Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Faut-il en faire honneur à Salomon? Ces pierres gigantesques ont pu sans doute figurer dans le monument élevé par le grand roi, mais de l'antiquité des matériaux déduire l'âge de la construction, serait aller trop vite en besogne. Ne l'oublions pas, le temple de Jéhovah a eu trois âges; l'édifice bâti par Salomon sur l'aire d'Arenna ou Ornan le Jébuséen a été détruit par Nabuchodonosor, réédifié par Zorobabel, refait presque tout à neuf par Hérode, qui en agrandit considérablement le parvis. Quoi qu'il en soit, le mur que nous avons devant nous a fait partie de la vieille enceinte; c'est même le seul front de l'antique Jérusalem sur lequel tout le monde soit d'accord. Et quand on renoncerait à y voir une bâtisse salomonienne, il est au moins vieux comme Hérode. Ce roi, qui fit tant construire, avait le goût du colossal; l'historien juif témoigne des proportions énormes des matériaux qu'il aimait à employer 2, et

1. II. Rois, XXIV, 24. — II. Paral., III, 1.
2. Josèphe, De Bello Judaico, livre VI, chap. vi.

ce sont ces grandes pierres que les disciples montraient au Seigneur en sortant du temple, lorsqu'ils disaient:

« Vois, maître, quelles pierres et quelles constructions!

- Eh bien, répondit le Christ, il n'en restera point pierre sur pierre qui ne soit détruite 1. D

En se dirigeant sur le midi, continuant à longer la muraille, on remarque tout près des créneaux, un fût de colonne placé comme une pièce d'artillerie sortant de son embrasure. On pourrait le croire, ce n'est là qu'un caprice des maçons barbares qui ont mis ici, comme une dérision, ce vestige de quelque monument antique. Que l'on se détrompe: on a devant les yeux la première assise d'un monument qui durera pendant l'éternité: c'est l'amorce où doit s'appuyer le pont immense du Sirath, ce passage redoutable jeté, d'après la tradition musulmane, sur l'abîme des punitions infernales, et sur lequel tous

1. Marc, XIII, 1, 2.

les hommes, au jour du grand jugement, devront se risquer pour arriver au séjour de la paix. Ce pont, déjà peu commode à sa naissance, sera plus délié qu'un cheveu, plus étroit que le tranchant d'un sabre de Damas; et pour rendre l'épreuve plus difficile, les candidats auront aux pieds de lourdes entraves formées par la réunion de leurs péchés. Beaucoup trébucheront dès les premiers pas et seront précipités dans le gouffre de la colère divine; les justes, au contraire, soutenus sous les aisselles par deux anges gardiens, franchiront le terrible passage avec la légèreté de l'oiseau.

Maintenant, nous voici arrivés près de l'angle du mur voyez-vous ces pierres en saillie qui font supposer une console ancienne, ou en promettre une future? Là s'avancera le balcon où le prophète doit asseoir son tribunal. Quand le dernier jour de la race d'Adam sera venu, quand l'esprit de Dieu, qui n'est pas mort, mais a été enlevé tout vivant au ciel, aura vaincu le faux Messie (l'Antechrist ou Dedjial), il fera comparaître

devant lui toutes les générations, et chacun sera payé selon ses œuvres. Mohammed, pendant ce temps, se tiendra au pied du trône céleste pour intercéder en faveur des musulmans.

Lorsque l'on a doublé l'angle qui termine au sud le front oriental de la place, les vestiges du mur antique reparaissent encore à quelques endroits; pour les observer, montons hors du chemin, dans les terres labourées, sans craindre la fatigue. Nous trouverons un petit dédommagement dans la vue d'une ancienne porte sculptée, contemporaine de la porte Dorée, mais beaucoup moins complète, et maintenant à moitié empâtée dans le mur du jardin de la mosquée El-Aqsa. Cet édifice religieux, bâti au-dessus de cette porte, n'est autre que l'église de la Présentation, œuvre de Justinien; il n'offre à l'extérieur rien de remarquable, sinon pour l'archéologue une inscription latine du deuxième siècle posée à l'envers dans la maçonnerie, et par conséquent pénible à déchiffrer. Un peu plus loin, toujours en côtoyant l'en

ceinte, la petite porte en fer, aujourd'hui condamnée, s'appelle la porte des Occidentaux (Bab-el-Mogharbè.)

Rentrons dans le sentier battu, en suivant la trace de l'aqueduc qui conduit à la mosquée les eaux des vasques de Salomon. Ce chemin indique l'ancien tracé des murailles de la ville sous le roi de David, alors que le mont Sion tout entier était renfermé dans l'enceinte. On a peine à comprendre pourquoi les fortifications nouvelles l'en ont exclu. A ce sujet, la tradition du pays raconte que le sultan Sélim (sous lequel fut construit cet ouvrage), irrité de cette bévue, fit trancher la tête à son architecte-ingénieur; moyen commode de régler le compte de ses honoraires. A notre gauche, un peu plus bas, est une grotte où, dit-on, saint Pierre se retira pour pleurer sa faute après que le coq eut chanté trois fois. Ce coq était l'hôte criard de la maison du grand prêtre Caïphas, remplacée depuis par le petit couvent arménien près duquel nous sommes. On montre à droite de l'autel un réduit obscur où le Christ fut em

« ZurückWeiter »