Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

temps le conteur le plus agréable du cercle de la comtesse Jules. La chanson nouvelle, le bon mot du jour, les petites anecdotes scandaleuses formaient les seuls sujets d'entretien du cercle intime de la reine. Le bel esprit en était banni. La comtesse Diane, plus occupée de littérature que sa bellesœur, l'invitait un jour à lire l'Iliade et l'Odyssée. La comtesse répondit en riant qu'elle connaissait parfaitement le poëte grec et s'en tenait à ces mots :

Homère était aveugle et jouait du hautbois (1).

un langage plein d'agrément et de charme, s'il faut en croire un mot de la princesse d'Hénin rapporté par madame de Genlis dans les Souvenirs de Félicie:

« J'ai vu aujourd'hui Le Kain donner à un débutant une leçon de déclamation; ce jeune homme, au milieu de la scène, saisit le bras de la princesse. Le Kain, choqué de ce mouvement, lui a dit: Monsieur, si vous voulez paraître passionné, ayez l'air de craindre de toucher la robe de celle que vous aimez.

>> Que de sentiment, et combien de choses délicates dans ce mot! On les retrouve toutes dans le jeu parfait de cet acteur inimitable. Aussi madame d'Hénin a-t-elle dit qu'elle ne connaît que deux hommes qui sachent parler aux femmes : Le Kain et M. de Vaudreuil. » (Note de l'édit.) *(1) Cette repartie vive et gaie de madame la duchesse

La reine trouvait ce genre d'esprit trèsfort de son goût, et disait que jamais pédante n'eût été son amie.

L'éclat de cette maison n'eut donc lieu que plusieurs années après l'époque dont je

de Polignac est une imitation plaisante d'un vers du Mercure galant. Un des procureurs dit à son confrère, dans la scène de la dispute :

Ton père était aveugle et jouait du hautbois.

Madame la duchesse de Polignac, avec un esprit fin et un goût délicat, pouvait ne pas attacher un trèsgrand prix au savoir: mais on a peu d'idée de l'instruction des hommes admis daus sa société, quand on lit l'anecdote suivante :

« En 1781, la duchesse de Polignac était enceinte ; pour être plus à portée de faire sa cour à la reine, elle pria madame de Boufflers de vouloir bien lui louer sa maison d'Auteuil, célèbre par ses jardins à l'anglaise. Madame de Boufflers, qui était attachée aux agrémens de sa maison de campagne, désirait refuser madame la duchesse, sans pourtant la désobliger; elle lui répondit par les vers suivans :

Tout ce que vous voyez conspire à vos désirs;
Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs;
L'empire en est pour vous l'inépuisable source;
Ou, si quelque chagrin en interrompt la course,
Le courtisan, soigneux.à les entretenir,
S'empresse à l'effacer de votre souvenir.

T. I.

23

viens de parler, et la reine ne contracta l'habitude de passer une partie de ses journées chez la duchesse, que lorsqu'elle eut remplacé la princesse de Guéménée en qualité de gouvernante des enfans de France,

Moi, je suis seule ici; quelqu'ennui qui me presse,
Je n'en vois dans mon sort aucun qui m'intéresse,
Et n'ai pour tout plaisir, Madame, que ces fleurs
Dont le parfum exquis vient charmer mes douleurs.

>> Madame de Polignac ayant montré ces vers, ses flatteurs les trouvèrent mauvais, croyant qu'ils étaient de madame de Boufflers. On ne manqua pas de rendre à celle-ci le jugement qui en avait été porté par les amis de la duchesse. — « J'en suis fâchée, répondit» elle, pour le pauvre Racine, car ces vers sont de

>> lui. >>

>> En effet, on les lit dans Britannicus, acte 2, scène 3; c'est Junie qui les adresse à Néron. Madame de Boufflers n'avait fait que de légers changemens aux quatre derniers vers qui sont ainsi dans Racine :

Britannicus est seul : quelqu'ennui qui le presse

Il ne voit dans son sort que moi qui s'intéresse,
Et n'a pour tout plaisir, Seigneur, que quelques pleurs,
Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs. »

Nous empruntons cette anecdote à la Correspondance secrète; elle est racontée différemment dans Grimm. Voyez les éclaircissemens, lettre (N).

(Note de l'édit.)

et que le duc eut réuni la surintendance des postes à la charge de premier écuyer.

Avant d'avoir établi sa société chez madame de Polignac, la reine allait quelquefois passer des soirées chez le duc et la duchesse de Duras; une jeunesse brillante s'y trouvait réunie. On établit le goût des petits jeux, les questions, la guerre-panpan, le colin-maillard, et surtout un jeu nommé descampativos.

Paris, toujours critiquant, mais toujours imitant les habitudes de la cour, adopta cette manie des petits jeux. La fureur du descampativos et de la guerre-panpan fut générale dans toutes les maisons où se réunissaient beaucoup de jeunes femmes.

Madame de Genlis, dans une de ses pièces de théâtre, écrite avec le projet de peindre les ridicules du moment, parle de ce fameux descampativos et de la fureur de se faire une amie que l'on nommait inséparable, jusqu'à ce qu'un caprice ou le plus léger différend eût amené une rupture totale.

FIN DU TOME PREMIER.

ÉCLAIRCISSEMENS HISTORIQUES

RECUEILLIS ET MIS EN ORDRE

PAR MADAME CAMPAN.

[*] Page 197-246.

MAISON DE LA REINE.

Première charge: la surintendante.

LA reine Marie Leckzinska, épouse de Louis XV, eut mademoiselle de Clermont, princesse du sang, pour surintendante de sa maison Mademoiselle de Clermont mourut, et la reine demanda au roi de ne la point remplacer, les droits de la charge de surintendante étant si étendus, qu'ils en devenaient gênans pour la souveraine : nomination aux emplois, droit de juger les différends des possesseurs de charges, de des

« ZurückWeiter »