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JOURD'HUI KOIK. -MONSEIGNEUR AUVERGNE, MORT A DIARBÉKIR, LE 21 SEPTEMBRE 1836. D'AINTAB A ALEP.

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TOIRE D'ALEP; ÉTAT PRÉSENt de cette ville.

D'ALEP. M. ET MADAME DELSIGNORE.
NOUVEL INTerprète.

-

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HIS

LE BOUTON

PORTRAIT D'UN

A MON FRÈRE.

Alep, octobre 1837.

Quatre heures de marche mènent de Teh-Bacher à Aïntab. Deux heures avant d'arriver à cette ville, on traverse le Koïk, le Chalus des anciens, mentionné par Xénophon. Le Koïk prend sa source au-dessus d'Aïntab, au pied de Djebel-Scheik, ou Montagne du Vieillard. La rivière, en partant du lieu d'où elle jaillit, se dirige vers le sud; elle coule tantôt dans d'étroits vallons, plantés d'arbres fruitiers, tantôt dans des plaines nues et incultes. Après avoir arrosé les jardins d'Alep, le

POUJOULAT.-T. 11.

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Chalus poursuit son cours vers le midi, et va se perdre, à six lieues de l'ancienne capitale de la Syrie, au-dessous du village de Kénesrim, dans les marais de Matak.

Aïntab est située au milieu d'une belle vallée plantée de vignes et de toutes sortes d'arbres fruitiers. La cité est groupée autour d'une citadelle, bâtie sur une colline de forme ronde. Cette citadelle, avec ses fossés profonds creusés dans le roc, ses murs revêtus de pierres de taille, pourrait, avec quelques réparations, devenir encore une forte place militaire. La population d'Aïntab est de douze mille musulmans, d'origine kurde, et de trois mille Arméniens. Avant la domination égyptienne, Aïntab ne faisait point partie de la Syrie; c'était le chef-lieu d'un district dépendant du pachalik de Marach, grande ville assise au pied du Taurus. Le peuple d'Aintab avait gardé une sorte d'indépendance jusqu'à l'époque de la conquête de la Syrie par Ibrahim-Pacha; ce n'est que par la violence que le gouvernement du vice-roi est parvenu à soumettre le peuple d'Aïntab: après la bataille de Koniah, quatre cents mahométans d'Aïntab eurent la tête tranchée par les ordres d'Ibrahim-Pacha. L'administration tyrannique du pacha des bords du Nil a excité au dernier degré la haine. Si l'empereur de Stamboul faisait quelques tentatives pour reprendre ses droits en Syrie, le peuple d'Aïntab se rangerait bien vite sous ses bannières (1).

(1) Nous faisions cette remarque au mois d'octobre 1837; elle s'est justifiée deux ans après; avant la bataille de Nézib, Hafiz-Pacha avait organisé l'insurrection contre le gouvernement de Méhémet-Ali, dans toute la Syrie; le peuple d'Aïntab fut le premier à prendre les armes pour secouer le joug de l'Égypte. Nous avons appris par les journaux qu'Ibrahim

J'ai été logé, à Aïntab, chez un médecin européen attaché à l'armée d'Égypte; la chambre mise à ma disposition avait été occupée, quelques mois auparavant, par Mgr. Auvergne, délégué du saint-siége en Syrie. Les journaux vous ont appris que Mgr. Auvergne est mort à Diarbékir, le 21 septembre de l'année dernière. Jamais gardien de la foi catholique, en Syrie, n'avait été plus aimé, plus regretté que ce prêtre du Christ. Pendant les trois années qu'a duré sa mission évangélique dans les contrées du Liban, le pieux évêque n'a cessé de s'occuper avec amour du peuple confié à ses soins. Quand la nouvelle de sa mort arriva sur les bords du Chalus et de l'Oronte, tous les chrétiens versèrent des larmes, toute la Syrie catholique fut plongée dans le deuil. Partout, sur mon passage, j'entends des paroles touchantes sur Mgr. Auvergne.

« Ce prélat était, comme vous l'avez dit, doué d'un grand jugement, d'une intelligence élevée, d'une âme pleine de mansuétude et d'un saint amour. Si on voulait parler de sa charité, on aurait un texte inépuisable de louanges. Que de fois l'apôtre de Jésus-Christ s'en alla chercher l'indigence dans sa demeure, suspendue aux flancs des monts du Liban, sur les bords des torrents, au bout de ces longs et sinueux sentiers de la montagne, où jamais n'avaient passé les grandeurs de la terre! Dieu seul connaît toutes les souffrances que le pasteur a soulagées, tous les pleurs qu'a essuyés sa main. La charité dévorait l'âme de Mgr. Auvergne; c'était la céleste passion de ses jours; il ne comptait pour rien ce

Pacha, après sa victoire sur l'armée ottomane, a renouvelé de nombreuses exécutions à Aïntab et dans les villages qui environnent cette ville.

qu'il avait fait, en mesurant ses œuvres à l'immensité de ses pieux désirs: sa charité, féconde en ingénieux moyens, se multipliait et s'étendait à tout. Il lui arrivait de prendre pour ses bonnes œuvres des confidents auxquels il demandait le secret; semblable à ces héros chrétiens du moyen âge, qui ordonnaient à leurs écuyers le silence sur des exploits dont ceux-ci avaient été les seuls témoins. Plus d'une fois le pauvre catholique de la montagne fut secouru sans savoir à quel bienfaiteur il devait rendre grâce; à peu près comme le voyageur épuisé de lassitude et de soif, à travers les âpres régions du Liban, rencontrant tout à coup un coin ignoré, un frais ruisseau qui coule sous de verts mûriers, se repose à l'ombre, se désaltère et reprend son chemin avec le regret de ne pouvoir emporter dans l'âme le nom du lieu où il a retrouvé la vie (1). »

Aïntab est la dernière ville de l'empire ottoman, du côté de l'Euphrate, où l'on parle encore le turc. Passé Aïntab, en allant vers Alep ou vers Antioche, on n'entend plus que la langue arabe. En m'éloignant d'Aïntab, je fus frappé de la différence entre la race des musulmans de l'Asie Mineure et celle des musulmans de la Syrie. La figure de l'habitant de la Syrie est plus expressive, plus animée, plus fortement caractérisée que celle de l'habitant des rives du Sangare et de l'Halys. Mais nous ne confondons pas avec les musulmans de l'Asie Mineure la race kurde, race qui ne peut être comparée à aucune autre, tant elle est belle, belliqueuse et intelligente. Le costume du villageois de la Syrie se compose

(1) Extrait d'une notice sur Mgr. Auvergne, légat du saintsiége en Syrie, par M. Poujoulat.

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