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Il s'engagea donc une espèce de rixe à la cour. On mit en question: Si le roi devait ou ne devait pas être sur-le-champ administré. Faut-il, disait le maréchal de Richelieu, faut-il laisser renvoyer madame Du Barry avec ignominie, et pouvons-nous oublier ses services et nous exposer aux vengeances de son retour? Ou bien devons-nous attendre l'état désespéré du malade pour effectuer un simple départ et procéder, sans bruit et sans éclat, à une simple administration de sacremens ? Telle était l'émotion et tel était l'état des esprits de la cour, lorsque, le 1er mai, l'archevêque de Pàris se présenta pour la première fois au roi malade, à onze heures et demie du matin. Il était à peine à la porte de l'antichambre du roi, que le maréchal de Richelieu vient à sa rencontre et le conjure de ne pas faire mourir le roi par une proposition théologique (1) qui faisait périr tant de malades. « Mais si vous êtes si curieux d'entendre des péchés jolis et mignons, disait-il au prélat, mettez» vous là, Monsieur l'archevêque, je me confesserai et » vous en apprendrai de tels que vous n'en avez jamais > entendu de pareils depuis que vous êtes archevêque » de Paris. Que si vous voulez absolument confesser le >> roi, et renouveler ici les scènes de M. l'évêque de » Soissons à Metz, si vous voulez congédier madame >> Du Barry avec éclat, réfléchissez sur les suites et sur >> 'vos propres intérêts. Vous opérez le triomphe du duc » de Choiseul, votre cruel ennemi, dont madame Du » Barry a tant contribué à vous délivrer, et vous per

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(1) La vérité de ces détails est confirmée par les Mémoires de Besenval, tome I,

(Note de l'édit.)

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» sécutez votre amie au profit de votre ennemi. Oui, >> Monsieur, je vous le répète, votre amie; et elle est » si bien votre amie qu'elle m'a dit hier : Que M. l'archevêque nous laisse, il aura sa calotte de cardinal; » c'est moi qui m'en charge et qui en réponds. » L'archevêque de Paris comprit facilement que l'affaire des sacremens souffrirait de grandes oppositions. Il se trouva avec madame Adélaïde dans la chambre, du roi, avec le duc d'Aumont, l'évêque de Senlis et le maréchal de Richelieu, avec lesquels l'archevêque ré-, solut de ne point parler ce jour-là de confession. Cette circonspection satisfit tellement Louis XV, qu'à la sortie de l'archevêque il fit rappeler madame Du Barry dont il baisa encore les belles mains avec attendrissement.

Le 2 mai, le roi se trouva un peu mieux. Madame Du Barry lui avait donné deux médecins affidés, Lorry et Bordeu, chargés de lui cacher la nature de sa maladie et de lui taire sa situation réelle, pour écarter les prêtres et prévenir un congé humiliant. Le meilleur état du roi permit à madame Du Barry de reprendre avec lui ses airs libres, et de le divertir avec ses gentillesses et ses propos accoutumés. Mais La Martinière, qui était du parti des Choiseul, La Martinière à qui on n'avait osé refuser ses entrées, et qui se sentait offensé de la confiance accordée à Lorry et à Bordeu, ne cacha point au roi la nature ni le danger de sa maladie. Il répondit à ses demandes sur la nature des pustules qui se multipliaient de toutes parts d'une manière effrayante: «< Sire, >> ces boutons sont trois jours à se former, trois jours à suppurer et trois jours à sécher. » Le roi, qui n'avait pas oublié qu'il avait eu la petite vérole, convaincu de la gravité de la maladie, fit appeler madame Du

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Barry et lui dit : « Ma mie, j'ai la petite vérole, et » mon mal est très-dangereux à cause de mon âge et de »mes autres maladies. Je ne dois pas oublier que je » suis le roi très-chrétien et le fils aîné de l'Église. J'ai >> soixante-quatre ans ; le temps approche où il faudra >> peut-être nous séparer. Je veux prévenir une scène » semblable à celle de Metz. Avertissez le duc d'Ai> guillon de ce que je vous dis, afin qu'il s'arrange avec » vous, si ma maladie empire, pour nous séparer sans » éclat. >>

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Les jansenistes et le parti du duc de Choiseul triomphaient de la nullité de l'archevêque. On les entendait dire hautement, dans les compagnies, que M. d'Aiguillon et M. Farchevêque de Paris avaient résolu de laisser mourir le roi sans sacremens, pour ne pas déranger madame Du Barry. Beaumont, tourmenté par leurs critiques, prit le parti d'aller s'établir à Versailles dans sa maison des Lazaristes, pour en imposer au public, profiter du dernier moment du roi et sacrifier madame Du Barry, lorsque le roi serait dans un état désespéré. Il arriva le 3 mai à Versailles, mais sans voir le roi. Ce prélat n'avait plus cette impétuosité de zèle que nous lui avons connue, ni son ancien ton de mépris de toute politesse et des formes les plus usitées de la bonne société, lorsqu'il s'agissait de remplir ses devoirs. Il n'avait pour but que de soumettre dans ces circonstances les ennemis de son parti, et de soutenir jusqu'à la dernière extrémité la favorite qui lui avait servi à les-dompter.

Un zèle contraire animait l'évêque de Carcassonne aux prises avec le cardinal de La Roche-Aymon. Un esprit de complaisance avait élevé celui-ci à ses dignités et à ses places à la cour. Moins religieux que courtisan,

il pensait, avec les Richelieu et la maîtresse, qu'on ne devait pas effrayer le monarque par aucun propos relatif à l'administration des sacremens. Il disait, comme eux, que la seule annonce des sacrémens pouvait faire sur l'esprit du roi des impressions très - dangereuses. L'évêque de Carcassonne (le second Fitz-James, évêque de Soissons, qui avait joué le même rôle à Metz) voulait au contraire « que le roi fût administré, la concu» bine expulsée, et que le roi donnât un exemple de » repentir à la France et à l'Europe chrétienne qu'il » avait scandalisées. >>

« De quel droit me donnez-vous des avis? lui disait » le cardinal de La Roche-Aymon. Voilà mon droit, » lui répliquait l'évêque de Carcassonne en détachant >> sa croix pectorale. Apprenez, Monseigneur, à respecter ce droit, et ne laissez pas mourir votre roi » sans les sacremens de l'Eglise dont le roi très-chrétien >>'est le fils aîné. » Dans cette agitation, les scènes scandaleuses de Metz allaient renouveler, lorsque le duc d'Aiguillon et l'archevêque de Paris, témoins de ces débats, jugèrent à propos de les terminer. D'Aiguillon alla prendre les ordres du roi relativement à madame Du Barry. « Il faut la mener sans bruit à votre campa>gne de Ruelle, lui dit le roi; je saurai gré à madame » d'Aiguillon des soins qu'elle prendra pour elle. >>

Madame Du Barry vit encore le roi un moment le 4 au soir, lui promit de rèvenir à la cour à sa convalescence. Madame d'Aiguillon la mit dans son carrosse avec mademoiselle Du Barry et madame de Serre, et l'emmena à Ruelle pour attendre l'événement. A peine était-elle sortie que le roi la demanda.... Elle est partie, répondit-on à Louis XV. Dès ce moment, la maladie empira; il se crut mort sans ressource.

Les journées du 5 et du 6 se passèrent sans qu'on parlat de confession, du viatique ou de l'extrême-onction. Le duc de Fronsac menaça le curé de Versailles de le jeter par la fenêtre s'il osait en prononcer les mots. C'est de lui-même que je tiens l'anecdote. Mais le 7, à trois heures du matin, le roi demanda impérieusement l'abbé Maudoux. La confession dura dix-sept minutes. Les ducs de La Vrillière et d'Aiguillon voulaient retarder le viatique; mais La Martinière, pour consommer l'expulsion de madame Du Barry, dit au roi ces paroles : « Sire, j'ai vu Votre Majesté dans des circons»tances bien intéressantes; inais jamais je ne l'ai admi»rée comme aujourd'hui. Si elle me croit, elle achèvera » de suite ce qu'elle a si bien commencé. » Le roi fit rappeler son confesseur Maudoux, pauvre prêtre qu'on lui avait donné depuis quelques années, parce qu'il était vieux et aveugle. Il lui donna l'absolution.

Quant à la réparation éclatante que désirait le parti de M. de Choiseul, pour humilier et anéantir avec solennité madame Du Barry, il n'en fut plus question. Le grand-aumonier, de concert avec l'archevêque, avait composé une formule qui fut ainsi proclamée en présence du viatique : « Quoique le roi ne doive compte » de sa conduite qu'à Dieu seul, il déclare qu'il se re» pent d'avoir causé du scandale à ses sujets, et qu'il >> ne désire vivre que pour le soutien de la religion et » le bonheur de ses peuples. » On multiplia ensuite les descentes et les ouvertures de la châsse de Sainte-Geneviève pour obtenir sa guérison.

Dans les journées du 8 au 9, la maladie empira; le roi vit tomber de toutes parts son corps en lambeaux et en pourriture. Délaissé de ses amis et de cette foule de courtisans qui avaient si long-temps rampé devant

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