des favoris, pourraient seuls satisfaire la curiosité de nos descendans, encore serait-ce que jusqu'à un certain point; car les rois n'accordent que très-rarement une confiance entière. Le souverain donne, à un de ceux qui l'entourent, une mission

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secrète qui ne contrarie point ses opinions connues; il lui dévoile tous les détails d'une affaire d'un haut intérêt. Le courtisan agit, persuadé de son importance; mais quand son orgueil s'applaudit, qu'il se croit sûr que le cœur royal vient de lui être ouvert, aveuglé par sa vanité, il ne se doute pas que ce cœur renferme encore mille replis qui lui seront toujours cachés. Il n'est que la dupe et le jouet de celui dont il se croit le confident. Au même instant, un autre a reçu peut-être une mission opposée qui, sans doute, ne s'accorde pas davantage avec les véritables projets du prince. Tous deux se croient les seuls dépositaires des pensées du souverain, et sur cette base trompeuse bàtissent l'édifice imaginaire d'un crédit qu'ils n'auront pas.

Ce jeu des cours est surtout en usage quand l'autorité supérieure est obligée de satisfaire ou de calmer des opinions diverses, sans en adopter franchement aucune. Mais avec cette habitude d'éparpiller ainsi les marques d'une confiance illusoire, quand sont venus les temps de troubles et de fac

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