Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

<< Depuis ce jour la paix s'enfuit du cœur de Seid-Aaly; abandonnant ses fidèles compagnons, ses riches troupeaux, le désert où s'était passée sa jeunesse, il vint dans cette vallée, caché sous des haillons de derviche, et consacra son existence à offrir de l'eau aux voyageurs.

<< Plusieurs années se passèrent: il persévérait dans ses prières et ses bonnes œuvres, suppliant le Miséricordieux de l'enlever de ce monde ou de le réunir à Mériem. Un jour qu'il prenait le repos de midi dans cette petite grotte, là-bas de l'autre côté du chemin, il croit voir en songe s'avancer vers l'ermitage sa fiancée, revêtue d'une riche parure nuptiale, mollement étendue sur un brancard d'or que portent deux génisses éclatantes de blancheur. La joie l'éveille, et il trouve devant lui, le front dans la poussière, une pèlerine dont les vêtements sont en lambeaux, dont les pieds, déchirés aux ronces du chemin, ont tracé jusqu'au seuil de sa retraite une empreinte sanglante. Il s'approche, il reconnaît sa Mériem si désirée qui, sur le

point d'expirer de fatigue, le salue par les mots sacrés de la profession de foi. Il se précipite sur elle, dépose un ardent baiser sur ses lèvres, et avec ce premier baiser s'envolent. deux âmes, qui ne se quitteront plus dans le séjour du bonheur éternel.

«<< Là où l'on trouva les corps inanimés des deux fidèles serviteurs de l'Unique, les anges firent croître un bouquet de chênes, et l'on construisit un licu de prière avec une fondation (wakouf), pour que le voyageur y puisse trouver toujours de l'eau et bénir la mémoire du saint imam. L'indifférence du siècle a tout laissé tomber en ruines, à la honte des administrateurs du wakouf; aussi Dieu les jugera, lui qui seul connaît le mérite des actions des hommes. »

Hadji-Moustapha finissait en même temps sa narration et son tchibouq: le moment était venu de se remettre en marche.

Au point culminant de la vallée, on traverse, par un chemin détestable, une plantation d'oliviers où se blottit le village de Sarris. A droite, sur le flanc de la montagne, à cent pas

environ de la route, est une petite source de bonne eau cachée dans les rochers. Des pierres sans nombre obstruent le chemin et font trébucher les chevaux; pendant une heure on parcourt un plateau ondulé, tout couvert de halliers verdoyants, et l'on arrive, par une pente toujours ascendante, à la montagne où s'élève le village d'Abou-Gosch.

Ce village, que les Arabes appellent Elqarriè ou Quarriet-el-Aaneb (village des raisins), est situé à mi-côte, à droite de la route, à la naissance d'une vallée fertile, couverte de figuiers et de vignes. On s'accorde à y reconnaître le Keriat-Yéharim des Écritures, appelé aussi Keriat-Baala 1, où l'arche demeura pendant vingt ans déposée dans la maison. d'Abinadab, sur le coteau 2. C'est aujourd'hui la résidence d'un cheikh de paysans assez brouillon, assez remuant, que, dans le style de la Genèse, on appellerait le roi des BeniMalek.

1. Josué, XV, 9.

2. I. Rois, VII, 1. In domo Abinadab in Gabaa (coteau).

Auprès d'une fontaine d'excellente eau à l'entrée du village, s'élève le vaisseau intact encore, mais fort dégradé, d'une église bâtie au temps des croisades en l'honneur du prophète Jérémie. Je la visitai en détail, malgré le fumier qui l'encombre, car elle sert d'étable aujourd'hui.

Il y a cent cinquante ans environ, plusieurs religieux franciscains y furent victimes de la cruauté fanatique d'un Abougosch, bisaïeul et prédécesseur de celui d'aujourd'hui, qui les fit mourir étouffés dans un four. Le souvenir de ce lamentable événement donne, aux yeux des bons Pères de Terre-Sainte, un renom lugubre à ce village, maintenant inoffensif, et ils s'obstinent à l'appeler Saint-Jérémie, sans doute à cause du vocable de l'Église; l'identifiant, par une antique erreur, avec Anatoth, patrie du prophète des Lamentations.

Quand on a dépassé d'une demi-heure le village d'Abougosch, en descendant par une assez bonne route tracée à mi-côte, on voit à droite un mamelon élevé qui s'isole de la chaîne, et sur le sommet duquel était Modin, la patrie

des Macchabées'. Là se dressait le monument funéraire de ces héros, assez haut pour être vu de la mer par les navigateurs. Du temps d'Eusèbe de Césarée et de saint Jérôme, cet édifice sépulcral subsistait encore; il n'en reste plus rien aujourd'hui : Etiam periere ruinæ.

Un autre piton surgit à l'orient, presque en face du voyageur. Il porte un hameau misérable appelé Koustoul, forme barbare du mot Castellum. Ce château 2, situé à moins de trois lieues de Jérusalem, est l'Emmaüs des évangélistes, à neuf milles de la ville sainte. Jésus, après sa résurrection, y rompit le pain avec deux de ses disciples, et dans la maison même où cette apparition eut lieu, l'apôtre Cléophas souffrit plus tard le martyre et fut enterré. Ruiné par Varus, Emmaüs devint sous Vespasien un poste militaire, un castellum, à l'entrée duquel, sur le lieu où le Christ avait, dit-on, lavé ses pieds fatigués, coulait une source thermale qui fut comblée par Ju

1. I. Macch., XIII, 25. - 2. Saint Luc, XXIV, 13.

« ZurückWeiter »