de M. de Maurepas. On rappela le page qui était muni de la première lettre (1). Le duc d'Aiguillon avait eu trop ouvertement le titre d'ami particulier de la maî (1) Ce fait a été mis en doute; mais je puis assurer que Louis XVI s'adressa à M. Campan pour rappeler le page; qu'il le trouva prêt à monter à cheval, le fit remonter pour rendre sa lettre au roi lui-même; et que la reine dit à ce sujet à mon beau-père : « Si la lettre eût été partie, M. de Machault eût été premier ministre, car jamais le roi n'eût pris sur lui d'écrire une seconde lettre contraire à sa première volonté *. » (Note de madame Campan.) S'il faut en croire un écrivain du temps, l'abbé de Radonvilliers ne fut point sans influence dans cette dernière détermination. L'on peut voir (lettre G) les motifs secrets qui faisaient agir l'ancien précepteur du jeune monarque. Chamfort rapporte, au sujet de la nomination de M. le comte de Maurepas, l'anecdote suivante : A C'est un fait connu, que la lettre du roi, envoyée à M. de Maurepas, avait été écrite pour M. de Machault. On sait quel intérêt particulier fit changer cette disposition; mais, ce qu'on ne sait point, c'est que M. de Maurepas escamota, pour ainsi dire, la place qu'on croit lui avoir été offerte. Le roi ne voulait que causer avec lui. A la fin de la conversation, M. de Maurepas lui dit: Je développerai mes idées demain au conseil. On assure aussi que, dans cette même conversation, il avait dit au roi: Votre Majesté me fait donc premier ministre? Non, répliqua le roi, ce n'est point du tout mon intention. J'entends, dit M. de Maurepas; Votre Majesté veut que je lui apprenne à s'en passer. (Note de l'édit.). tresse du roi; il fut congédié. M. de Ver- (1) Je trouve, dans un écrit du temps, au sujet de peou fut exilé; la joie en fut universelle ; ensuite le rappel des parlemens produisit la plus grande sensation Paris était dans la nomination de M. de Clugny, une anecdote que je rapporterai sans vouloir en contester, mais aussi sans prétendre en garantir l'exactitude. «Les spéculateurs ont cru voir dans l'élévation de M. de Clugny un premier succès du parti qui cherche à faire rentrer M. de Choiseul dans le ministère. Il paraît cependant que ses efforts seront inutiles. M. de Maurepas, instruit de tout ce qui se passait, a concerté avec le roi un moyen de lui faire découvrir le fil de l'intrigue qui se tramait pour le subjuguer. Il est parti pour Pontchartrain, en prévenant le monarque de toutes les démarches qui auraient lieu dans ce point de vue, pendant son absence. Deux fois par jour, le mentor a reçu un courrier de son maître qui l'instruisait de tout ce qui se faisait et disait à cette intention. Le roi lui marqua même un jour qu'on lui avait apporté une gazette anglaise où l'on disait que, si le duc de Choiseul était nommé premier ministre, comme il y avait apparence, la France deviendrait plus puissante à elle seule que toutes les puissances de l'Europe. Le jour du retour de M. de Maurepas, le roi dit en pleine cour: J'apprends que M. de Choiseul est à Paris ; que n'est-il à Chanteloup? Quand on a le bonheur d'avoir une terre, c'est la saison d'y étre. Tous les amis du duc sont restés muets, et le lendemain il a quitté Paris. >> (Correspondance secrète de la cour, t. III, p. 10.) (Note de l'édit.) l'ivresse de la joie, et l'on rencontrait tout au plus une personne sur cent qui prévît que l'esprit de l'ancienne magistrature serait toujours le même ; et qu'avant peu elle oserait porter de nouvelles atteintes à l'autorité royale. Madame Du Barry avait été exilée au Pont-aux-Dames. Cette mesure était plus de nécessité que de rigueur : quelque temps de retraite forcée était indispensable pour lui faire perdre le fil des affaires. On lui conserva la possession de Luciennes et une pension considérable (1). Tout (1) La comtesse Du Barry ne perdit jamais le souvenir du traitement indulgent qu'elle avait éprouvé à la cour de Louis XVI; elle fit dire à la reine, pendant les crises les plus fortes de la révolution, qu'il n'y avait point en France de femme plus pénétrée de douleur qu'elle ne l'était, pour tout ce que sa souveraine avait à souffrir; que l'honneur qu'elle avait eu de vivre, plusieurs années, rapprochée du trône, et les bontés infi- . nies du roi et de la reine, l'avaient si sincèrement attachée à la cause de la royauté, qu'elle suppliait la reine de lui accorder l'honorable faveur de disposer de tout ce qu'elle possédait. Sans rien accepter de ses offres, Leurs Majestés furent touchées de sa reconnaissance. La comtesse Du Barry fut, comme on le sait, une des le monde s'attendait au rappel de M. le duc de Choiseul; les regrets qu'il avait laissés à la cour parmi ses nombreux amis, l'attachement d'une jeune princesse qui lui devait le trône de France, tout paraissait annoncer son retour: la reine le demanda au roi avec les instances les plus vives, mais elle rencontra un obstacle invincible et qu'elle n'avait pas prévu. Le roi avait, dit-on, puisé les plus fortes préventions contre ce ministre (1), dans des Mémoires secrets écrits par son père, avec l'injonction faite au duc de La Vauguyon de les lui remettre aussitôt qu'il serait en âge de s'occuper de l'art de régner (2). Ce furent ces victimes de la révolution. Elle montra la plus grande faiblesse et le plus ardent amour pour la vie. C'est la seule femme qui ait pleuré sur l'échafaud, et demandé grâce. Sa beauté et ses larmes touchèrent le peuple; on hâta l'exécution. (Note de madame Campan.) (1) Ces préventions ne portaient point sur le prétendu crime dont la calomnie avait accusé ce ministre; mais principalement sur la destruction des jésuites, à laquelle il avait eu en effet une part considérable. (Note de madame Campan.) (2) Il serait difficile de révoquer en doute l'existence |