Achille mit vingt fois tout Ilion en deuil; En vain, malgré les vents, aux bords de l'Hespérie, Énée enfin porta ses dieux et sa patrie : Sans le secours des vers, leurs noms tant publiés Non, à quelques hauts faits que ton destin t'appelle, 2 Pour moi qui, sur ton nom déjà brûlant d'écrire, 1. J.-B. Rousseau, dans son ode au prince Eugène (liv. II, ode II), a dit de même : Mais combien de grands noms, couverts d'ombres funèbres, Dans l'éternel oubli languiroient inconnus ! Non, non, sans le secours des Filles de Mémoire N'éclaireront jamais les yeux de l'avenir. Voir aussi Horace, liv. IV, ode VIII. 2. Sint Mecænates, non deerunt, Flacce, Marones. (MARTIAL, 1. VIII, épigr. LV.) Seront à peine crus sur la foi des auteurs, 15 Si quelque esprit malin les veut traiter de fables, On dira quelque jour, pour les rendre croyables : Qui mit à tout blâmer son étude et sa gloire, 1 1. Voici comment Pradon appréciait ce passage: « Il semble que Boileau fait un grand effort pour louer le roi et qu'il lui a fait grâce en ne le déchirant pas... Son 186 vers est surtout fort insolent: On dira quelque jour. » 2. Boileau lut à Louis XIV les quarante derniers vers de cette épître la première fois qu'il lui fut présenté : « Voilà qui est très-beau, dit le prince, cela est admirable. Je vous louerois davantage si vous ne m'aviez pas tant loué. Le public donnera à vos ouvrages les éloges qu'ils méritent; mais ce n'est pas assez pour moi de vous louer. Je vous donne une pension de deux mille livres; j'ordonnerai à Colbert de vous la payer d'avance, et je vous accorde le privilége pour l'impression de tous vos ouvrages. » ÉPITRE II.1 A M. L'ABBÉ DES ROCHES. 2 A quoi bon réveiller mes muses endormies 5 4 Qui m'appelle au combat sans prendre un plus long terme. 10 De l'encre, du papier! dit-il ; qu'on nous enferme!" 1. Composée en 1669, pour y intercaler l'apologue de l'huître, publiée en 1672. Voir l'Avertissement de l'épître I. 2. Jean-François - Armand Fumée Des Roches descendait d'Armand Fumée, premier médecin de Charles VII; il mourut en 1711, âgé d'environ soixante-quinze ans. C'est à lui que Gabriel Guéret a dédié son Parnasse réformé. 3. Boileau travaillait déjà à son Art poétique. 4. Voir l'épitre I, v. 21. 5. Voir la satire IX; depuis la composition de cette satire, Linière avait fait une critique offensante de l'épître IV, écrite avant celle-ci. 6. Crispinus minimo me provocat : Accipe, si vis, (HORACE, 1. I, sat. IV, v. 14-16.) Molière, les Femmes scvantes, acte III, scène v. VADIUS. Je te défie en vers, prose, grec et latin. Voyons qui de nous deux, plus aisé dans ses vers, Moi donc, qui suis peu fait à ce genre d'escrime, Je le laisse tout seul verser rime sur rime, 15 Et, souvent de dépit contre moi s'exerçant, Punir de mes défauts le papier innocent. 1 Mais toi, qui ne crains point qu'un rimeur te noircisse, Qui, toujours assignants, et toujours assignés, 1. Bénéfice, charge spirituelle accompagnée d'un certain revenu que l'église donnait à un homme qui était tonsuré ou dans les ordres, afin de servir Dieu et l'Église. Les évêchés, cures, chanoinies, chapelles, étaient les divers genres de bénéfices. 2. Des Roches avait dans le Midi deux ou trois abbayes commandataires assez considérables (d'environ 30,000 fr. de rentes). Cela sert à nous expliquer: 1o le sens de ces vers et de quelques-uns des suivants; car les droits assez obscurs de ces abbés amphibies donnaient souvent lieu à des différends avec leurs moines; 2° pourquoi Boileau lui dédia cette épître contre la chicane. B. S. P. 3. Fameux avocat au parlement de Paris. (BOILEAU, 1713.) — Barthélemy Auzanet, conseiller d'État, mort à Paris le 17 avril 1673, âgé de quatrevingt-deux ans. On a de lui: Mémoires, réflexions et arrêts sur les questions les plus importantes de droit et de coutume. Paris, N. Gosselin, 1708, in-folio. Voy. le Journal des Savants de 1708, p. 86. 4. On mettrait aujourd'hui assignant, mais on sait quel était l'usage, au XVIIe siècle, sur le participe présent; il était variable et prenait la marque du pluriel. Voir dans Rabelais ce que dit Bridoye des procès et de l'art de les laisser mûrir, et d'épuiser les parties. (Pantagruel, 1. III, ch. XLI.) Souvent demeurent gueux de vingt procès gagnés. Un jour, dit un auteur, n'importe en quel chapitre, 1. Un Normand qui sera de Caen même, dira toujours: Je suis devers Caen, et ne dira pas: Je suis de Caen. (SAINT-MARC.) Devers, dans le sens de du côté de, était d'un usage général. Régnier, sat. X : L'autre, se relevant, devers nous vint se rendre. Molière (Georges Dandin) : « Tourne un peu ton visage devers moi. » Pour s'enfuir devers sa tanière. Hamilton, Gramont, 10: « Ne tournez point tant la tête devers eux. » Plus que jamais confus, humilié, 2. On disait proverbialement : « Un Manceau vaut un Normand et demi. »Voir les Plaideurs de Racine. 3. Deux autres avocats. (BOILEAU, 1713.) Jacques Corbin était fils d'un auteur dont Boileau parle dans l'Art poétique. Le Mazier a déjà été nommé dans la satire I. 4. M. Despréaux avait appris cette fable de son père, auquel il l'avait oui conter dans sa jeunesse; elle est tirée d'une ancienne comédie italienne. (BROSSette.) |