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La reine parlait à l'abbé de Vermond des importunités sans cesse renaissantes dont elle avait à se dégager, et je remarquais qu'après l'avoir écouté, elle se jetait avec complaisance dans les idées philosophiques de la simplicité sous le diadème, de la confiance paternelle dans des sujets dévoués. Ce doux roman de la royauté, qu'il n'est pas donné à tous les souverains de réaliser, flattait singulièrement le coeur tendre et la jeune imagination de Marie-Antoinette.

Élevée dans une cour où la simplicité s'alliait avec la majesté ; placée à Versailles entre une dame d'honneur importune et un conseiller imprudent, il n'est pas étonnant que, devenue reine, elle ait voulu se soustraire à des contrariétés dont elle ne jugeait pas l'indispensable nécessité : cette erreur tenait à une vraie sensibilité. Cette infortunée princesse, contre laquelle on est parvenu à soulever l'opinion du peuple français, possédait des qualités dignes d'obtenir la plus grande popularité. En douterait-on si, comme moi, on l'eût entendue raconter avec délices les détails des moeurs patriarcales de la mai

son de Lorraine? Elle disait qu'en les transportant en Autriche, ces princes y avaient fondé l'inattaquable popularité dont jouissait la famille impériale (1). Elle m'a souvent raconté de quelle manière touchante les ducs de Lorraine levaient des impôts. Le prince souverain se rendait à l'église, me disait-elle; après le prône il se levait, agitait son chapeau en l'air pour indiquer qu'il allait parler, et disait ensuite quelle était la somme dont il avait besoin. Tel était le zèle des bons Lorrains, qu'on avait vu des hommes dérober, à l'insu de leurs femmes, le linge ou quelques ustensiles de ménage, et aller vendre ces objets pour augmenter la contribution; aussi arrivait-il souvent que le prince recevait plus d'argent qu'il n'en avait demandé, alors il le faisait rendre.

Tous ceux qui connurent les qualités privées de la reine, savent qu'elle méritait autant d'estime que d'attachement; bonne et

(1) Lisez dans les éclaircissemens historiques (lettre I) des particularités curieuses sur la simplicité de la cour de Vienne. (Note de l'édit.)

patiente jusqu'à l'excès dans les détails de son service, elle appréciait avec indulgence toutes les personnes qui lui étaient attachées, s'occupait de leur sort et même de leurs plaisirs. Elle avait parmi ses femmes de jeunes filles sorties de la maison de SaintCyr, et toutes fort bien nées; la reine leur interdisait le spectacle lorsque les pièces ne lui paraissaient pas d'une moralité convenable quelquefois, lorsqu'on représentait d'anciennes comédies, sa mémoire se trouvant en défaut pour les juger, elle prenait la peine de les lire dans la matinée, et prononçait ensuite si les demoiselles pouvaient aller au spectacle, se regardant avec raison comme chargée de veiller aux mœurs et à la conduite de ces jeunes personnes.

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Je trouve du plaisir à pouvoir consigner ici la vérité sur deux qualités estimables que la reine possédait aussi au plus haut degré, la sobriété et la décence. Elle ne mangeait habituellement que de la volaille rôtie ou bouillie, et ne buvait que de l'eau. Elle ne témoignait de goût particulier que pour son café du matin, et une sorte de pain auquel

elle avait été accoutumée, dans son enfance, à Vienne.

Sa modestie était extrême dans tous les détails de sa toilette intérieure; elle se baignait vêtue d'une longue robe de flanelle boutonnée jusqu'au col; et, tandis que ses deux baigneuses l'aidaient à sortir du bain, elle exigeait que l'on tînt devant elle un drap assez élevé pour empêcher ses femmes de l'apercevoir. Cependant un nommé Soulavie a osé écrire, dans le premier volume d'un ouvrage des plus scandaleux, que la reine était d'une effroyable immodestie; qu'elle se baignait nue, et qu'elle avait reçu dans cet état un ecclésiastique vénérable. Quel châtiment ne devrait-on pas infliger à des libellistes qui osent vouloir donner à leurs perfides mensonges le caractère de Mémoires historiques (1)!

(1) On partage l'indignation qu'éprouve madame Campan, quand on a lu, dans l'abbé Soulavie, les détails qu'elle dément avec une honorable vivacité. Comment un historien, qui devait avoir quelque critique, a-t-il pu ́accueillir des assertions aussi mensongères? Comment un homme qui a quelque pudeur,

CHAPITRE V.

Révision des papiers de Louis XV par Louis XVI. - Homme au masque de fer. Intérêts qu'avait le feu roi dans des compaReprésentation d'Iphigé

gnies de finances.

Son égoïsme.

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- Ivresse

Reproches sur sa pro

Ses ennemis font courir

· Mésa

nie en Aulide à laquelle assiste Marie-Antoinette. générale. - Le roi donne le petit Trianon à la reine. - Plaisir qu'elle trouve à y vivre simplement digalité : combien ils sont injustes. le bruit qu'elle a donné le nom de Schoenbrunn ou de petit Vienne à Trianon: elle en est indignée. — Voyage de l'archiduc Maximilien en France. Questions de préséance. venture de l'archiduc. Couches de madame la comtesse d'Artois. - Les poissardes crient à la reine de donner des héritiers au trône. Sa douleur. - Petit villageois recueilli par elle.-Mort du duc de La Vauguyon. - Anecdote. - Portrait De M. le comte de Provence. De M. le Scènes d'intérieur. Aiguille d'une pen

de Louis XVI.

comte d'Artois.

dule avancée chez la reine : à quelle occasion. - Réflexions.

LOUIS XVI, pendant les premiers mois de son règne, avait séjourné à la Muette, à

comment un prêtre a-t-il osé les écrire? On conçoit, après avoir lu ce passage de ses Mémoires historiques, pourquoi l'on hésite à les consulter, et comment de pareilles assertions jettent du discrédit sur les choses trèsvraies qu'il a pu dire dans le mênɩe ouvrage.

(Note de l'édit.)

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