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Vous repasserez la barrière

Laire, laire, laire lanlaire, laire lanla.

Les fautes des grands ou celles que la méchanceté leur attribue, circulent avec la plus grande rapidité dans le monde, et s'y conservent comme une espèce de tradition historique que le provincial le plus obscur aime à répéter. Plus de quinze ans après cet événement, j'entendais raconter à de vieilles dames, au fond de l'Auvergne, tous les détails du jour des révérences pour le deuil du feu roi, où, disait-on, la reine avait indécemment éclaté de rire au nez des duchesses et des princesses sexagénaires qui avaient cru devoir paraître pour cette

cérémonie.

Le roi et les princes ses frères s'étaient décidés à profiter des avantages de l'inoculation, pour se préserver de la funeste maladie qui venait de faire succomber leur aïeul; mais l'utilité de cette nouvelle découverte n'étant pas alors généralement reconnue en France, beaucoup de gens à Paris furent très-alarmés du parti que venaient de prendre les princes; ceux qui le

blâmèrent hautement se plurent à en rejeter tout le tort sur la reine, qui seule avait pu, disait-on, se permettre de donner un conseil aussi téméraire, l'inoculation étant déjà établie dans les cours du Nord. Celle du roi et de ses frères, faite par le docteur Jauberthou, eut heureusement un succès complet.

Le voyage de Marly, lorsque l'état de convalescence fut entièrement établi, devint assez gai. On fit beaucoup de parties de cheval et de calèche. La reine eut l'idée de se donner une jouissance fort innocente; jamais elle n'avait vu le lever de l'aurore comme elle n'avait plus d'autre permission à obtenir que celle du roi, elle lui fit connaître son désir. Il consentit à ce qu'elle se rendit, à trois heures du matin, sur les hauteurs des jardins de Marly; et malheureusement, peu porté à partager ses plaisirs, il fut se coucher. La reine suivit donc son idée; mais comme elle prévoyait quelques inconvéniens à cette partie de nuit, elle voulut avoir avec elle beaucoup de monde, et ordonna même à ses femmes de la sui

vre. Toute précaution était inutile pour empêcher l'effet de la calomnie, qui dèslors cherchait à diminuer l'attachement général qu'elle avait inspiré. Peu de jours après il circulait à Paris le libelle le plus. méchant qui ait paru dans les premières années du règne. On peignait sous les plus noires couleurs une partie de plaisir si innocente, qu'il n'y a point de jeune femme vivant à la campagne qui n'ait cherché à se la procurer. La pièce de vers qui parut à cette occasion était intitulée : Le lever de l'aurore (1).

Le duc d'Orléans, alors duc de Chartres, était du nombre des personnes qui ac

(1) C'était donc par des libelles et par des chansons que les ennemis de Marie-Antoinette accueillaient les premiers jours de son règne. Ils se hâtaient de la dépopulariser. Leur but était, sans aucun doute, de la faire renvoyer en Allemagne; et pour y parvenir, ils n'avaient pas un moment à perdre : l'indifférence du roi pour cette aimable et belle épouse était déjà une espèce de prodige; d'un jour à l'autre, les charmes séduisans de Marie-Antoinette pouvaient déjouer toutes les machinations.

(Note de madame Campan.)

compagnaient la jeune reine à cette promenade nocturne : il paraissait, à cette époque, très-occupé d'elle; mais ce fut le seul instant de sa vie où il y eut quelque rapprochement d'intimité entre la reine et ce prince. Le roi n'aimait pas le caractère du duc de Chartres, et la reine le tint toujours éloigné de sa société particulière. C'est donc sans aucune espèce de probabilité que quelques écrivains ont attribué à des sentimens de jalousie ou d'amourpropre blessé, la haine qu'il a manifestée contre la reine, dans les dernières années de leur existence.

Ce fut à ce premier voyage de Marly que parut à la cour le joaillier Boehmer, dont l'ineptie et la cupidité amenèrent, dans la suite, l'événement qui porta l'atteinte la plus funeste au bonheur et à la gloire de MarieAntoinette. Cet homme avait réuni, à grandsfrais, six diamans, en forme de poires, d'une grosseur prodigieuse ; ils étaient parfaitement égaux, et de la plus belle eau. Ces boucles d'oreilles avaient été destinées à la comtesse Du Barry, avant la mort de Louis XV.

Boehmer, recommandé par plusieurs personnes de la cour, vint présenter son écrin à la reine il demandait quatre cent mille francs de cet objet; la jeune princesse ne put résister au désir de l'acheter; et le roi venant de porter à cent mille écus par an les fonds de la cassette de la reine qui, sous le règne précédent, n'était que de deux cent mille livres, elle voulut faire cette acquisition sur ses économies, et ne point grever le Trésor royal du paiement d'un objet de pure fantaisie: elle proposa à Boehmer de retirer les deux boutons qui formaient le haut des girandoles, pouvant les remplacer par deux de ses diamans. Il y consentit, et réduisit les girandoles à trois cent soixante mille francs, dont le paie-ment fut réparti en différentes sommes et acquitté en quatre ou cinq années par la première femme de la reine, chargée des fonds de sa cassette. Je n'ai omis aucuns détails sur cette acquisition, les croyant trèspropres à jeter un vrai jour sur l'événement trop fameux du collier, arrivé vers la fin du règne de Marie-Antoinette. Ce fut aussi à ce

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