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de 5,000 livres de rentes, et la dauphine, en lui assurant une place de femme de sa chambre, voulut bien lui permettre de continuer ses fonctions de lectrice auprès de Mesdames.

Ici commencent véritablement les Mémoires de madame Campan, Mémoires dont le premier chapitre, consacré à la peinture de la cour de Louis XV, n'est qu'un piquant avant-propos.

pan, dans le Béarn, en avaient pris le surnom. Leur nom véritable était Berthollet. Le célèbre chimiste que les sciences viennent de perdre, en 1822, était leur parent. Je trouve dans les manuscrits que j'ai sous les yeux un trait bien honorable pour son caractère.

« Du côté des Berthollet, dit madame Campan à son fils, dans un écrit destiné à son instruction, un des membres les plus distingués de l'Institut doit être de la même famille; mais par dignité et par éloignement pour les gens qui approchaient la cour et qui étaient en faveur, il dit à Paris, en 1788, à plusieurs personnes, qu'il était parent d'un Berthollet Campan, placé près de la reine à Versailles, mais qu'il n'était point disposé à l'aller entretenir de sa parenté, dans la crainte de passer pour un adorateur du crédit et de la fortune. Mon avis, ajoute madame Campan, eût été d'aller audevant d'un homme qui montrait un caractère si différent de ce qu'on rencontrait sans cesse dans la position où le sort nous avait placés. >>

Le même écrit contient plusieurs détails qu'on ne lira point sans intérêt dans le troisième volume.

Dans un espace de vingt ans, depuis les fêtes du mariage jusqu'à l'attaque du 10 août, madame Campan ne quitta presque point Marie-Antoinette. Du côté de la souveraine, tout était bonté, confiance, abandon: on verra si madame Campan n'y répondit point par une reconnaissance, une fidélité, un dévouement, à l'épreuve du malheur comme au-dessus de tous les périls. En parlant de Marie-Antoinette, elle a peint la haine de ses ennemis, l'avidité de ses flatteurs, et le désintéressement des vrais amis qu'elle pouvait compter quoique assise sur le trône. Toutefois, comme elle se renferme le plus souvent dans le cercle intérieur où se plaisait Marie-Antoinette, il est indispensable de jeter un coup-d'œil sur l'esprit et surtout sur les mœurs de la société à cette époque.

Je ne rappellerai point les scandaleuses années de la régence, temps où la cour, échappant à la contrainte d'une longue hypocrisie, associait aux emportemens de la débauche les sarcasmes de la plus audacieuse impiété. Mais je dois m'arrêter un moment au règne de Louis XV, parce que la corruption y présenta véritablement deux époques distinctes. Richelieu fut le modèle et le héros de la première époque. S'aimer sans plaisir, se livrer sans combat, se quitter sans

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regrets, traiter le devoir de faiblesse, l'honneur de préjugé, la délicatesse de fadeur, telles étaient les mœurs du temps : la séduction avait son code, et l'immoralité était réduite en principes. Bientôt on se lassa même de ces succès rapides, peut-être parce que la facilité du triomphe en diminuait trop le mérite. Les gens de cour, les riches financiers entretenaient à grands frais des beautés qu'ils n'étaient pas même obligés de connaître le vice était un luxe de la vanité; l'état de courtisane menait rapidement à la fortune, j'ai presque dit à la considération.

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Dans les années qui précédèrent et qui suivirent l'avènement de Louis XVI au trône, la société présentait un spectacle nouveau. Les mœurs n'étaient pas meilleures, elles étaient différentes. Par un étrange abus, les désordres semblaient trouver une excuse dans les idées philosophiques qui s'accréditaient de jour en jour. Leurs nouveaux partisans débitaient de si nobles maximes, pensaient, discouraient si bien, qu'ils n'étaient pas forcés de bien agir. Il était permis d'être mari volage, épouse infidèle à ceux qui parlaient avec respect, avec enthousiasme, dest saints devoirs du mariage. L'amour de la vertu et de l'humanité dispensait d'avoir des mœurs. Les femmes discutaient, au milieu de leurs amans,

sur les moyens de régénérer l'ordre social. Il n'y avait pas de philosophe, admis dans un des cercles à la mode, qui ne se comparât modestement à Socrate chez Aspasie; et Diderot, auteur téméraire des Pensées philosophiques, écrivain licencieux des Bijoux indiscrets, aspirait à la gloire de Platon, mais ne rougissait pas d'imiter Pétrone.

Non que je veuille assurément jeter du blâme sur les philosophes : leur conduite était légère, plusieurs de leurs ouvrages sont condamnables, il est vrai; mais ce qu'il y avait de pur dans leurs doctrines, a passé de leurs écrits dans nos mœurs. Si les liens de la famille se sont resserrés, si nous sommes meilleurs époux, meilleurs pères, et plus hommes de bien; si le vice est méprisé ; si la jeunesse, avide d'études sérieuses, repousse avec dégoût les ouvrages licencieux qu'accueillait le libertinage de ses pères, nous le devons à un nouvel ordre de choses. En politique, en législation, en finances, les philosophes ont préparé d'utiles réformes. Leurs écrits, mal compris alors, mais lus avec avidité, leur donnaient un grand pouvoir sur l'opinion. La cour, habituée si long-temps à l'influence que lui assuraient l'esprit, la politesse des manières, et l'habitude des grands emplois, ne vit pas sans étonnement

cette nouvelle puissance s'élever auprès d'elle. Au lieu de la combattre, on la flatta. L'enthousiasme gagna tous les esprits : c'était à la table, dans le salon des plus grands seigneurs, qu'on traitait hardiment de préjugés les distinctions du rang. Ces principes d'égalité trouvaient souvent dans la noblesse des partisans d'autant plus zélés, qu'en les faisant valoir ils se montraient plus généreux. Il était presque reconnu que le mérite devait l'emporter sur la naissance, et l'on doit ajouter qu'alors, comme de nos jours, la noblesse comptait un grand nombre d'hommes qui n'avaient point à protester contre cette démarcation nouvelle.

Ainsi, tandis que les conditions moyennes s'élevaient fières de leurs connaissances, de leurs talens, de leurs lumières, les hautes classes semblaient aller au-devant d'elles, par un mouvement de curiosité et de bienveillance: la cour subissait encore les lois de l'étiquette, que déjà les distinctions du rang étaient bannies des usages de la société. Par-là, tombe d'elle-même, à mon sens, une accusation que la vanité et l'irréflexion ne cessent de répéter contre Marie-Antoinette. En paraissant à Versailles, elle y trouva tout disposé pour un changement que l'état des mœurs rendait inévitable; et sa beauté, son esprit, ses

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