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La Volupté la sert avec des yeux dévots,

Et toujours le Sommeil lui verse des pavots. 1
los Ce soir, plus que jamais, en vain il les redouble:
La Mollesse à ce bruit se réveille, se trouble,
Quand la Nuit, qui déjà va tout envelopper,
D'un funeste récit vient encor la frapper;
Lui conte du prélat l'entreprise nouvelle.
10 Aux pieds des murs sacrés d'une sainte chapelle,
Elle a vu trois guerriers, ennemis de la paix,
Marcher à la faveur de ses voiles épais;

La Discorde en ce lieu menace de s'accroître ; Demain avec l'aurore un lutrin va paroître,* 115 Qui doit y soulever un peuple de mutins.

un valet nonchalant pour pétrir; un peintre en voudroit encore moins pour broyer ses couleurs : ce sont des actions pénibles. Cependant, bien ou mal, c'est une imitation. » (La Défense des beaux-esprits de ce temps contre un satırique, p. 38.) Peut-on rien voir de plus ridicule et de

plus fou?

Il est plus vrai de dire que ce tableau avait inspiré à Voltaire, dans sa Henriade, ch. IX, les vers qui suivent :

C'est alors que l'on vit dans les bras du repos

Les folâtres plaisirs désarmer le héros :

L'un tenait sa cuirasse, encor de sang trempée;
L'autre avait détaché sa redoutable épée,

Et riait en voyant dans ses débiles mains

Ce fer, l'appui du trône et l'effroi des humains.

Il les sacrifia plus tard.

1.

Et le sommeil trompeur lui versait ses pavots.

(VOLTAIRE, Henriade, ch. II, v. 180.)

2. Il ne faut pas s'étonner de ces deux rimes. On prononce l'accraître, dit Marmontel, pour la rime, et cela est assez usité. Mme Deshoulières dit :

Puisse durer, puisse croitre

L'ardeur de mon jeune amant,

Comme feront sur ce hétre

Les marques de mon tourment.

Dans l'épître III, Boileau fait rimer paroître avec cloître, nous avons dit pourquoi. V. 81.

Ainsi le ciel l'écrit au livre des destins.1

A ce triste discours, qu'un long soupir achève, La Mollesse, en pleurant, sur un bras se relève, Ouvre un œil languissant, et, d'une foible voix, 420 Laisse tomber ces mots qu'elle interrompt vingt fois : O Nuit! que m'as-tu dit? quel démon sur la terre Souffle dans tous les cœurs la fatigue et la guerre?" Hélas! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps, Où les rois s'honoroient du nom de fainéants, 5 25 S'endormoient sur le trône, et, me servant sans honte, Laissoient leur sceptre aux mains ou d'un maire ou d'un comte?" Aucun soin n'approchoit de leur paisible cour :

4

On reposoit la nuit, on dormoit tout le jour.
Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines

1. « Le livre des destins et un lutrin! c'est de cette opposition perpé-
tuelle des grandes et des petites choses que naît le comique du poëme.
(ANDRIEUX.) — C'est le sic volvere Parcas de Virgile, Eneide, liv. I.

2. Effusæque genis lacrymæ, et vox excidit ore.

(VIRGILE, Eneide, liv. VI, v. 686.)

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3. Dans la bouche de la Mollesse, « souffler la fatigue » est une expression d'un rare bonheur.

4. On retrouve le dessin de ce morceau dans le discours que Voltaire,
au chant IV de la Henriade, met dans la bouche de la Politique :

Je ne suis plus, dit-elle, en ces temps bienheureux,
Où les peuples séduits me présentaient leurs vœux,
Où la crédule Europe, à mon pouvoir soumise,

Confondait dans mes lois les lois de son Eglise, etc., etc.

5. Ces rois fainéants ont été les derniers de la dynastie mérovingienne, leur série commence à Thierry III et comprend Clovis III, Childebert III, Dagobert III, Chilpéric II, Thierry IV et Childéric III (673-752).

6. Les maires du palais (majores domus, palatii) n'étaient d'abord chargés que de l'administration intérieure de la résidence royale. Peu à peu, sous les rois fainéants, ils usurpèrent le pouvoir politique qu'ils exercèrent à la place des rois. Les principaux maires du palais ont été : Ébroîn, SaintLéger, Pépin d'Héristal, Charles Martel, Pépin le Bref. Le comte était le second officier de la couronne (comes, compagnon du roi), il rendait la justice pour le prince.

130 Faisoit taire des vents les bruyantes haleines,
Quatre bœufs attelés, d'un pas tranquille et lent,
Promenoient dans Paris le monarque indolent. '
Ce doux siècle n'est plus. Le ciel impitoyable
A placé sur leur trône un prince infatigable.
135 I brave mes douceurs, il est sourd à ma voix;
Tous les jours il m'éveille au bruit de ses exploits.
Rien ne peut arrêter sa vigilante audace:
L'été n'a point de feux, l'hiver n'a point de glace.3
J'entends à son seul nom tous mes sujets frémir.
140 En vain deux fois la paix a voulu l'endormir :
Loin de moi son courage, entraîné par la gloire,
Ne se plaît qu'à courir de victoire en victoire.
Je me fatiguerois à te tracer le cours

Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours.
145 Je croyois, loin des lieux d'où ce prince m'exile,
Que l'Église du moins m'assuroit un asile;
Mais en vain j'espérois y régner sans effroi :
Moines, abbés, prieurs, tout s'arme contre moi.
Par mon exil honteux la Trappe' est ennoblie;
150 J'ai vu dans Saint-Denis la réforme établie;

Le Carme, le Feuillant s'endurcit aux travaux ;

1. « Ces deux vers marchent aussi lentement que les bœufs qui trainent le char. C'est ainsi que le poëme est écrit d'un bout à l'autre; partont le même rapport des sons avec les objets. » (La Harpe.)

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2. De 1674 à 1682, on lisait : sur le trône. Cet éloge délicat de Louis XIV devait plaire au roi. Suivant Brossette, ce morceau lui fut présenté par Mme de Thianges : « Ce prince voulut voir l'auteur, qu'il ne connoissoit encore que par ses satires, et Sa Majesté ordonna qu'on le fit venir à la cour. » Ce dut être vers l'année 1669.

3. Allusion à la première conquête de la Franche-Comté, dont le roi se rendit maître au commencement de février 1668.

4. Abbaye de Saint-Bernard dans laquelle l'abbé Armand Bouthillier de Rancé a mis la réforme. (BOILEAU, 1713.) — Armand-Jean Le Bouthillier de Rancé, né le 9 de janvier 1626, mort le 26 d'octobre 1700, rétablit l'étroite

Et la règle déjà se remet dans Clairvaux. '
Citeaux dormoit encore, et la Sainte-Chapelle
Conservoit du vieux temps l'oisiveté fidèle:
155 Et voici qu'un lutrin, prêt à tout renverser,
D'un séjour si chéri vient encor me chasser!
O toi! de mon repos compagne aimable et sombre,
A de si noirs forfaits prêteras-tu ton ombre?

Ah! Nuit, si tant de fois, dans les bras de l'amour, to Je t'admis aux plaisirs que je cachois au jour,

Du moins ne permets pas... La Mollesse oppressée
Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée,
Et, lasse de parler, succombant sous l'effort,
Soupire, étend les bras, ferme l'œil, et s'endort. 2

observance de Citeaux, en 1662, à l'abbaye de la Trappe, dans le Perche, dont il était abbé commandataire; il prononça ses vœux deux ans après et continua de tenir cette abbaye dans la règle, jusqu'en 1695 qu'il s'en démit. Cf. Chateaubriand, Vie de Rancé. (M. CHÉRON.)

1. Les abbayes de Clairvaux, de Saint-Denis, de Sainte-Geneviève, etc., furent réformées en 1624 et 1633 par le cardinal de La Rochefoucauld, commissaire général pour la réformation des ordres religieux en France.

2. L'abbé d'Olivet a analysé ce morceau avec un soin minutieux : voici quelques-unes de ses observations : « Oppressée est moins un mot qu'une image. Deux syllabes traînantes, et la dernière qui n'est composée que de l'e muet, ne font-elles pas sentir de plus en plus le poids qui l'accable? Tant de monosyllabes contribuent à me peindre l'état de la Mollesse, et je vois effectivement sa langue glacée. Je cours au dernier vers. Commençons par en marquer la quantité :

Soupire, étend les bras, ferme l'oeil, et s'endort.

Assurément, si des syllabes peuvent figurer un soupir, c'est une longue précédée d'une brève et suivie d'une muette, soupire. Dans l'action d'étendre les bras, le commencement est prompt, mais le progrès demande une lenteur continuée, étend les bras. Voici qu'enfin la Mollesse parvient où elle vouloit, ferme l'œil. Avec quelle vitesse! trois brèves! Et de là, par un monosyllabe bref, suivi de deux longues, et s'endort, elle se précipite dans un profond assoupissement. »

Brossette avait rapporté sur ce vers l'anecdote suivante :

« Madame la duchesse d'Orléans, Henriette-Anne d'Angleterre, avoit été si touchée de la beauté de ce vers, qu'ayant un jour aperçu de loin M. Des

CHANT III.

Mais la Nuit aussitôt de ses ailes affreuses Couvre des Bourguignons les campagnes vineuses, 1 Revole vers Paris, et, hâtant son retour,

Déjà de Montlhéri voit la fameuse tour.

préaux dans la chapelle de Versailles, où elle étoit assise sur son carreau, en attendant que le roi vînt à la messe, elle lui fit signe d'approcher et lui dit à l'oreille : « Soupire, étend les bras, ferme l'œil et s'endort. »

On aimait à répéter ce trait d'une princesse dont Bossuet a pu dire: « Je pourrois vous faire remarquer qu'elle connoissoit si bien la beauté des ouvrages de l'esprit, que l'on croyoit avoir atteint la perfection quand on avoit su plaire à Madame. » — Daunou fut le premier à douter de l'authenticité du récit. On sait que la princesse mourut en 1672. On pouvait supposer qu'elle avait eu connaissance de ces vers en manuscrit à l'année 1669 ou 1670, etc. Berriat-Saint-Prix réfute toutes ces suppositions. La plus grosse invraisemblance est qu'il y eût alors une chapelle à Versailles; elle n'y fut bâtie que trente ans après. - C'est égal, il en coûte de renoncer à cette anecdote.

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1. Une ancienne traduction des Géorgiques faite par un poëte obscur du nom de Martin avait employé cette expression pour rendre ce passage :

Et alte

Mitis in apricis coquitur vindemia saxis.
Attendant que le ciel, sur les croupes vineuses,
A chève de mûrir les grappes paresseuses.

Delille a dit ensuite:

Et les derniers soleils sur les côtes vineuses
Achèvent de mûrir les grappes paresseuses.

2. Tour très-haute, à six lieues de Paris, sur le chemin d'Orléans. (BoiLEAU, 1713.) — La tour de Montlhéry a été construite probablement dans la seconde moitié du xu siècle. Elle est célèbre par la sanglante bataille qui s'y livra en 1465, entre Louis XI et le duc de Berry, son frère, secondé des ducs de Bourgogne et de Bretagne.« On laisse, en sortant du Bourgla-Reine, Sceaux à la droite, et, à quelques lieues de là, Chilly à la gauche,

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