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juger si les Parisiens se divertirent de cette réponse.

La reine fut très-mortifiée des fautes que son frère avait commises; mais ce qui la blessa le plus, à cette occasion, fut d'être accusée de conserver le coeur autrichien. Dans le long cours de ses malheurs, Marie- Antoinette eut à supporter plus d'une fois cette cruelle imputation; l'habitude n'avait point tari les larmes que lui coûtait une pareille injustice; mais la première fois qu'on la soupçonna de ne point aimer la France, elle fit éclater son indignation. Tout ce qu'elle put dire à ce sujet fut inutile servant les prétentions de l'archiduc, elle avait donné des armes à ses ennemis ; ils essayèrent de lui faire perdre l'amour du peuple on chercha, par tous les moyens, à répandre l'opinion que la reine regrettait l'Allemagne et la préférait à la France.

; en

Pour conserver la faveur inconstante de

rendre aussi visite à M. de Buffon, et dit à cet homme célèbre Je viens chercher l'exemplaire que mon frère a oublié.

:

(Note de l'édit,)

la cour et du public, Marie-Antoinette n'avait d'autre appui qu'elle-même; le roi, trop indifférent pour lui servir de guide, ne l'aimait pas encore; l'intimité qui s'était établie entre eux, à Choisy, n'avait point eu de suite.

Dans son cabinet, Louis XVI s'attachait à des études sérieuses. Au conseil, il s'occupait du bonheur de son peuple; la chasse et des occupations mécaniques remplissaient ses loisirs, et il ne songeait pas à se donner •un héritier.* :

Le sacre du roi eut lieu à Reims avec la pompe usitée. A cette époque, Louis XVI éprouva ce qui peut et doit le plus toucher le cœur d'un souverain vertueux. L'amour que le peuple avait pour lui éclatait avec ces transports unanimes qu'on peut distinguer aisément des mouvemens de la curiosité ou des clameurs que poussent les partis. Il répondit à cet enthousiasme par une confiance honorable pour un peuple heureux d'être soumis à un bon roi; il voulut se promener plusieurs fois sans gardes au milieu de la foule qui le pressait et le

bénissait. J'ai remarqué dans ce temps l'impression que fit un mot de Louis XVI. Le jour de son couronnement, au milieu du choeur de la cathédrale de Reims, il porta la main à sa tête lorsqu'on y posa la couronne et dit « Elle me gêne. >>

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:

Henri III avait dit : « Elle me pique. » Les témoins les plus rapprochés du roi furent frappés de cette similitude entre ces deux exclamations, et cependant on peut juger que ceux qui avaient l'honneur d'être ce jour-là assez près du jeune monarque pour entendre ce qu'il disait, n'étaient point de cette classe que des lumières bornées rendent superstitieuse (1).

Dans le temps où la reine délaissée ne

(1) Le récit du sacre de Louis XVI est curieux pour la génération nouvelle, parce qu'on y retrouve tous les usages de l'ancienne monarchie. Plusieurs circonstances peignent d'ailleurs, sous le jour le plus favorable, le caractère du roi et de Marie-Antoinette. Mais comme ces détails sont extraits d'un ouvrage publié en 1791, il ne faudra pas être surpris de les trouver fortement empreints de l'esprit et des opinions du temps. (Voyez la lettre L.) (Note de l'édit.)

pouvait pas même espérer le bonheur d'être mère, elle eut le chagrin de voir madame la comtesse d'Artois accoucher du duc d'Angoulême.

L'usage voulait que la famille et toute la cour assistassent à l'accouchement des princesses; celui des reines était même public. La reine fut donc obligée de rester, toute une journée, dans la chambre de sa bellesœur. Au moment où l'on annonça que c'était un prince, la comtesse d'Artois se frappa le front avec vivacité, en s'écriant : << Mon Dieu que je suis heureuse! » La reine ressentit cette exclamation involontaire et bien naturelle, d'une manière bien différente. Elle n'avait pas même, à cette époque, l'espoir de devenir mère. Cependant sa contenance fut parfaite. Elle donna toutes les marques possibles de tendresse à la jeune accouchée, et ne voulut la quitter que lorsqu'elle fut replacée dans son lit; ensuite elle traversa les escaliers et la salle des gardes avec un maintien fort calme, au milieu d'une foule immense. Les poissardes, qui s'étaient arrogé le droit de par

ler aux souverains dans leur ridicule et grossier langage, la suivirent jusqu'aux portes de ses cabinets, en lui criant, avec les expressions les plus licencieuses, que c'était à elle de donner des héritiers. La reine arriva dans son intérieur, très-agitée et précipitant ses pas; elle s'enferma seule avec moi pour pleurer, non de jalousie sur le bonheur de sa belle-sœur, elle en était incapable, mais de douleur sur sa position.

J'ai eu souvent occasion d'admirer la modération de la reine dans toutes les circonstances d'intérêt majeur et personnel : elle était extrêmement touchante dans le malheur.

Privée du bonheur de donner un héritier à la couronne, la reine cherchait à s'environner d'illusions qui pouvaient flatter son cœur. Elle avait toujours près d'elle quelques enfans appartenant aux gens de sa maison, et leur prodiguait les plus tendres caresses. Depuis long-temps elle désirait d'en élever un elle-même, et d'en faire l'objet constant de ses soins. Un petit villageois de quatre à cinq ans, d'une figure

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