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Austère et sévère pour lui seul, le roi remplissait exactement les lois de l'Église, jeûnait et faisait maigre tout le carême. Il trouvait bon que la reine n'observât point ces usages avec la même rigueur; pieux dans le coeur, les lumières du siècle avaient cependant disposé son esprit à la tolérance; modeste et simple, Turgot, Malesherbes et Necker avaient jugé qu'un prince de ce ca

plus élevée. Il était excellent géographe. L'instrument le plus précieux et le plus complet pour l'étude de cette science, a été commencé par ses ordres et sous sa direction. C'est un immense globe en cuivre qui existe en ce moment à la bibliothèque Mazarine, et qui n'est point achevé. Louis XVI a lui-même inventé et fait exécuter sous ses yeux l'ingénieux mécanisme qu'exigeait le jeu de ce globe.

Un homme, qui prétend être entré dans ses appartemens secrets, à Versailles, après le 10 août, nous a conservé, sur les dispositions de ses cabinets, de ses livres, de ses cartes, de ses papiers, de ses meubles et des outils qu'il employait, une foule de détails qui peignent, avec beaucoup d'intérêt, ses goûts, son caractère, ses occupations, ses habitudes. De pareils détails sont presque à la vie privée d'un prince, ce qu'un portrait est pour sa ressemblance, un fac-simile pour son écriture. (Voyez la lettre M.)

(Note de l'édit.)

ractère sacrifierait volontiers les prérogatives royales à la solide grandeur de son peuple; son cœur le portait, à la vérité, vers des idées de réforme; mais ses principes, ses préjugés, ses craintes, les clameurs des gens pieux et des privilégiés, l'intimidaient et lui faisaient abandonner des plans que son amour pour le peuple lui avait fait adopter.

Monsieur avait dans son maintien plus de dignité que le roi; mais sa taille et son embonpoint gênaient sa démarche; il aimait la représentation et la magnificence; il cultivait les belles-lettres, et, sous des noms empruntés, fit plusieurs fois insérer dans le Mercure ou dans d'autres journaux des vers dont il était l'auteur (1).

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(1) Élevé sur le trône ou placé seulement sur ses premiers degrés, le prince dont parle ici madame Campan aima toujours et protégea les lettres. La faveur éclairée qu'il accordait aux talens était connue de la France entière. Dans un voyage que fit Monsieur pour parcourir diverses provinces du royaume, il visita Toulouse. « Après que le parlement eut harangué ce prince, dit un ouvrage du temps, son altesse royale, par une distinct on particulière qu'elle voulut accorder aux lettres,

Sa mémoire prodigieuse servait son esprit,en lui fournissant les plus heureuses citations; il savait par coeur depuis les plus beaux passages de la latinité classique, jusqu'au latin de toutes les prières; depuis les OEu

reçut l'hommage de l'académie des jeux floraux avant celui des Cours souveraines. L'abbé d'Auffreri, conseiller au parlement, porta la parole au nom de l'académie dont il était membre. « C'est, dit-il, à l'élo»quence et à la poésie à vous peindre, Monseigneur, » faisant, dans l'âge des plaisirs, vos plus chères dé>>lices de la retraite et de l'étude, et partageant ce » goût enchanteur avec l'auguste princesse dont les >> vertus réunies font le bonheur de vos jours. » L'orateur avait placé à la fin de son discours un éloge de feu M. le dauphin, père du roi et de ses frères ; le prince s'attendrit en l'écoutant, et lorsque l'abbé d'Auffreri eut cessé de parler, il s'approcha de lui, et lui dit avec bonté : « Je remercie l'académie des sentimens qu'elle >> me témoignc; je connaissais depuis long-temps sa >> célébrité; vous confirmez, Monsieur, l'idée que j'a>> vais de ce corps; il peut toujours compter sur ma >> protection. » (Anecdotes du règne de Louis XVI, tome II, p. 21 et 22.)

* Pendant son séjour à Avignon, Monsieur logea à l'hôtel du duc de Crillon : il refusa la garde bourgeoise qui lui fut offerte, en disant : « Un fils de France, logé >> chez un Crillon, n'a pas besoin de gardes.

«

(Note de l'édit.)....

vres de Racine, jusqu'au vaudeville de Rose et Colas.

Le comte d'Artois était d'une figure agréable, bien fait, adroit dans les exercices du corps, vif, quelquefois impétueux, occupé de plaisirs et recherché dans sa toilette.

On se plaisait à répéter de lui des mots heureux, dont quelques-uns donnaient de son cœur une idée favorable (1). Les Pari

(1) On trouve, dans un écrit du temps, une repartie qui honore l'humanité du prince. Il s'agissait du sort des prisonniers; M. le comte d'Artois voulait qu'on respectât toujours en eux le malheur, et qu'on ne fit point subir à ceux qui ne sont qu'accusés, le sort des coupables atteints par les lois. Voici ce qu'on lit à ce sujet dans cet écrit :

« L'abbé de Besplas, célèbre prédicateur, prononça, devant le roi, un discours de la Cène qui avait pour sujet : Des caractères de la charité dans un roi. Ce morceau sur les cachots fit l'impression la plus vive.

« Sire, l'état des cachots de votre royaume arrache>> rait des larmes aux plus insensibles qui les visite>> raient. Un lieu de sûreté ne peut, sans une énorme >> injustice, devenir un séjour de désespoir. Vos ma»gistrats s'efforcent d'y adoncir l'état des malheureux; >> mais, privés des secours nécessaires pour la répara>>tion de ces antres infects, ils n'ont qu'un morne si

siens aimaient dans ce prince cet air ouvert et dégagé, attribut du caractère français, et lui témoignaient une véritable affection.

L'empire que prenait la reine sur l'esprit du roi, le charme d'une société où

>>lence à opposer aux plaintes des infortunés. Oui, » j'en ai vu, Sire, et mon zèle me force ici, comme » Paul, à honorer mon ministère; oui, j'en ai vu qui, >> couverts d'une lèpre universelle, par l'infection de » ces repaires hideux, bénissaient mille fois dans nos >> bras le moment fortuné où ils allaient enfin subir le >> supplice. Grand Dieu ! sous un bon prince, des su» jets qui envient l'échafaud! Jour immortel, soyez » béni! j'ai acquitté le vœu de mon cœur, de déchar»ger le poids d'une si grande douleur dans le sein du >> meilleur des monarques. >>

» On remarqua à ce morceau la plus grande attention du roi et des princes ses frères. Le comte d'Artois fit même, au sujet de ce qu'il venait d'entendre, une trèsbelle repartie. Le lendemain, à son lever, un courtisan égoïste et corrupteur, ainsi qu'ils le sont presque tous, eut l'insouciance d'observer que l'abbé de Besplas s'était plaint mal à propos de la manière dont les prisonniers étaient traités dans les cachots qu'on pouvait regarder comme une partie de la peine que méritent leurs crimes. Le prince l'interrompit alors avec vivacité, en s'écriant : « Sait-on s'ils sont coupables? >> on n'en est assuré que par l'arrêt. »

(Note de l'édit.)

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