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acquis ce degré de perfection en France, cette partie de son éducation ayant été aussi négligée à Vienne que les autres. Peu de jours après son arrivée à Versailles, on lui présenta son maître de chant, c'était La Garde; auteur de l'opéra d'Églé. Elle lui donna un rendez-vous pour un temps assez éloigné, ayant besoin, disait-elle, de se reposer des fatigues de la route et des fêtes nombreuses qui avaient eu lieu à Versailles ; mais son motif réel était de cacher à quel point elle ignorait les premiers élémens de la musique. Elle demanda à M. Campan si son fils, qui était bon musicien, pourrait en secret lui donner, pendant trois mois, des leçons « Il faut, ajouta-t-elle en sou» riant, que la dauphine prenne soin de la >> réputation de l'archiduchesse.» Les leçons s'établirent secrètement, et, au bout de trois mois de travail constant, elle fit appeler M. La Garde et l'étonna par sa facilité.

Le désir de perfectionner Marie-Antoinette dans l'étude de la langue française fut probablement le motif qui avait déterminé Marie-Thérèse à lui donner pour maî

tres et lecteurs deux comédiens français, Aufresne pour la prononciation et la déclamation, et un nommé Sainville pour le goût du chant français ; ce dernier avait été officier en France, et passait pour un mauvais sujet. Ce choix déplut justement à notre cour. Le marquis de Durfort, alors ambassadeur à Vienne, reçut l'ordre de faire des représentations à l'impératrice sur un pareil choix. Les deux acteurs furent congédiés, et cette princesse demanda qu'on lui adressât un ecclésiastique. Ce fut à cette époque que le duc de Choiseul s'occupa de lui envoyer un instituteur. Plusieurs ecclésiastiques distingués refusèrent de se charger de fonctions aussi délicates; d'autres désignés par Marie-Thérèse (entres autres l'abbé Grisel) tenaient à des partis qui devaient les faire exclure.

M. l'archevêque de Toulouse, depuis archevêque de Sens, entra un jour chez M. le duc de Choiseul, au moment où il était véritablement embarrassé pour cette nomination; il lui proposa l'abbé de Vermond, bibliothécaire du collége des Quatre-Nations.

Le bien qu'il dit de son protégé le fit agréer le jour même ; et la reconnaissance de l'abbé de Vermond pour le prélat fut bien funeste à la France, puisque, après dix-sept ans d'efforts persévérans pour l'amener au ministère, il parvint à le faire nommer controleur-général et chef du conseil.

Cet abbé de Vermond, dont les historiens parleront peu parce que son pouvoir était resté dans l'ombre, déterminait presque toutes les actions de la reine. Il avait établi son influence sur elle dans l'âge où les impressions sont le plus durables, et il était aisé de voir qu'il n'avait cherché qu'à se faire aimer de son élève, et s'était très-peu occupé du soin de l'instruire. On pourrait l'accuser même d'avoir, par un calcul adroit mais coupable, laissé són élève dans l'ignorance. Marie-Antoinette parlait la langue française avec beaucoup d'agrément, mais l'écrivait moins bien. L'abbé de Vermond revoyait toutes les lettres qu'elle envoyait à Vienne. La fatuité insoutenable avec laquelle il s'en vantait, dévoilait le caractère d'un homme plus flatté d'être initié dans les

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secrets intimes, que jaloux d'avoir rempli dignement les importantes fonctions d'insti

tuteur.

Son orgueil avait pris naissance à Vienne où Marie-Thérèse, autant pour lui donner du crédit sur l'esprit de l'archiduchesse, que pour s'emparer du sien, lui avait permis de se rendre tous les soirs au cercle intimne de sa famille, où depuis quelque temps la future dauphine était elle-même admise. Joseph II, les archiduchesses aînées, quelques seigneurs honorés de la confiance de MarieThérèse, formaient cette réunion; et tout ce qu'on peut attendre de personnes d'un rang élevé, en réflexions sur le monde, sur les cours et sur les devoirs des princes, faisait le sujet habituel de ces entretiens. L'abbé de Vermond, en racontant ces détails, avouait le moyen qu'il avait employé pour être admis dans ce cercle intime. L'impératrice, l'ayant rencontré chez l'archiduchesse, lui demanda s'il avait formé quelques liaisons à Vienne? « Aucune, Madame, » répondit-il; l'appartement de madame » l'archiduchesse et l'hôtel de l'ambassa

que

» deur de France, sont les seuls lieux » doive fréquenter l'homme honoré du soin » de l'éducation de la princesse. » Un mois après, Marie-Thérèse, par une habitude assez ordinaire aux souverains, rencontrant l'abbé, lui fit la même question, et sa réponse fut exactement semblable. Le lendemain il reçut l'ordre de se rendre tous les soirs au cercle de la famille impériale.

Il est très-probable, par les relations constantes et connues de cet homme avec le comte de Mercy, ambassadeur de l'Empire pendant toute la durée du règne de Louis XVI, qu'il était utile à la cour de Vienne (1), et qu'il a souvent déterminé la reine à des démarches dont elle n'appréciait pas les conséquences. Né dans une classe obscure de la bourgeoisie (2), imbu

(1) Comment supportez-vous ce bavard ennuyeux? disait un jour au comte de Mercy une personne qui avait dîné avec l'abbé de Vermond chez cet ambassadeur. Comment me le demandez-vous? répondit M. de Mercy; vous pourriez vous-même faire la réponse: c'est que j'en ai besoin.

(Note de madame Campan.) (2) Fils d'un chirurgien de village, et frère d'un ac

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