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il était sa consolation, son bien, son espoir; elle avait rassemblé sur lui tous les penchans d'un coeur souvent déçu dans ses affections. M. Campan fils méritait la tendresse de sa mère. Aucun sacrifice n'avait été négligé pour son éducation. Son esprit était orné, il avait du goût, et faisait des vers agréables. Après avoir suivi la carrière qui a fourni, sous l'Empire, des hommes d'un mérite éminent, il attendait du temps et des circonstances une occasion de consacrer ses services à son pays. Quoique sa santé fût languissante, rien n'annonçait une fin rapide et prématurée en quelques jours cependant il fut ravi à sa famille. Comment l'apprendre à sa mère ? Comment lui porter ce coup funeste? M. Maignes, dans une relation qu'il a bien voulu nous confier, a décrit ce triste moment avec la plus douloureuse vérité.

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« Je n'ai jamais été témoin, dit-il, d'une » scène aussi déchirante que celle qui se passa

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lorsque madame la maréchale Ney, sa nièce, » et madame Pannelier, sa sœur, vinrent lui annoncer ce malheur. Au moment où elles en>> trèrent dans sa chambre, elle était encere au >> lit. Toutes trois poussèrent à la fois un cri perçant. Ces deux dames se jetèrent à genoux, >> et baisaient ses mains qu'elles mouillaient de

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leurs larmes. Elles n'eurent le temps de lui » rien dire : elle lut sur leurs visages qu'elle n'a»vait plus de fils. A l'instant ses grands yeux, découverts jusqu'au blanc, s'égarèrent. Sa figure devint pâle, les traits altérés, les lèvres décolorées. La bouche ne proférait que des paroles entrecoupées, accompagnées de cris » aigus. Les mouvemens étaient désordonnés, la >> raison suspendue. Chaque partie de son être souffrait. La respiration suffisait à peine aux efforts que faisait cette malheureuse mère pour exprimer sa douleur, et la porter au dehors. >> Cet état d'angoisse et de désespoir ne com» mença à se calmer que lorsque les larmes vinrent à couler. Je n'ai vu de ma vie rien de » si triste et de si imposant l'impression que j'éprouvaine s'effacera jamais de ma mé>> moire. <>>>>

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L'amitié, les plus tendres soins purent un moment calmer sa douleur, mais non l'affaiblir: són cœur avait trop souffert. Cette crise violente avait troublé son organisation tout entière. Une maladie cruelle, et qui exige une opération plus cruelle encore, ne tarda pas à se manifester. La présence de sa famille, un voyage qu'elle fit en Suisse, son séjour aux eaux de Bade, et surtout la vue, les entretiens pleins de dou

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ceur et de charme d'une personne dont elle était tendrement aimée, donnèrent quelques distractions à son esprit, nais n'apportèrent que de bien faibles adoucissemens à ses maux. Elle revint à Mantes, décidée à subir l'opération; et dès-lors, loin d'éprouver un instant de faiblesse ou d'hésitation, elle pressait elle-même le moment qui devait lui rendre, disait-elle, l'espoir et la santé. A la force d'ame qui brave la douleur, elle joignit cette puissance de volonté qui la maîtrise. Pas un cri, pas un geste ne lui échappèrent. Tant de courage étonnait de vieux guerriers habitués au spectacle des champs de bataille, et surprenait les gens de l'art euxmèmes (1). Un instant avant d'être opérée, madame Campan causait avec eux d'un esprit libre et calme. Les douleurs, après l'opération, ne semblaient pas avoir altéré sa sérénité. Messieurs, disait-clle en plaisantant à ses médecins, j'aime bien mieux vous entendre parler que vous voir agir.

L'opération avait été faite, avec une rare

(1) M. le colonel Hemès, l'un des meilleurs officiers de l'ancienne armée, aidait les gens de l'art pendant l'opération.

promptitude et le plus heureux succès, par M. Voisin, très-habile chirurgien de Versailles. Aucun symptôme fâcheux ne s'était déclaré ; la plaie s'était cicatrisée. On Campan rendue à ses amis

croyait madame mais le mal qui était dans le sang prit un autre cours, la poitrine s'embarrassa. Dès ce moment, dit M. Maignes, qui suivait son état avec toute la sollicitude de l'amitié, mais avec la triste prévoyance de son art; dès ce moment, il me fut impossible de voir madame Campan vivante : elle sentait elleméme qu'elle n'était déjà plus.

En songeant à sa famille, à ses amis de Mantes, à tous ceux qui lui portaient une vive affection, son cœur s'amollissait, et dans ces instans d'une faiblesse touchante : N'est-ce pas, docteur, disait-elle, que je ne mourrai pas?

Bientôt reprenant son courage, elle donnait aux autres une espérance qu'elle n'avait plus. Elle voyait sans cesse auprès d'elle une femme qui, depuis quarante ans, ne l'avait pas un moment quittée; qui avait partagé ses peines comme ses instans de bonheur; qui devinait ses pensées, épiait ses moindres désirs, et payait une confiance sans bornes des soins du plus tendre attachement tous ceux qui ont connu madame Campan nommeront ici madame Voisin.

« Du courage, lui disait-elle; la mort ne sépa÷ rera point deux amies comme nous (1).

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Elle donnait elle-même l'exemple de la force d'ame qu'elle voulait inspirer aux autres. Tantôt, reportant ses souvenirs vers les années de sa jeunesse, elle revoyait la jeune fille, si vive et si gaie, que Louis XV surprenait au milieu de ses jeux. Tantôt elle se rappelait avec attendrissement les bontés dont Marie-Antoinette payait son dévouement. L'oeil-de-boeuf de Versailles,

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disait-elle, ne me pardonnera jamais d'avoir » obtenu la confiance de la reine et du roi. Les » demandes d'un essaim de flatteurs étaient >> souvent injustes; et quand la reine daignait me consulter, j'étais sincère (2).

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Quelquefois le sort de la France l'occupait. Les lumières qui partent du trône la rassuraient seules contre les prétentions exagérées de quelques hommes. « Le pouvoir, disait-elle, est au

(1) La mort, en effet, ne les séparera point. La famille de madame Campan lui a fait élever un tombeau dans le cimetière de Mantes. On lit une épitaphe fort simple sur une colonne de marbre blanc, surmontée d'une urne. Aux quatre côtés du monument, sont des touffes de Dalia au-dessous est le caveau qui renferme ses cendres. L'anie qu'elle a laissée reposera près d'elle. (2) Relation de M. Maignes.

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