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l'éclat éblouissant de la couronne laissât un cœur aussi tendre ; qui, sous le poids` du malheur, se montrât plus compâtissante aux malheurs d'autrui: je n'en ai pas vu d'aussi héroïque dans le danger, d'aussi éloquente dans l'occasion, d'aussi franchement gaie dans la prospérité.

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Ces mots suffisent. On connaît à présent l'esprit de l'ouvrage, le vif intérêt qui l'anime, les sentimens qui l'ont dicté. J'en ai quelques regrets pour les ennemis de madame Campan; elle ne satisfera ni leur haine, ni leur espoir ses Mémoires sont piquans sans le secours du scandale, et pour être touchante, il lui a suffi d'être vraie (1).

(1) Un mot d'explication sur la Notice qu'on va lire me paraît nécessaire. Aucun des passages, aucune des anecdotes qu'elle contient ne se retrouve dans les Mémoires. Je dois les anecdotes aux souvenirs des parens, des amis, des élèves de madame Campan. La lecture de ses manuscrits, de sa correspondance, de tous ses papiers, m'à procuré des fragmens intéressans que je n'ai point hésité à mettre en œuvre. Ils donnent aux moindres détails, comme aux faits les plus importans, un ton de vérité qui doit attacher et plaire. Ces fragmens ont d'autant plus de prix, qu'ils sont écrits en entier de la main de madame Campan : chaque fois que je les citerai, j'aurai soin d'en prévenir le lecteur.

Jetons un coup-d'œil sur sa famille et sur ses premières années.

Jeanne-Louise-Henriette Genet était née à Paris, le 6 octobre 1752. M. Genet, son père, devait à son mérite, autant qu'à la protection de M. le duc de Choiseul, l'emploi de premier commis au ministère des affaires étrangères. Les lettres qu'il avait cultivées avec succès dans sa jeunesse, occupaient encore ses loisirs (1). Entouré de nombreux enfans, il cherchait un délassement à ses travaux dans les soins qu'exigeait leur éducation : rien ne fut négligé de ce qui pouvait la rendre brillante. Dans l'étude de la musique ou des langues étrangères, les progrès de la jeune Henriette Genet surprenaient les meilleurs maîtres; le célèbre Albanèze lui avait donné des leçons de chant, et Goldoni lui montra l'italien. Bientôt le Tasse, Milton, Dante, Shakespeare même lui étaient devenus familiers. On l'exerçait surtout à l'art difficile de bien lire. En parcourant tour à tour de la prose ou des une ode, une épître, une comédie, un

vers,

(1) On trouvera dans les Souvenirs de madame Campan des détails intéressans, écrits par elle, sur l'éducation, les ouvrages, les aventures et le mariage de son père.

sermon, il fallait qu'elle changeât sur-le-champ, de ton, d'inflexions et de débit. Rochon de Chabannes, Duclos, Barthe, Marmontel, Thomas, se plaisaient à lui faire réciter les plus belles scènes de Racine. A quatorze ans sa mémoire et son esprit les charmaient. Ils le disaient dans le monde, et peut-être un peu trop; une jeune personne paie toujours assez cher la célébrité qu'elle obtient belle, toutes les femmes deviennent ses rivales; a-t-elle de l'esprit, des talens? beaucoup d'hommes ont encore la faiblesse d'en être jaloux.

On parla de mademoiselle Genet à la cour. Des femmes d'un haut rang, qui s'intéressaient à sa famille, sollicitèrent pour elle la place de lectrice de Mesdames: huit jours après elle quitta la maison paternelle pour habiter le château de Versailles. La cour, une robe à queue, des paniers, peut-être même du rouge, quel changement! quelle joie! Sa présentation et les circonstances qui la précédèrent avaient laissé de vives impressions dans son esprit. « J'avais alors quinze ans, dit-elle dans un écrit qu'elle ne destinait point à l'impression; mon père éprouvait quelques regrets de me livrer si jeune à la malignité des courtisans. Le jour où, revêtue pour la première fois de l'habit de cour, je

vins l'embrasser dans son cabinet, des larmes. s'échappèrent de ses yeux, et vinrent se mêler à l'expression de sa joie. Je joignais quelques talens agréables à l'instruction qu'il avait pris plaisir à me donner. Il me fit l'énumération de tous mes petits avantages, pour me mieux faire connaître les chagrins qu'ils ne manqueraient pas de m'attirer. « Les princesses, me dit-il, » vont se plaire à faire usage de vos talens : les grands ont l'art de louer avec grâce et toujours avec excès. Que ces complimens ne vous procurent pas un plaisir bien vif; qu'ils vous » mettent plutôt en défiance. Chaque fois que vous recevrez ces témoignages flatteurs, vous

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aurez quelques ennemis de plus. Je vous préviens, ma fille, des peines inévitables atta» chées à votre nouvelle carrière; et je vous proteste, dans ce jour où vous jouissez avec » transport de votre heureuse fortune, que si » j'avais pu vous établir autrement, jamais je » n'aurais livré ma fille chérie aux tourmens et aux dangers des cours. »

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. On croirait à ce langage, ajoute madame Campan, qui écrivait ces lignes en 1796, à Saint-Germain, sous le directoire, on croirait que mon père avait dans le cœur un principe de républicanisme; on se tromperait il était

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royaliste par opinion politique, mais il connaissait et craignait le séjour de la grandeur. On peut être royaliste et philosophe, comme il arrive d'être républicain intrigant et ambitieux (1).

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Mademoiselle Genet, à quinze ans, était un peu moins philosophe que son père à quarante. Ses y yeux furent éblouis de l'éclat dont brillait Versailles. La reine Marie Leckzinska, femme » de Louis XV, venait de mourir, dit-elle, » lorsque j'y fus présentée. Ces grands appar>> temens tapissés de noir; ces fauteuils de pa» rade élevés sur plusieurs marches, et surmon» tés d'un dais orné de panaches; ces chevaux » caparaçonnés; ce cortège immense en grand deuil; ces énormes noeuds d'épaules brodés en paillettes d'or et d'argent qui décoraient » les habits des pages, et même ceux des valets de pied; tout cet appareil enfin produisit un » tel effet sur mes sens, que je pouvais à peine >> me soutenir, lorsqu'on m'introduisit chez les

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princesses. Le premier jour où je fis la lecture » dans le cabinet intérieur de madame Victoire, il me fut impossible de prononcer plus de » deux phrases; mon cœur palpitait, ma voix

(1) Fragment manuscrit.

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