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avait établi dans l'intérieur. (Mém. hist. et polit. du règne de Louis XVI, par Soulavie; tom. I. )

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Note (B), page 129.

Quelque temps avant le départ de l'ambassadeur, il m'arriva ( dit l'abbé Georgel) une aventure devenue la source des plus importantes découvertes, et dont les suites heureuses ont été un des plus grands services rendus par l'ambassade du prince Louis de Rohan.

>> En rentrant un soir à l'hôtel, le suisse me remit un billet bien cacheté à mon adresse, et je lus en toutes lettres Trouvez-vous ce soir, entre onze heures et minuit, à tel lieu sur le rempart; on vous y révélera des choses de la plus haute importance.... Un billet anonyme ainsi conçu, avec toutes les formes du mystère, l'heure indue de ce rendez-vous, tout pouvait paraître dangereux et suspect. Mais je ne me connaissais point d'ennemis, et ne voulant pas avoir à me reprocher d'avoir manqué une occasion, peut-être unique, pour le bien du service du roi, je me décidai à me trouver au lieu désigné. Cependant, à tout événement, je pris des précautions de prudence, en plaçant à une certaine distance, et sans pouvoir être vues, deux personnes sûres qui pourraient voler à mon secours à un cri convenu. Je trouvai au rendez-vous un homme en manteau et masqué. Il me remit des papiers à voix basse et contrefaite.... « Vous m'avez inspiré de >> la confiance; je veux, en conséquence, concourir au >> succès de l'ambassade de M. le prince de Rohan. Ces » papiers vous diront les services essentiels que je puis » vous rendre. Si vous les agréez, revenez demain » à la même heure à tel autre endroit : il l'in

diqua), et apportez-moi mille ducats. » Rentré à l'hôtel de France, je m'empressai d'examiner les papiers qui venaient de m'être remis. Leur contenu me causa la plus agréable surprise. Je vis que nous avions le pouvoir de nous procurer deux fois la semaine toutes les découvertes du cabinet secret de Vienne, le mieux servi de l'Europe. Ce cabinet secret avait, au dernier degré, l'art de déchiffrer en peu de temps les dépêches des ambassadeurs et des cours qui correspondaient avec sa cour. J'en eus la preuve par le déchiffrement de nos propres dépêches et de celles de notre cour, même celles qui étaient écrites avec le chiffre le plus compliqué et le plus récent; que ce cabinet avait trouvé le moyen de se procurer les dépêches de plusieurs cours de l'Europe, de leurs envoyés et de leurs agens, par l'infidélité et l'audace des directeurs et maîtres de poste des frontières, soudoyés. A cet effet, on m'avait remis des copies de dépêches du comte de Vergennes, notre ambassadeur à Stockholm; du marquis de Pons à Berlin; des dépêches secrètes du roi de Prusse à ses agens secrets à Vienne et à Paris, agens auxquels seuls il confiait la vraie marche de sa politique, et dont la mission était entièrement ignorée de ses envoyés en titre. Ce même cabinet avait découvert la correspondance très-secrète de la politique privée de Louis XV, correspondance parfaitement ignorée de son conseil, et surtout de son ministre des affaires étrangères. Le comte de Broglie, qui avait succédé au feu prince de Conti, était le ministre privé, et surtout très-caché d'une diplomatie aussi extraordinaire. Il avait pour secrétaire M. Favier, auquel ses ouvrages diplomatiques ont fait une réputation, et enfin M. Dumouriez, élève de Favier. Le mystère de cette politique

n'était pas confié à tous nos ambassadeurs. Quelquefois c'était le secrétaire d'ambassade ou tout autre Français, qui, voyageant sous différens prétextes, était trouvé propre à jouer ce rôle. Le comte de Broglie ne confiait le fil de ce labyrinthe qu'à des personnes dont il avait éprouvé l'attachement et la discrétion. Une confiance si marquée et des rapports si intimes avec le roi qui gratifinit lui-même sur sa cassette ce travail mystérieux, ne pouvaient que flatter ceux qui s'en trouvaiert honorés. Le comte de Broglie, ennemi de la maison de Rohan, s'était bien gardé d'initier le prince Louis de Rohan ou moi dans une semblable correspondance. Sa défiance était apparemment bien motivée, et je ne veux pas l'en blâmer. Au nombre des papiers qui me furent remis au rendez-vous nocturne, se trouvait la correspondance déchiffrée du comte de Broglie avec le comte de Vergennes, notre ambassadeur à Stockholm. Muni de ces pièces et des preuves indubitables qui m'en assuraient l'authenticité, je me rendis sans délai et avec la plus grande vitesse chez l'ambassadeur, pour lui en rendre compte. J'étalai devant lui les échantillons du trésor politique où nous pouvions puiser. Le prince en sentit d'autant mieux le prix, pour lui personnellement, que cette grande découverte devait nécessairement effacer les impressions fâcheuses que le duc d'Aiguillon n'avait pas manqué de faire sur l'esprit du roi, en cherchant à lui persuader que le prince Louis, trop léger et trop occupé de ses plaisirs, n'avait point à Vienne la surveillance qu'exigeait le bien du service. Cet événement lui fit reprendre toute la sérénité qu'avait altérée la persécution sourde et continuelle de ce ministre acariâtre et haineux. Il envisagea le nouveau. rôle qu'il allait jouer comme une voie certaine pour

arriver à la considération que devait lui assurer sa conduite et son travail.

:

» Je reparus le lendemain au rendez-vous de l'homme masqué. Je lui donnai les mille ducats il me remit d'autres papiers dont l'intérêt allait toujours croissant, et pendant tout le temps de mon séjour à Vienne, il a gardé sa parole. Les rendez-vous avaient lieu deux fois la semaine, et toujours vers minuit. M. l'ambassadeur jugea sagement que le travail relatif à cette découverte devait être concentré entre lui et moi avec un ancien secrétaire dont nous connaissions la discrétion à toute épreuve. Le secrétaire copiait pour la cour les papiers de l'homme masqué à qui il fallait les rendre.

» Un courrier extraordinaire fut sur-le-champ expédié à Versailles pour y porter les prémices du trésor découvert. Il eut ordre de ne coucher nulle part, et de porter sur lui jusqu'à sa destination le paquet particulier des dépêches secrètes. Cet envoi contenait deux paquets; l'un adressé au roi, sous seconde enveloppe, par l'entremise du prince de Soubise, ministre d'État, ami de Louis XV, et cousin de l'ambassadeur. Le prince de Soubise devait le remettre à Sa Majesté ellemême sans intermédiaire. On suppliait le roi de vouloir bien faire passer ses ordres en conséquence par ce même canal, à l'abri de toute indiscrétion. Ce premier paquet contenait les preuves de la correspondance mystérieuse du comte de Broglie, autorisée par Sa Majesté. On assurait Louis XV que, dans l'envoi des autres découvertes, adressé au duc d'Aiguillon, on avait pris les précautions les plus sévères, afin que ce ministre ne pût avoir aucun indice de la correspondance privée dont le roi avait jugé à propos de lui déruber la connaissance. Le second paquet secret fut

adressé directement au ministre. C'était la copie des dépêches prussiennes interceptées, ainsi que d'autres dépêches particulières du ministère autrichien à l'ambassadeur impérial à Paris. Dans ces dernières, on traçait au comte de Mercy la conduite publique ou secrète qu'il devait tenir dans telle ou telle circonstance, soit à l'égard du roi, soit à l'égard de madame la dauphine et de notre ministère. Une lettre séparée rendait compte de la manière dont s'était faite cette révélation: cette lettre informait le ministre que j'en étais l'agent intermédiaire. Le retour de notre courrier fut prompt. Je dois declarer ici la vérité et rendre une justice entière au duc d'Aiguillon. Le prince de Soubise manda à son cousin comment ce ministre s'était expliqué au conseil de la manière la plus énergique et la plus flatteuse sur l'importance de cette découverte et sur le service signalé rendu par l'ambassadeur à l'État. La dépêche officielle de M. d'Aiguillon, et une lettre de sa main, dont j'ai l'original, s'expriment en des termes qui semblent effacer, jusqu'aux moindres traces du froid et de l'aigreur jusqu'alors manifestés.

<< Je partage avec sensibilité, disait-il, et la satisfac>>tion que le roi a de vos services, et la gloire que >> cette découverte fait rejaillir sur votre mission. » Il est ensuite recommandé à l'ambassadeur de conserver, à tout prix, le fil de cette secrète et importante relation. Carte blanche lui est donnée, ainsi qu'à moi, pour les sommes que nous jugerions utiles et néces

saires à cette conservation.

» Le roi, qui avait mis le prince de Soubise dans le secret de sa politique privée, lui avoua que notre découverte avait jeté l'alarme parmi les premiers agens de ce ministère secret. Le comte de Broglie surtout en

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