muraille de la ville, devant la porte SaintÉtienne, afin de lui faire achever les dernières stations de la Voie de la Captivité, que j'avais laissées de côté dans le chapitre précédent, pour ne pas augmenter sa fatigue.

Après avoir tourné le dos au mur d'enceinte, nous voyons à notre droite un grand bâtiment surmonté d'une coupole : c'est l'église Sainte-Anne, élevée sur l'emplacement de la maison de Joachim et d'Anne, au lieu de l'Immaculée Conception de Marie' On montre dans les souterrains la chambre où habita la sainte Famille. Convertie en école musulmane par Saladin, cette basilique vient d'être donnée par le sultan à la France, qui l'a rendue au culte catholique. Ce succès diplomatique fait le plus grand honneur à notre ambassadeur, M. Thouvenel, si bien secondé par M. de Barrère, consul de France à Jérusalem.

La rue que nous suivons doit avoir existé

1. Jean Damascène, Vitriacus, Sanutus, Guillaume de Baldensel.

depuis les temps les plus reculés; elle servait sans doute d'artère principale pour relier le système de défense de la ville avec le palais des gouverneurs, la tour Antonia avec le temple. A notre droite, au pied d'une voûte, nous apercevons une tourelle assez moderne, mais dont les pierres du soubassement rappellent les constructions anciennes; on prétend que ce sont les ruines de la tour Antonia, ou du moins d'une des quatre tours qui la flanquaient.

Quelques pas plus loin, à gauche, dans la muraille, se trouvent les traces d'une ancienne porte sculptée qui donnait entrée dans le Prétoire, et à laquelle aboutissait la Scala Santa, que Notre-Seigneur eut à franchir plusieurs fois, soit qu'il fût conduit de Pilate à Hérode, et réciproquement, soit qu'il fût emmené au lieu de la Flagellation1. La Scala Santa est aujourd'hui à Saint-Jean de Latran, où elle a été transportée par les soins de Constantin le Grand.

1. Bonifacius, De Peren. cultu, livre II.

La porte en fer qui est vingt pas plus haut sert de clôture au couvent latin de la Flagellation. Les premiers chrétiens élevèrent à l'endroit où notre Sauveur fut accablé d'outrages une chapelle commémorative déjà en ruine vers le dix-septième siècle.

Quaresmius1 rapporte à ce sujet qu'en 1618 le fils du gouverneur fit réparer ce monument et le convertit en écurie; mais que, dans la nuit du 14 janvier 1619, fête du saint Nom de Jésus, tous les chevaux moururent. Abandonnée à la suite de ce miracle, elle ne fut reconstruite qu'en 1838, après le pèlerinage du duc Maximilien de Bavière, et par ses ordres. On voit aujourd'hui dans la ch1pelle, des chapiteaux de l'ancien monument, retrouvés parmi les décombres, et dans les travaux que l'on entreprit alors on rencontra à plusieurs mètres sous terre des traces de pavés en mosaïque bien conservés.

Au sortir de la Flagellation on a devant soi une caserne turque, située sur l'emplacement

1. Tome II, p. 196.

du palais de Pilate. Là commence à proprement dire la Voie douloureuse.

On peut facilement obtenir l'autorisation de visiter cette caserne; mais le terrain a été tellement bouleversé depuis le règne d'Hérode que, malgré des recherches minutieuses, il me serait impossible de spécifier l'emplacement des chambres où comparut Notre-Seigneur, où il fut jugé, couronné d'épines, montré au peuple, enfin où il fut chargé de sa croix. Toute cette partie, jusqu'à l'Arc dit l'Ecce Homo, comprend, selon moi, les deux premières stations: la condamnation à mort1, et Jésus chargé de sa croix sort du prétoire.

Nous continuons à descendre la rue jusqu'à son extrémité ; la bâtisse neuve à notre droite appartient au gouvernement autrichien; au coin, à gauche, cette colonne brisée marque l'endroit de la première chute de Notre-Seigneur (IIIe station).

Si nous tournons maintenant le dos à la colonne, à notre droite et en face, de l'autre

1. Jean, XIX, 5.

côté de cette rue qui passe à nos pieds, nous remarquerons, au milieu des maisons, un édifice en ruine avec des fenêtres en ogive; voilà ce qui reste de l'église bâtie sur l'emplacement où s'évanouit la sainte Vierge en rencontrant son divin fils (IVe station)1.

Prenant ensuite à gauche pendant une soixantaine de pas, nous trouvons la maison du Mauvais Riche2, qui sert aujourd'hui d'hôpital militaire; les assises des pierres sont rouges et noires, ce qui permet de la distinguer facilement.

Ici est le trivium où aboutissaient, comme aujourd'hui, les rues qui partaient de la Porte Judiciaire et de celle d'Éphraïm, et où les juifs, témoins de l'état de faiblesse de NotreSeigneur, dans la crainte qu'il ne pût arriver jusqu'au Golgotha, arrêtèrent un homme qui revenait des champs, Simon le Cyrénéen, auquel ils firent porter la croix (Ve station)3. Le souvenir en est conservé aux fidèles par

2. Saint

1. Sanutus, livre III, partie XIV, chap. x. Luc, XVI. - 3. Saint Matth., XXVII, 32. — Saint Marc,

XV, 21. Saint Luc, XXIII, 26.