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Jaffa est bâtie en amphithéâtre sur un mamelon sablonneux, qui domine à l'est la mer, et à l'ouest des jardins, ou plutôt des vergers, couverts d'une végétation riche et touffue: l'oranger, le citronnier, le grenadier, plantés sans ordre et sans alignement, y confondent leurs rameaux chargés à la fois de fleurs et de fruits. La ville est entourée d'une enceinte crénelée où quelques petits canons de bronze se chauffent au soleil; sur la partie la plus

élevée du monticule se dresse une forteresse ronde, surmontée du pavillon ottoman. Les rues sont étroites et singulièrement sales; les bazars n'offrent rien de remarquable, sinon pour le voyageur novice qui n'a encore aucune idée de l'Orient réel.

Jaffa est une ville toute de souvenirs. Elle doit, dit-on, à Japhet son nom de Jaffa; c'est déjà une antiquité fort respectable, et cependant Pline en fait remonter la fondation aux temps antédiluviens. La tradition, d'accord en cela avec lui, y place la construction de l'arche par Noé. A ce sujet, on lit dans un manuscrit du quatorzième siècle, le Voyage du sire de Mandeville : « Sachez que Jaffa est la plus ancienne ville du monde, car elle fut fondée devant le déluge. Noé est en corps sépult en la roche où les chaînes de fer attachées, dont un grand gayant, qui eut nom Andryomédas, fut mis en prison par les fils de Noé; duquel gayant, l'os d'une de ses costes a 40 pieds de lonc. »

1. Hist. ratur., livres V et IX.

C'est à Jaffa que Jonas s'embarqua pour aller à Tarsis (aujourd'hui Tarsous en Caramanie), alors qu'il fuyait la face du Seigneur1. Les bois envoyés par Hiram à Salomon2 étaient débarqués à Joppé, d'où le roi les faisait transporter à sa capitale, pour bâtir le temple de Jéhovah. Saint Pierre y vint de Lydda pour rendre la vie à la charitable Tabitha; pendant son séjour à Jaffa, il habitait chez Simon le corroyeur. Sur l'emplacement de cette maison, où il eut sa vision des animaux mondes et immondes, et où vinrent le trouver les envoyés du centenier Corneille", s'élève aujourd'hui le couvent des Pères de Terre-Sainte. La position de Jaffa lui valut de nombreuses vicissitudes; elle passa tour à tour sous le joug des Égyptiens, des Assyriens, des Grecs, des Romains, des Sarrasins, des croisés, des Arabes, des Turcs. Brûlée par Judas Macchabée, prise par Vespasien, elle devint, lors des croisades, le siége d'un comté

3. Actes,

5. Actes, X, 5.

1. Jonas, I, 3. 2. II. Paral., II, 16. IX, 32. 4. Actes, X, 11. 6. II. Macch., XII, 8.

qu'y fonda Gauthier de Brienne. Godefroy de Bouillon y mourut, selon quelques auteurs, au retour d'une expédition contre le sultan de Damas. Saint Louis fortifia Jaffa et y construisit un donjon; il y reçut, dit-on, la nouvelle de la mort de sa mère la reine Blanche.

En 1799, Jaffa revit les soldats de la France. Bonaparte y perdit une partie de son armée victorieuse, décimée par la peste. Tout le monde connaît le célèbre tableau de Gros. Les arcades mauresques sous lesquelles on voit se traîner les pestiférés n'existent que sur cette toile fameuse; le lieu où était établie l'ambulance n'est aujourd'hui qu'un magasin sans aucun caractère. Enfin, le tremblement de terre de 1837 y fit beaucoup de ruines.

A dix minutes de Jaffa, dans le sud, se trouve une éminence au sommet de laquelle est bâti un petit sanctuaire musulman. On prétend qu'au pied de ce monticule, Persée, monté sur Pégase, vainquit le monstre auquel

1. M. Michaud place ce fait à Sayda.

avait été exposé Andromède. Saint Jérôme ne dédaigne pas de rapporter cette tradition'.

Andromède et son dragon, Persée et son cheval ailé pourraient très-bien, ce me seinble, n'être que le déguisement mythique d'un fait historique véritable. En effet, cette fille de roi, menacée par un danger venant de la mer, est pour moi la Phénicie en butte à des invasions de pirates qui voulaient la rançonner; les vaisseaux se changent volontiers en dragons, en monstres marins, dans les souvenirs populaires des laboureurs de la plaine, comme cela s'est vu, il y a trois siècles, pour les peuplades américaines épouvantées par les navires espagnols.

Appelant à leur aide les cavaliers rapides de l'Arabie (Farès, Parès, Persée), les opprimés auront reçu les forbans de manière à les dégoûter du pays; et une intime alliance, un mariage politique les aura unis à leurs auxiliaires. De cette époque, a daté l'ère de prospérité commerciale et agricole de la Phénicie,

1. Comm. in Jonam, chap. 1.

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